Les mots ont un poids, ils réconfortent, consolent mais ils peuvent aussi blesser, meurtrir… Moi quand j’ai lâché le mot cancer, je me suis entendu dire : « Non mais t’inquiète, t’es forte, je ne m’en fais pas pour toi », et aussi « tu as regardé la signification de la maladie ? ». Et après ma tumorectomie : « T’as encore ton sein…, ben t’as pas de cancer ! ». À force d’entendre ce genre d’énormités, je me suis demandé si c’était moi qui prenais tout mal. Alors j’ai demandé aux copines, patientes comme moi, avec lesquelles j’échange régulièrement sur Facebook, si elles avaient aussi eu leur lot de petites phrases stupides, irrationnelles, surréalistes.
Une heure plus tard, je croulais sous les réponses.
Je pense à Gaëlle qui a perdu 2 frères et qui après avoir annoncé – avec précaution – son cancer à son père a récolté un laconique « jamais 2 sans 3 ». À Albale, à qui le médecin a infligé un « Si je vous dis biopsie, c’est que c’est pas bon du tout ! Et là en plus c’est la merde parce qu’on est en août et que c’est les vacances ! ». Il y a cette personne qui se voulait sans doute positive : « Quand tu auras la tête chauve, tu feras des économies de coiffeur » (@rimoon). Ou cette autre à l’esprit pratique : « Avec la radiothérapie tu maigriras, plus besoin d’aller chez la diététicienne » (@fafa). Certains nous imaginent, on ne sait pas trop pourquoi, allongées sur un transat, un cocktail à la main, en mode « all inclusive » : « En week-end le mercredi, il y en a qui ont de la chance ! » (@rozenn).
« Quand tu auras la tête chauve, tu feras des économies de coiffeur »
Côté boulot, on manque aussi de Prix Nobel de psychologie. Exemple, le patron de Kim au moment où elle débutait sa chimio : « Oh c’est dommage, ça tombe vraiment mal, vous étiez en pleine ascension ! ». Spéciale dédicace aussi au boss d’Oriane qui lui a si gentiment proposé de prendre un temps partiel « ce sera plus facile, et au moins je ne culpabiliserai pas de te faire travailler en arrêt de travail ».
Le pire, c’est que le plus souvent, tout part d’une bonne intention. Les gens veulent nous réconforter sans se rendre compte ni de leur maladresse, ni de l’impact que leurs mots peuvent avoir sur nous. On finit par en rire parce que l’humour est un puissant régulateur mais quand même, certaines phrases laissent sans voix…
Propos recueillis par Sandrine Mouchet
Illustration de Marianne Maury Kaufmann
*Elisabeth a compilé un florilège de petites phrases sur sa page facebook @babou zabou GT.