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Chlordécone : Ce cancérigène qui empoisonne les Antilles

{{ config.mag.article.published }} 5 juin 2019

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© Hemis

L’insecticide, classé « cancérogène probable » en 1979 mais interdit aux États-Unis dès 1977, a traité les bananeraies antillaises jusqu’en 1993. Et contaminé les sols, l’eau, le sang et les esprits.

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« La Comédie Française présente : Ce sang impur ». Les lettres blanches se détachent sur le fond rose. Au centre de l’image trône une femme au regard accusateur. Le drapé tricolore qui l’habille laisse apparaître la cicatrice d’un sein amputé. Un tuyau de perfusion la relie à un régime de bananes… Ce matin de décembre, Fort-de-France s’est réveillée avec cette affiche sauvage placardée sur huit panneaux publicitaires géants, parfaitement visibles depuis les rocades encombrées au petit matin. Cent quarante affiches plus modestes s’étalent sur des pans de mur, des abribus, à l’entrée d’un lycée… La formule est amère. Car, non, il ne s’agit pas de la promotion d’une tournée ultramarine du Français, mais bien d’un tract géant. Un appel lancé par un collectif de créateurs martiniquais pour mobiliser les Antillais autour de ce péril sans visage – mais présent dans tous les esprits : le chlordécone. Les cristaux blanc crème de cet insecticide « miracle », très efficace contre le charançon (un insecte qui menaçait les récoltes de bananes), ont « sauvé » la première ressource économique locale mais, en même temps, ruiné ses sols : le perturbateur endocrinien – soupçonné d’être cancérogène depuis 1979 – continuera d’imprégner les îles pendant encore 650 ans. Car si les États-Unis, en 1975, ont préféré fermer leurs usines de chlordécone et, dès 1976, en interdire l’usage, la France a continué à disperser, sans états d’âme, l’insecticide jusqu’en 1991 en métropole (date de son interdiction) et jusqu’en 1993 (au moins) aux Antilles. Pourquoi la toxicité (avérée) du chlordécone s’évaporait-elle, apparemment, en traversant l’Atlantique ? Grâce au lobbying efficace des producteurs de bananes antillais, qui avaient obtenu de l’État français un moratoire de deux ans afin d’écouler leurs stocks. Au mépris de toute précaution (voir la chronologie ci-dessous).

L’invisible mais omniprésent

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À travers des affiches sauvages ou dans les rues de Fort-de-France pendant le carnaval, le collectif Zéro chlordécone-zéro poison tente d’alerter sur les dangers du pesticide.

« Le chlordécone, résume Alexandra Harnais, fondatrice de l’association Projet Amazones, créée pour venir en aide aux femmes d’outre-mer touchées par le cancer, c’est comme un gros squelette dans le placard. » Invisible mais omniprésent, il a tout contaminé : les ouvriers qui ont répandu l’insecticide, souvent sans protection, les terres, les rivières, puis les eaux littorales. Il a gagné les poissons, le bétail, les volailles et leurs œufs, ainsi que tous les légumes-racines – patates douces, ignames, dachines –, qui constituent la base de l’alimentation locale. Au printemps 2018, un coup de canon retentit sous les alizés : l’étude Kannari, menée par l’Anses afin d’évaluer l’imprégnation de la population générale, conclut que le chlordécone est présent dans le sang de 92 % des Martiniquais. Un danger diffus qui, d’un coup, devient tangible.

« Ne vous posez pas la question pour votre cancer : les pesticides ! »

carnaval-collectif-zer-chlordecone-rosemagazine16-roseupassociation« On sait tous ici que les terres sont polluées. Je fais partie de ceux qui ont manifesté contre le chlordécone, mais je me disais que c’était loin, qu’on avait dix-quinze ans devant nous pour trouver des solutions. Je n’avais pas réalisé que le danger était si proche », raconte Moune, depuis son jardin du Lamentin. En rémission d’un lymphome agressif, la jeune femme de 38 ans, ancienne adepte de triathlon, ne présentait aucun « facteur de risque » lorsque ce cancer lui est tombé dessus, deux ans après avoir frappé son oncle. « Quand j’ai vu l’hématologue, il m’a dit : “Ne vous posez même pas la question du pourquoi : les pesticides ! » Elle se souvient, les larmes aux yeux : « Pendant quinze ans, j’ai vécu dans une maison mitoyenne de celle de mon oncle, en zone d’épandage. Cela faisait partie de notre environnement. Je jouais dehors. Aujourd’hui, j’ai peur. Qui sera le prochain dans la famille ? Ça arrivera, j’en suis sûre. Je ne sais juste pas quand. » Aux Antilles, le chlordécone a non seulement pollué le sol et le sang, mais aussi les esprits et les rapports sociaux. « Certaines personnes ici vont jusqu’à parler de génocide », énonce Sophia Sabine. Cette kinésithérapeute au CHU de Fort-de-France, cofondatrice, en 2012, du collectif Zéro chlordécone-zéro poison, évoque là les prises de position de militants nationalistes. C’est le cas d’Anicia Berton, gravement malade d’un cancer – le deuxième en quelques années –, qui estime que « le scandale du chlordécone est une énième forme d’esclavagisme ». Derrière cette révolte née du désespoir, une réalité historique : les propriétaires des bananeraies, majoritairement békés, ont fait le siège de plusieurs gouvernements successifs pour obtenir le droit de continuer à utiliser le chlordécone quelques années de plus aux Antilles. Vingt-cinq ans après, six plaintes contre X pour mise en danger d’autrui ont été déposées par plusieurs associations de Guadeloupe et de Martinique et instruites au Pôle santé du TGI de Paris.

EN CHIFFRES

55% des nouveaux cas de cancer touchent la prostate
33 %de cancers féminins sont des cancers du sein (les plus fréquents)
729 décès par cancer enregistrés, dont 56% chez l’homme
300 tonnes de chlordécone ont été – officiellement – répandues aux Antilles entre 1972 et 1993
250 à 650 ans selon la qualité de la terre, c’est le temps estimé pour qu’une molécule de chlordécone se dégrade de moitié (on parle de demi-vie) dans le sol

Aujourd’hui, la population antillaise oscille entre fatalisme, angoisse et colère. Ballottée entre les indépendantistes, qui accusent la France d’avoir sacrifié la santé des populations créoles aux intérêts des grandes familles bekés, et certains zoreilles, pour qui le chlordécone n’est jamais qu’un dossier politique monté en épingle par les premiers. De hauts fonctionnaires métros à ce point persuadés de leur fait qu’ils n’hésitent pas à glisser en off à la fin d’une interview que « toute cette histoire n’est qu’un prétexte agité par les indépendantistes pour obtenir une indemnisation généralisée ». Ambiance.

La maladie reste un tabou, une malédiction

Loin des batailles idéologiques, les données de santé ne mentent pas. Et elles ne sont pas rassurantes. L’île affiche des taux d’incidence plus élevés que l’Hexagone pour quatre localisations tumorales : prostate, col de l’utérus, estomac et myélomes multiples. Concernant ces derniers, une étude de l’Institut de veille sanitaire (INVS) soulignait dès 2011 une association entre risque de ce cancer de la moelle osseuse et vie en zone très polluée.

Par ailleurs, Martinique et Guadeloupe sont championnes du monde du taux de cancers de la prostate par habitant, avec 600 nouveaux cas par an.

De forme plus agressive, « ce cancer se déclare aussi plus tôt désormais », observe le Dr Josiane Jos-Pelage, présidente de l’Association médicale de sauvegarde de l’environnement et de la santé (Amses), qui se mobilise depuis 2007. De plus, certains doutent que tous les cancers soient répertoriés. « La maladie est encore un tabou, vécue comme une malédiction, ajoute Sophia Sabine. Et la religion est très présente : j’ai rencontré des gens qui préféraient se soigner par la prière. » Le silence règne donc. Il est d’autant plus lourd que le cancer charrie d’autres tabous : l’atteinte à la virilité quand il se porte sur la prostate, une hantise teintée d’une forme de culpabilité quand il s’abat sur un agriculteur. « Nombreux sont ceux qui se rendent compte que leur terrain est infesté et qui préfèrent taire leur maladie », confie Yves Dondin, cultivateur à la retraite de 68 ans, dont le fils a transformé les terres familiales en exploitation bio. Louis Boutrin, avocat et lanceur d’alerte en 2007, l’affirme : « Il y a aujourd’hui des agriculteurs qui meurent dans l’anonymat le plus total. »

CHRONOLOGIE D’UN SCANDALE

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Certes, le cancer est toujours d’origine multifactorielle. Mais Karuprostate, la première étude∗∗ à avoir exploré ce record antillais, en 2010, révélait néanmoins une corrélation entre taux élevé de chlordécone dans le sang et risque accru de cancer de la prostate. Un lien qui, scientifiquement, ne suffit pas à prouver une relation de cause à effet : c’est ce que répète le président de la République, même s’il a également mentionné « une part de responsabilité de l’état » lors de sa visite officielle sur l’île, en septembre 2018. « Le lien entre chlordécone et cancer de la prostate mérite d’être clarifié, appuie le cancérologue Jérôme Viguier, à la tête de l’Agence régionale de santé martiniquaise depuis janvier 2019. Il faut préciser le type de cancers, l’âge de survenue, les susceptibilités particulières et confirmer les résultats, comme pour tout facteur de risque. » Une deuxième étude, Madiprostate, aurait déjà dû l’approfondir. Mais, après une première phase de faisabilité, son financement n’a pas été retenu : « Sa méthodologie, expertisée par des chercheurs indépendants, avait été jugée insuffisante pour répondre à la question », explique Jérôme Viguier, à l’époque directeur du pôle Santé publique et soins à l’INCa.

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Moune, diagnostiquée d’un lymphome agressif à 36 ans, a grandi en zone d’épandage.

Sa relance est annoncée cette année, tandis que Santé Publique France souligne qu’il faudrait explorer le lien entre le chlordécone et d’autres cancers. « Des études et une traçabilité des produits alimentaires, c’est ce qu’on demande depuis plus de dix ans, soupire le Dr Jos-Pelage, qui s’agace des lenteurs. Depuis des années, on se contente de vouloir rassurer les populations. C’est tellement infantilisant ! Moi, je ne veux pas être rassurée, je veux une attitude mature… » L’Amses et les autres associations et collectifs de l’île attendent de l’état une reconnaissance de l’ampleur du problème, ainsi que des actions pour supprimer au moins les contacts alimentaires quotidiens. Lire l’article Se nourrir sans chlordecone, c’est possible ?

Moune, de son côté, a envisagé de quitter la Martinique pour limiter ses risques de rechute. Finalement, elle a fait le choix des paniers bio et filtre l’eau du robinet, même si on l’assure saine. « Nous sommes une génération perdue, admet-elle. Mais nous devons maintenant arrêter de chercher les responsables et de nous diviser. Ce qui compte, c’est de trouver comment s’en sortir et d’éviter à nos jeunes de finir empoisonnés. »

 

 Auteur, avec Raphaël Confiant, de Chronique d’un empoisonnement annoncé, L’Harmattan.

∗∗ Menée par le Pr Blanchet, chef du service d’urologie à Pointe-à-Pitre, et Luc Multigner, chercheur à l’Inserm, et publiée dans le Journal of Clinical Oncology.

Retrouvez cet article dans Rose Magazine (Numéro 16, p. 38)

REDOUTABLE CHLORDECONE ?

Le chlordécone, qui répond à une formule incompréhensible (decachloro-octahydro-1,2,4-metheno-2H cyclobuta (cd) pentalène-2-one), appartient à la classe chimique des cétones. à ce titre, comme l’acétone et quoique tout le monde dise couramment « le » chlordécone, le genre de la molécule est féminin. C’est un insecticide de la famille des organochlorés, progressivement interdits, d’abord aux États-Unis, puis dans le monde – avec maintien d’une dérogation pour les Antilles – à partir de la fin des années 1960, à cause de leur persistance dans l’environnement et de leur bio-accumulation dans les matières vivantes. La chlordécone est très stable. Sa structure moléculaire, en forme de cage, rend le lien entre ses atomes quasi indestructible. Elle ne se dégrade que lentement et d’autant moins vite que les sols antillais, riches en matière organique et en argile, la retiennent bien. Aucune plante capable de la transformer en molécule non toxique n’a pu être identifiée. On n’a pas encore trouvé de bactérie, champignon ou microbe capable d’aider à dépolluer les sols. Elle est peu soluble. Mais les eaux de ruissellement transportent ses particules fines vers les rivières et vers la mer. La plus grande partie reste dans le sol, dans une couche de 30 à 90 cm.

Plus la terre est labourée, plus la molécule se répand : la contamination se propage essentiellement en profondeur, vers et via les nappes d’eau souterraines. Le ou les mécanismes de sa toxicité sont encore mal élucidés. « L’éventail des conséquences sanitaires potentielles […] aux Antilles est encore loin d’avoir été exploré », souligne l’épidémiologiste de l’Inserm Luc Multiginer dans un article paru au bulletin hebdomadaire de Santé Publique France en juillet 2018.

« Chlordécone : un perturbateur endocrinien emblématique affectant les Antilles Françaises », BEH n° 22-23.


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Claudine Proust

Journaliste

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