Quel a été le point de départ de cette initiative ?
Le fait qu’on ne puisse pas résumer un patient à sa pathologie. Chaque personne est hospitalisée avec sa culture et ses croyances et doit être prise en charge dans sa globalité. Mais souvent on oublie que le malade est un individu singulier. Les soignants se trouvent parfois très démunis face à certaines situations délicates, ce qui peut provoquer des tensions et nuire au parcours de soins. Pour faciliter la relation soignant-soigné, le centre Léon-Bérard a donc répondu en 2016 à un appel de la Fondation de France, qui finance des projets d’humanisation des soins à travers l’interculturalité.
Concrètement, en quoi les croyances peuvent-elles constituer un problème ?
Je me souviens d’une musulmane qui refusait d’être prise en charge par un aide-soignant homme, d’un catholique qui ne voulait pas se faire opérer tant qu’il n’avait pas reçu la bénédiction du prêtre… Face à de tels souhaits, le personnel non préparé peut répondre par le refus ou l’agacement. Formé à l’interculturalité, il saura mieux anticiper et adapter son discours pour tenter de parvenir à une coadhésion. Autre exemple : un malade considérant son cancer comme une fatalité aura parfois tendance à être moins observant. Comme le programme vise à mieux comprendre les réticences du patient, le soignant formé pourra plus facilement accepter son inobservance, ne pas la prendre comme un échec personnel.
En quoi consiste exactement la formation ?
Depuis 2016, nous avons recruté 90 volontaires médecins, infirmiers, secrétaires d’accueil, brancardiers et de la sécurité. Tous reçoivent une formation de deux jours, supervisée par un ethnopsychologue. Une fois formés, ces professionnels deviennent des « personnes ressources » ou des « ambassadeurs de l’interculturalité », aptes à comprendre les besoins des patients (l’importance des prières ou de certaines périodes du calendrier, par exemple) et à les traduire aux autres soignants, parfois mal à l’aise avec ces questions. Le dialogue s’en trouve facilité, les obstacles à franchir sont moins nombreux.
Propos recueillis par Appoline Henry