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Chirurgie ambulatoire : en marche vers le bloc !

{{ config.mag.article.published }} 30 novembre 2017

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En dehors de quelques opérations longues et douloureuses, presque toutes les interventions pourraient être réalisées en ambulatoire.

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« Accentuer le virage ambulatoire »… La formule ne vous parle pas ? C’est pourtant un leitmotiv des pouvoirs publics, qui y voient un facteur clé d’économies, au point de faire de cette prise en charge une priorité nationale.

En 2020, « l’ambu », comme l’appellent les médecins, devrait donc concerner 7 interventions sur 10, contre 5 aujourd’hui.

Sur le papier, tout plaide en faveur de ce type de chirurgie, qui limite le temps passé à l’hôpital à douze heures. Rentrer plus vite chez soi, c’est diminuer par cinq ou six le risque d’infection nosocomiale (associée aux soins). Et c’est ce de la médecine. Y compris en cas de cancer, dont moins d’un quart sont aujourd’hui opérés de cette manière, quand l’essentiel de la radiothérapie et de la chimiothérapie s’effectue depuis longtemps déjà en hôpital de jour.

Un souhait plutôt logique, juge le Dr François Dravet, chirurgien à l’Institut de cancérologie de l’Ouest (ICO), à Nantes : « Avec un cancer, on doit déjà venir des dizaines de fois à l’hôpital. Si on peut s’éviter un séjour et dédramatiser au moins un acte chirurgical, à défaut de la maladie elle-même, c’est déjà ça… » 

Presque toute la chirurgie

En dehors de la cancérologie dermatologique, c’est la chirurgie des cancers du sein qui développe le plus la prise en charge ambulatoire.

Ses partisans les plus fervents estiment que 8 femmes sur 10 pourraient en bénéficier.

« Il peut y avoir des limites à la chirurgie en général, indique le Dr Philippe Rouanet. Mais à l’ambulatoire ? Aucune ! » Coordonnateur du pôle de chirurgie oncologique à l’Institut du cancer de Montpellier (ICM), il y dispose d’un bloc opératoire ad hoc, affche un taux de 60 % de cancers du sein opérés selon ce procédé (dont 5 % de mastectomies totales) et balaie d’un revers de la main l’éloignement géographique du patient, son âge, le fait qu’il/elle vive seul(e) : « Faux obstacles ! » selon lui.

Pourtant, quand il s’agit de décider d’une prise en charge ambulatoire, le fait que le patient ne se retrouve pas isolé chez lui le premier soir est l’un des critères retenus. « On s’est longtemps posé la question pour les femmes vivant seules, reconnaît le Dr Rouanet. Mais, en réalité, elles trouvent souvent une personne, amie ou parente, avec laquelle elles resserrent même parfois les liens. »

Au Danemark, d’ailleurs, l’obligation d’être accompagné la première nuit suivant l’intervention a été supprimée depuis cinq ans, sans provoquer de dificultés majeures pour la majorité des opérés. Sur le plan médical, « le seul frein, c’est l’état du patient, résume le Dr Corinne Vons, qui opère à l’hôpital Jean-Verdier (AP-HP), en région parisienne, et préside également l’Association française de chirurgie ambulatoire (Afca). Bien sûr, dificile encore d’imaginer une hépatectomie [ablation d’une partie du foie, NDLR], qui nécessite une incision longue et douloureuse, en ambulatoire. Mais, sinon, presque toute la chirurgie est envisageable ! Dès lors que le risque de complications postopératoires ne dépasse pas 1 à 2 %, je ne vois pas l’intérêt de garder tout le monde à l’hôpital ».

Tout sauf une prise en charge low cost

Chirurgienne à l’institut Curie, le Dr Séverine Alran confirme. Pratiqué ou non en ambulatoire, le geste chirurgical, sa technicité, sa sécurité sont les mêmes. Après, « en quoi le patient serait-il moins sûr d’être bichonné et surveillé chez lui par un proche que par une infirmière responsable de vingt lits ? » 

D’autant que les techniques d’anesthésie ont beaucoup progressé. Elles permettent aujourd’hui de mieux récupérer et elles s’ajustent à l’intensité de la douleur.

Par ailleurs, en supprimant la prémédication chimique au profit d’une préparation « environnementale », où le patient est accompagné, parfois debout, jusqu’à la salle d’opération, puis apaisé par l’hypnose avant d’être endormi, et « en limitant le jeûne préalable à deux heures au lieu de l’imposer depuis la veille au soir à minuit, on évite les nausées et vomissements postopératoires », explique encore le Dr Dravet.

EN CHIFFRES  :

80% des Français sont favorables à l’ambu…

50% des opérations sont réalisées en ambulatoire

 

 

Des protocoles qui existent depuis plus de cinq ans mais qui ne sont que rarement appliqués, regrette le Dr Vons. Alors, si tout y pousse, pourquoi ça traîne ? Parce que tout n’est pas aussi simple que certains aimeraient le croire… En clair, la méthode ne se résume pas à une accélération des passages au bloc pour de petites opérations, avec à la clé des patients plus rapidement poussés vers la sortie. « C’est tout sauf une prise en charge low cost », prévient le Dr Dravet, ou, comme le formule plus crûment le Pr Serge Uzan, vice-président santé de l’université Pierre-et- Marie-Curie, « un bricolage à deux sous pour économiser des lits et des infirmières de nuit ».

« L’économie sera une conséquence, insiste le Dr Dravet. Elle ne doit JAMAIS être le point de départ. » Dans l’idéal, rêve le Dr Vons, la chirurgie ambulatoire nécessiterait même la construction de locaux spécifiques, avec bloc opératoire, accueil et circuit de circulation propres.

Une école de rigueur

Dans tous les cas, c’est une révolution complète de la prise en charge, qui doit s’orchestrer « autour du patient » et nécessite une réorganisation des services, qui restent responsables de l’après-opération même quand le malade est rentré chez lui.

Mission : ne lui faire courir aucun risque. Autrement dit anticiper.

Pour cela, il faut baliser tout le parcours de soins, avant et après l’opération, selon un planning quasi militaire qui requiert la mobilisation de toute l’équipe médicale, soit une demi-douzaine de personnes, de l’infirmière de consultation au chirurgien en passant par les anesthésistes, les biologistes, les radiologues… Outre les rendez-vous préopératoires, les visites postérieures à l’intervention doivent être calées à l’avance.

Le coup de fil systématique de l’infirmière à la maison le lendemain matin, la visite du patient à l’hôpital trois jours, puis dix ou quinze jours plus tard : « L’ambulatoire est une école d’anticipation, de rigueur… et de créativité », résume le Dr Dravet.

EN CHIFFRES :

17% des cancers du sein (hors mastectomies) sont opérés en ambulatoire…

8% des cancers de l’utérus sont pris en charge en ambulatoire

 

 

L’opéré ne doit pas se sentir lâché dans la nature. Une fois respecté son choix (il peut aussi préférer une hospitalisation conventionnelle), il doit donc pouvoir joindre l’infirmière du service 24 heures sur 24. Il faut aussi prévoir une longue consultation en amont pour bien lui expliquer le processus : sa maladie, l’intervention, les signes postopératoires à surveiller, quand appeler… Éventuellement lui remettre ensuite des brochures, voire un DVD à consulter à tête reposée à la maison, comme le propose l’ICO, à Nantes.

« Le malade devient acteur, au côté de l’équipe médicale, souligne le Dr Vons. Une fois le pli pris, on ne voit d’ailleurs pas pourquoi tous les patients n’y auraient pas droit ! » Pour la chirurgienne, le principal écueil reste la communication avec le médecin de ville : « Plus on s’éloigne du moment de l’intervention, plus c’est vers lui que le patient va se tourner. » Sentir ces praticiens mal préparés ou réticents peut être un frein. « C’est aussi ma limite », confirme le Dr Alran, qui pratique la moitié des tumorectomies en hôpital de jour mais aucune mastectomie pour l’instant. Les liens avec le réseau de soins extérieur restent à tisser.

* Enquête réalisée pour le compte du groupe hospitalier privé Générale de santé.

L’ambu, pour quoi ?

En tête des opérations qui bénéficient le plus couramment d’une prise en charge en ambulatoire aujourd’hui : les interventions ophtalmologiques (cataracte), dentaires (extractions, implants), l’ablation de végétations et des amygdales, mais aussi la chirurgie des varices, des hernies et les arthroscopies.

L’alternative à l’hospitalisation concerne des interventions de plus en plus complexes : traitement du syndrome du canal carpien, des ligaments du genou et 20 % des ablations de vésicule biliaire. Certains établissements, souvent privés, osent des interventions dont les risques postopératoires sont plus élevés, comme la chirurgie bariatrique, dans le traitement de l’obésité, si le patient ne souffre pas de comorbidité, de diabète de type 2 compliqué ou d’apnée du sommeil, entre autres.

Depuis 2012, certains actes orthopédiques comme la pose de prothèse totale de hanche ou de genou sont parfois réalisés en ambulatoire.

Côté cancers, on assiste aussi à des innovations étonnantes dans l’utilisation de cette technique.

En 2015, le CHU d’Amiens a ainsi réalisé la première lobectomie partielle (ablation d’une partie du poumon) mini-invasive. Une première colectomie (ablation du côlon) a été effectuée dans une clinique privée de Lyon en 2013 et quelques équipes ont suivi depuis.

Aujourd’hui, estime l’Inca, l’ambulatoire représente un cinquième des hospitalisations de court séjour pour le traitement des cancers. Au-delà de « performances » ici ou là, le gros de cette prise en charge est essentiellement proposé aux malades qui souffrent de tumeurs malignes de la peau (64 %) autres que le mélanome. Pour le reste, c’est dans la chirurgie conservatrice du cancer du sein que les progrès, quoique jugés insuffisants, sont les plus notables.

De 5 % des interventions en 2010, on est passé au niveau national à 13 % en 2014, 17 % aujourd’hui.

Certains centres de lutte contre le cancer tutoient ou dépassent déjà les objectifs, visés par le dernier plan cancer, d’une intervention sur deux en hôpital de jour à l’horizon 2020.

À Curie (Paris), à Léon-Bérard (Lyon) ou à l’ICM de Montpellier, on y est déjà. L’ICO, à Nantes et à Angers, devance toutes les statistiques nationales, avec 80 % de chirurgie conservatrice en ambulatoire et atteint, trois ans après s’être lancé, 20 % de mastectomies.

Certaines cliniques privées rivalisent aussi de prouesses. La polyclinique Saint-Roch, à Montpellier, affiche ainsi un taux de 96 % de traitements conservateurs (y compris avec curage axillaire) et de près de 75 % de mastectomies en hôpital de jour. En décembre dernier, on y a même réalisé une mastectomie-curage axillaire suivie d’une reconstruction par lambeau du grand dorsal sur une patiente de 64 ans.

En revanche, 8 % seulement des femmes opérées pour un cancer du col de l’utérus se voient aujourd’hui proposer cette solution.

En mars 2016, le service de chirurgie et d’oncogynécologie de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) a réalisé une des premières ablations totales d’utérus avec procédure de ganglion sentinelle en cœlioscopie robot-assistée en France. Et, à travers le projet Ambu-Endo, l’équipe bénéficie d’un financement de l’Inca pour évaluer la faisabilité, les critères d’éligibilité et l’impact médico-économique de la chirurgie ambulatoire de l’endomètre, ainsi que la qualité de vie qu’elle permet.

 


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Claudine Proust

Journaliste

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