Face aux cancers, osons la vie !


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« Des oursins dans le vagin ». Épisode 1 : Huit ans d’errance.

{{ config.mag.article.published }} 19 mars 2019

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Anne a 46 ans et en rémission d'un cancer du sein triple négatif depuis 8 ans. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ou presque. A cause des effets secondaires des traitements, impossible pour elle d'avoir des rapports sexuels sans douleur. Folle amoureuse de son mari, la quadra n'est pas prête à se résigner et court après les spécialistes. Mais leur verdict semble sans appel : il n'y a aucune solution à son malheur. Vraiment ? Elle nous raconte ses pérégrinations...

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Je m’appelle Anne. Il y a 8 ans, j’avais 38 ans, un mari, 2 enfants et un cancer du sein triple négatif… Après 6 chimio, une opération et 33 séances de radiothérapie, me voici vivante et pleine de gratitude. Mais … Oui, il y a un « mais » : parce que, quand tu es en rémission, tout le monde s’imagine que tout est parfait dans un monde rose bonbon … Et bien, ami lecteur, je vais te décevoir : ce n’est pas le cas ! Et oui, il y a des choses essentielles même si elles ne sont pas vitales dans la vie d’une femme. Le sexe. Enfin son sexe … Enfin mon sexe ! Lui, il n’a toujours pas digéré la chimio. Et, lui, il n’est pas en rémission…

Des oursins dans le vagin

Voilà 8 ans donc, depuis le début des traitements anti-cancéreux, que je n’ai pas pu faire l’amour avec mon mari (avec personne d’autre non plus, hein…). Bon, je mens un peu puisque, en 2015, nous avons pu faire l’amour, quatre fois, après ma cure de 3 semaines à La Roche Posay. Mais, soyons réaliste, je ne peux pas vivre les fesses dans la fontaine de la source… Depuis, rien. Cela dit, difficile de passer à l’acte quand on a le sentiment d’avoir une colonie d’oursins dans le vagin. Pourtant, je n’ai pas baissé les bras.  Si je liste tout ce que j’ai testé, nous avons : une tonne d’ovules en tout genre, de crèmes, de gélules, d’huiles, Aloe Vera, de pipettes de crème qui ne coulent pas, de gels lubrifiants, et d’autres mélanges bizarres élaborés par un professionnel de la phytothérapie…

« C’est dans votre tête, madame… »

Comme je ne me laisse pas démonter facilement, je m’informe du mieux que je peux – et un jour je me rends à une conférence publique sur le « sexe après le cancer ». Devant la docte assemblée, je me lance et ose poser une question sur les rapports sexuels douloureux. J’aurais mieux fait de m’abstenir… J’ai eu le plaisir d’entendre un sexologue m’asséner devant 500 personnes que c’était « certainement dans ma tête »… Le choc du cancer … La « dépression post-cancer »… Bref, parle à ma tête, mon cul est malade… Un antidépresseur, de la sophrologie et de l’hypnose et roule, mon vagin redeviendra celui de mes 20 ans ? Bon allons-y ! Évidemment, ça n’a pas marché. J’ai pourtant essayé l’hypnose, l’EFT (Emotional Freedom Techniques), ainsi que l’EDMR (Eye Movement desensitization and reprocessing) et même la psychothérapie… Apparemment, ma tête va bien et ça ne viendrait pas de là ! Le mystère reste donc entier! Pendant ce temps, la colonie d’oursins croit et se multiplie…

Névralgie. Mésothérapie. Hypnose. Caramba, encore raté !

Essayons le médecin de la douleur ! Une consultation et il met le doigt sur le problème (expression particulièrement bien choisie dans mon cas): rien à voir avec le cancer, en fait j’ai une « névralgie pudendale » ! Euréka ! Alors, comment que ça se guérit cette histoire? « Et bien, on va faire une infiltration du nerf pudendal, ma bonne dame. Ça va être douloureux mais, ensuite, tout ira bien ». Ouf ! Génial ! On sait ce que j’ai! Allez, courage pour l’infiltration … Ouch ! Ça fait effectivement super mal ! Et pas d’amélioration … Zut, ce n’était pas ça, pas de névralgie. «  Ça arrive on peut se tromper… ». Ben voyons.

On va tenter, autre chose : la mésothérapie couplée avec de l’hypnose … Kézacolaméso? La mésothérapie ce sont des petites aiguilles (encore) avec des produits anesthésiants que l’on injecte dans la vulve, une fois par semaine, durant 3 mois ! Allez, 3 mois ce n’est rien ! Et puis, après ce que j’ai vécu, je ne vais pas non plus pleurer pour de petites piqûres… Devine ami lecteur ? Ça n’a pas marché!

« Désolée madame, en fait, on ne peut rien pour vous… »

Que me reste-t-il comme solution? « Accepter votre triste sort, ma bonne dame ! ». Si je synthétise, les « conseils » des professionnels : il faut que je me « force ». Penser un peu, aussi, à mon mari… Et puis, il n’y a pas que la pénétration, je peux faire pleins d’autres choses sympas aussi… POSITIVISER, en somme. ET sinon, ces oursins, là, dans mon vagin … On en parle ? Non ? Toujours pas ? Je te le montre en image :

 

La dernière gyné met fin à huit ans de soins, galères, espoirs, déçus : « Je suis désolée, on ne peut rien faire ! ». Ah, c’est ballot. Positivons : grâce à moi, en presque une décennie de traitements, mon pharmacien s’est payé une maison de campagne. Je vais donc rentrer chez moi et annoncer la nouvelle !

A ce moment du récit, je t’arrête tout de suite, toi, lecteur que j’entends déjà imaginer des trucs sur mon mari … Lui, il a accepté cette situation. Il m’aime, avec le cancer, sans le cancer. Avec un vagin, sans vagin. Il m’aime, il subit mais il est surtout triste de ma douleur, de mon désespoir. Mais moi ? Oui, bien sûr que je l’aime mon homme, parce qu’il est merveilleux. Et pourtant, je pense à le quitter. Oui, ça paraît dingue, mais réfléchis… Je l’aime, je le désire – mais je suis bloquée. Même caresser, ce n’est plus possible. Trop douloureux. Il me désire, je culpabilise de lui faire vivre cela … Alors, si je le quitte, je ne le désire plus, je ne suis plus désirée, je ne culpabilise plus. Bref, je pleure mais c’est décidé c’est la seule solution : je dois quitter l’homme que j’aime !

À LIRE : Retrouvez le prochain épisode de notre série « Des oursins dans le vagin »


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Emilie Groyer

Rédactrice en chef du site web de Rose magazine. Titulaire d'un doctorat en biologie, Emilie a travaillé 10 ans dans le domaine des brevets en biotechnologie avant d'opérer une reconversion dans le journalisme. Elle intègre la rédaction de Rose magazine en 2018. Sa spécialité : vulgariser des sujets scientifiques pointus pour les rendre accessibles au plus grand nombre.

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