Tous les matins, le rituel recommence. Une vingtaine de personnes se retrouvent sur l’une des plages de sable blond de Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes), qui rapidement tombent pantalons, t-shirts et jupes. Les voilà en maillot, de préférence une pièce pour les femmes. Une chasuble orange vient parfaire leur tenue. Et des baskets « qui peuvent aller dans l’eau », complète Marie-Hélène Graziani. Elle est l’une des deux monitrices chargées ce jour-là de mener le groupe pour une séance de longe-côte. À elle, la séance « zen » ; sa condisciple, Christine Théry, animera la session « tonique ». Que ce soit côtés Manche, Atlantique ou Méditerranée, on en voit de plus en plus, de ces marcheurs évoluant à la queue leu leu dans les vagues, immergés jusqu’à la poitrine. Été comme hiver, sauf en cas de gros temps ou d’orage, rien ne semble les arrêter. À Mandelieu, le collectif AWA (Alison Wave Attitude1) fait partie des précurseurs de cette activité en France. Créée en 2014 par Sophie Chipon, alias Alison, cette association sportive compte aujourd’hui 200 adhérents.
La balade prévue ce jour-là dans la crique de la Rague s’annonce idyllique. Pas de vent, mer d’huile et ciel bleu, tout le monde entre dans l’eau le sourire aux lèvres. Alors que l’été la température de la mer peut atteindre 27 °C, l’hiver elle frise les 10 °C. Dans ces conditions, les « longeurs » doivent endosser combinaisons, chaussettes et parfois gants Néoprène. Mais, toujours, ils gardent leur chasuble orange. Chaque adhérent s’en voit d’abord prêter une par le club, avant de posséder ensuite la sienne, avec son prénom floqué dessus. Pourquoi orange ? Parce que c’est la couleur du club. « Pour la sécurité, c’est obligatoire, souligne Marie-Hélène. Tout comme les baskets, car on ne voit pas ce qu’il y a sous l’eau, et les chaussons peuvent s’arracher. »
« Pas besoin de savoir nager pour pratiquer » Marie-Hélène
En duo, en trio… ou plus si affinités
Chaque séance démarre avec un petit échauffement. Il s’agit de faire quelques allers-retours en marchant dans un petit périmètre. Le moment idéal pour expliquer aux novices le mouvement de base. Pour bien longer, sachez qu’il faut avoir de l’eau au-dessus du nombril, mais toujours en dessous des aisselles. Puis on avance en coordonnant sa jambe gauche avec son bras droit et inversement. « Le regard est dirigé sur l’eau, les épaules basses, les jambes fléchies, explique Marie-Hélène. Le talon vient prendre appui en premier sur le sable, avant que toute la cheville se déroule. Le but est de créer un léger déséquilibre vers l’avant et d’avoir un enchaînement de mouvements harmonieux. » « Il faut avoir la sensation de glisser dans l’eau », ajoute Christine.
Le groupe de Marie-Hélène prend son rythme de croisière. Zen ? Il n’empêche que, petit à petit, le souffle devient plus court, le rythme cardiaque s’accélère, les cuisses commencent à se faire sentir. « Gardez la tête bien droite, baissez les épaules, penchez-vous sur l’avant ! » lance de temps à autre Marie-Hélène.
Née en 2005, sur les bords de la mer du Nord, la marche aquatique a été inventée par un moniteur d’aviron, Thomas Wallyn, en quête d’une méthode de musculation douce pour ses rameurs. Petit à petit, le sport s’est développé jusqu’à intégrer la Fédération française de randonnée, en 2017, qui recense aujourd’hui 189 clubs. Des championnats de France sont organisés tous les ans. L’édition 2022 a vu 650 compétiteurs s’affronter en huit épreuves différentes. Régulièrement, l’AWA se classe dans le top 3 des vainqueurs. Le club possède déjà quatre titres de champion de France, mais son ambition est avant tout d’ouvrir ce sport au plus grand nombre.
Un océan de vertus
« Il n’y a pas de limite d’âge, précise Marie-Hélène. Il n’y a même pas besoin de savoir nager. La marche aquatique peut se pratiquer à tous les niveaux. On peut avoir simplement envie de se faire du bien, ou aimer se confronter en compétition. » Infirmière à la retraite, elle consacre bénévolement une grande partie de son temps libre à l’enseignement de sa discipline de coeur. « J’ai pour principe d’être attentive aux soucis et humeurs des personnes qui participent à mes cours. Mais le but est qu’elles les oublient. Quand je sens qu’elles sont dans l’instant présent, pour moi, c’est gagné ! » Elle aime émailler ses séances de petits jeux pour rendre la pratique plus ludique, et s’amuse à lancer des relais par équipe. À deux, à trois, à quatre ou plus si affinités ! L’objectif est d’avancer, les uns derrière les autres, en synchronisant parfaitement ses mouvements. « On compte jusqu’à vingt, puis le premier de la file passe derrière. Le changement se fait toujours côté plage », commente Sophie, qui forme à ce petit jeu un duo efficace avec Hélène.
Les premières sensations de « longes »
Gérer la proximité avec la personne juste devant soi, garder la cadence et rester synchronisé… Au début, rien n’est simple. Mais, avec un peu de concentration, l’exercice devient assez vite plus facile. C’est là qu’on commence à ressentir les premières sensations de « longes ». Seul le premier de la file force, les autres sont entraînés dans son sillage. L’eau glisse alors sur les corps, donnant une sensation de vitesse et de fluidité du mouvement. Immergé, on se retrouve en apesanteur et on ne ressent pas forcément que, de la base des épaules aux muscles des chevilles, tout le corps travaille ! Idéal quand on a les articulations fragiles ou douloureuses. De même, la ceinture abdominale et les dorsaux sont sollicités en douceur. On fait donc du gainage sans même s’en rendre compte !
VARIANTE POUR SE CHALLENGER
La marche aquatique se pratique aussi équipé de gants palmés ou encore avec une pagaie conçue pour augmenter la propulsion dans l’eau. Cela permet de travailler plus intensément les muscles du haut du corps, et de renforcer le gainage et l’équilibre.
Une méthode de musculation douce
Cette discipline permet aussi d’améliorer le cardio, la circulation sanguine et l’équilibre. Depuis qu’elle en fait toute l’année, Fatima trouve qu’elle est moins sujette aux rhumes. « L’hiver, c’est magique ! s’enthousiasme Christine, devenue championne de France de la discipline à 62 ans. Quand il y a de la neige au loin sur les sommets, que la mer est bleue et que le soleil brille, on se sent libre dans l’eau… » « L’air marin est chargé d’ions négatifs qui font du bien. C’est apaisant, ressourçant. On a l’impression de se laver la tête ! » renchérit Marie-Hélène. « Après des vacances, je suis pressée de reprendre. Je sens que mon corps en a besoin », confie encore Claudie, qu’on appelle ici Mamie Douceur, pour les petites gourmandises qu’elle partage après chaque sortie. À 85 ans, elle se met à l’eau trois fois par semaine. La session se termine toujours par un moment de relaxation.
Les yeux fermés, les participants sont invités à laisser leurs muscles se relâcher et leurs pensées s’évader. Les corps alanguis flottent à la surface de l’eau, bercés par une légère houle et la voix rassurante de Marie- Hélène. Du pur plaisir.
ET POUR LONGER, OÙ VA-T-ON ?
On peut longer aussi bien dans la mer que dans les lacs et les étangs. Pour trouver le club le plus proche de chez vous, une seule adresse, celle du site de la Fédération française de randonnée : ffrandonnee.fr
Quelques clubs :
Pas-De-Calais : Ferry longe-côte à Sangatte : www.ferrylongecote.fr
Côtes-D’armor : Les Otaries du Penthièvre à Erquy : 06 60 22 01 18, 06 70 35 16 12, otariesdupenthievre@mailo.bzh
Vendée : À Saint-Jean-de-Monts : 06 77 19 29 71, 06 60 39 18 51, www.adaptform.net
Charente-Maritime : Royan marche aquatique club : 06 30 74 77 80, royanmarcheaquatiqueclub@orange.fr
Hérault : Sète escapade promenade du Lido : www.seteescapade.fr
Haute-Savoie : Les Marcheurs du Léman à Excenevex : 06 73 78 91 34, diegocatta1@aol.com
Textes et photos par Méryll Boulangeat
1. Contact d’Alison Wave Attitude : 06 73 60 56 34 ou alisonwaveattitude.com
Retrouvez cet article dans Rose Magazine (Numéro 24, p. 132)