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Osons la vie – L’annonce du cancer. Cynthia : « Mon gynéco m’envoie un email : “Ce n’est pas bon…” »

{{ config.mag.article.published }} 8 avril 2024

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Osons la vie – L’annonce du cancer. Cynthia : « Mon gynéco m’envoie un email : “Ce n’est pas bon…” »

Chaque année en France, plus de 380 000 personnes reçoivent un diagnostic de cancer. L’annonce de la maladie est toujours un moment de bascule qui laisse une trace dans la mémoire de celles et ceux qui l’ont vécu. Dans cet épisode, découvrez l’histoire de Cynthia. Cynthia est créatrice de contenu sur les réseaux sociaux. Elle y fédère beaucoup de femmes touchées par un cancer du sein. Elle-même a vaincu la maladie. Elle garde un souvenir très précis du moment elle a su qu’elle avait un cancer. Elle se trouve alors à Paris, sur le toit du BHV. On est le mardi 13 septembre 2016.

INFO+ : Osons la vie est un podcast créé par RoseUp, l’association qui informe et accompagne les femmes touchées par tout type de cancer. Produit par Louie Créative, l’agence de création de contenu de Louie Média, il est co-écrit et animé par Emilie Groyer et Sandrine Mouchet. Bénédicte Schmitt en a fait la réalisation et le mix, sur une musique de Marine Quéméré. La production est supervisée par Eloïse Normand. L’illustration est signée Alice Dès.

Vous pouvez écouter Osons la Vie sur notre site et sur toutes les plateformes comme ApplePodcast, Spotify et Deezer

Je suis Cynthia, j’ai 37 ans, j’habite à Rambouillet dans le 78 (Yvelines) et on m’a diagnostiqué un cancer du sein hormonodépendant en septembre 2016. Je suis à l’époque responsable des événements pour les Galeries Lafayette et le BHV.

Le lundi 12 septembre, je me trouve sur le toit du BHV, rue de Rivoli, en train d’organiser les 160 ans du BHV. C’est un gros événement que je prépare depuis environ 4 mois et pour lequel on attend environ 10 000 personnes.

Aux alentours de 14h00, je reçois un email de mon gynécologue pour me dire que tout va très bien : les résultats d’imagerie sont négatifs, ce sont des adénofibromes. J’aimerais dire que je suis rassurée, mais mon intuition a été tellement forte quand j’ai senti une masse sous mon aisselle et dans mon sein qu’en lisant ce qu’il a écrit, je me dis : « Il y a quand même un problème ». Je pense que c’est ce qui me pousse à lui demander : « Est-ce que c’est OK pour les deux seins ? ».

« Tout est flou. Mais je sais que j’ai quelque chose de mortel en moi« 

Le mardi 13 septembre, je suis extrêmement prise parce que c’est le jour de l’événement – c’est les 160 ans du BHV. Et M6 est là pour filmer. Je ne sais pas pourquoi, aux alentours de 14h00 – pareil que la veille -, je décide de regarder mes mails et il y en a un de mon gynéco. Il écrit : « Ce n’est pas bon, il faut que vous veniez me voir très rapidement. Je n’avais pas ouvert tous mes courriers… ». Là, je me dis « C’est sûr, c’est le cancer. ». Comme je suis branchée à des micros, je ne peux rien dire. Si je pleure, si j’appelle le gynéco ou qui que ce soit, on va m’entendre dans le retour. Donc, je ne peux rien faire.

Il est 14h00, l’événement commence à 18h00, il doit durer jusqu’à 1h du matin, je fais le choix de continuer ma journée comme si de rien n’était. J’ai travaillé longtemps sur ce projet, j’ai envie de bien faire. Je suis aussi quelqu’un de très pragmatique et je me dis que, de toute façon, je ne peux rien changer à ma journée.

Tout se passe très bien. Il y a 10 000 personnes sur la rue de Rivoli qui est fermée. Des amis que j’avais invités sont là aussi. On fait la fête, le gâteau arrive. Il est 23h00 et je demande alors à l’équipe de M6 :

– C’est bon, vous avez tout ce dont vous avez besoin ?

– C’est bon, on a tout.

Alors, je débranche mon micro, je dis à ma collègue « on se voit demain », en sachant que je ne reviendrai pas le lendemain, et je pars…

Je n’en suis pas sûre, mais je pense que j’ai marché pour rentrer chez moi.

Je suis allée voir le gynécologue le lendemain, le 14 septembre, avec mon amie Stéphanie. Là encore, tout est flou, mais je pense l’avoir appelée le matin pour qu’elle soit là. Il me dit : « Asseyez-vous, donc comme je vous l’ai dit dans le mail, c’est un cancer hormonodépendant HER2 positif. Il va falloir qu’on commence la prise en charge très vite. Vous devez faire une IRM et une scintigraphie. » Je ne sais pas ce que c’est. Sur le moment, je ne pense pas que je vais mourir, mais je sais que j’ai quelque chose de mortel en moi. Encore une fois, pour moi, c’est flou, et tout ce que j’entends, c’est que je ne vais plus avoir de sein.

« Tu n’as pas le temps d’avoir un cancer« 

On est dehors en moins de 2 minutes. Je me retrouve avec Stéphanie dans la cage d’escalier et là, je m’effondre dans ses bras. C’était très dur parce que je pleurais pour une situation que je ne comprenais pas. Tout ce que je comprenais, c’était le mot « cancer du sein ». La seule personne de ma vie que je connais qui a eu un cancer du sein, c’est ma tante et elle en est décédée. Alors quand on m’annonce ça, l’image qui m’arrive c’est celle de ma tata en 2000, pas de cheveux, une mastectomie et la décadence…

Dans ma tête, pour moi, le cancer du sein, c’est une maladie de vieille – enfin relativement vieille -, qui arrive quand on a déjà 50 ans, 60 ans. J’ai 31 ans à ce moment-là, ma tante est décédée quand j’avais 16 ans et pour moi, il y a un vrai décalage entre qui je suis et qui, potentiellement, je vais être si je me réfère à ce que j’ai vu d’elle en tout cas. Ça ne matche pas. Et tout ce qui me traverse l’esprit c’est : « Tu travailles dans l’événementiel, tu n’as pas le temps d’avoir le cancer ».

Je ne pleure pas souvent mais sortie du cabinet du gynéco, sur le palier, je pleure vraiment pendant 3 minutes dans les bras de Stéphanie. Je suis complètement perdue. Où est-ce que je dois aller concrètement maintenant ? Dans quel centre de traitement ?

Je ne sais pas du tout quoi faire.

Dans la rue, j’appelle mon médecin de famille. Il me connait très bien, il me suit depuis que j’ai 4 ou 5 ans. J’ai un rendez-vous pour le lendemain.  Il parle très vite, il écrit très mal, il est toujours très pressé mais c’est lui qui m’explique les termes de mon cancer et ce que je dois faire pour la suite de mon parcours de soins. Il me rassure aussi à sa façon, en me disant : « Ça se soigne très bien maintenant. C’est un grade 2, c’est un petit cancer. Vous êtes forte, ça va aller ». Puis il enchaîne : « Je vais vous mettre en ALD. » Je découvre ce terme qui veut dire « Affection de Longue Durée ». Quand on est en ALD, ça dure cinq ans, puis c’est renouvelable en fonction de ce qu’on a. Et après, il me dit : « Vous allez le dire à votre mère ? ». Il est très proche de ma mère. Je lui réponds que c’est ce que je vais faire en sortant. Son cabinet est à 10 minutes à pied du travail de ma mère. Encore une fois, j’ai le souvenir flou d’avoir marché pour y aller.

« J’ai bloqué toute possibilité d’exprimer des émotions »

Ma mère travaille au même endroit depuis 20 ans, à la médiathèque. Je connais tous ses collègues, tout le monde me connaît. J’appréhende ce moment parce que je ne sais pas ce qui va se passer. Avec ma mère, on est assez proches. Je suis la dernière d’une famille de quatre enfants. Je suis sa petite fille. Quand j’arrive, je lui dis que ce serait bien qu’on dîne ensemble. Tout de suite, elle me répond :

– Mais qu’est ce qu’il y a ? Il y a un problème ?

Non, non, je passais et je me suis dit que ce serait bien qu’on mange ensemble ce soir.

On est donc le jeudi 16 septembre. Je suis assise sur le canapé quand ma mère rentre. Elle voit qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Elle me dit : « Mais qu’est-ce qui se passe ? Il y a quelque chose ? ». Alors, je lui ai dis : « Écoute, on m’a diagnostiqué un cancer du sein. Mais j’ai vu le docteur, ça va aller ». Et là, elle s’effondre. Elle veut me prendre dans ses bras. Mais je ne suis pas du tout quelqu’un de tactile. Même pas avec ma mère. Je lui ai dis : «Pourquoi tu pleures ? Arrête, ça va aller. » Elle me dit tous les trucs que les parents disent, je suppose : « Pourquoi ça t’arrive à toi ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? C’est pas juste. ».

Je lui réponds : « Ce n’est pas à toi que ça arrive, c’est à moi. Tu n’as rien fait ». Mais elle continue de pleurer alors je réagis : « Écoute, j’ai pas le temps, j’ai plein d’examens à passer. Je vais aux Franciscaines demain, et à Curie, donc si tu veux pleurer, pleure, moi j’ai d’autres trucs à faire ».

Je suis assez dure avec elle, et c’est vraiment le moment que je regrette le plus dans mon parcours de soins. Si je devais revenir en arrière, je le ferais de façon différente, tout simplement parce que j’ai lu des livres sur le sujet. Je prendrais le temps de l’écouter, d’écouter ses émotions parce que je pense que je l’ai complètement bloquée dans ce qu’elle pouvait ressentir par rapport à cette situation-là. Même si cela m’arrive à moi, elle a le droit de ressentir ce qu’elle ressent.

La façon dont je le lui ai annoncé est liée à la façon dont j’ai eu ma propre annonce. Je suis quelqu’un qui aime bien avoir toutes les pièces d’un puzzle afin de pouvoir tout prévoir et organiser les choses en fonction. Or là, je n’ai aucune capacité d’organisation puisque je ne sais rien. Et comme je ne sais rien, je suis incapable d’expliquer aux autres ce qui se passe. Du coup, ça m’a vraiment poussée dans mes retranchements et j’ai mis un mécanisme de défense, du style : « Vous en savez autant que moi, c’est ça et c’est tout. Et de toute façon, ça m’arrive à moi, donc vous n’avez pas besoin d’en savoir plus ».

Ça s’est reproduit 4 jours après, lors d’une de nos réunions de famille mensuelles avec mes cousins. Quand je leur ai annoncé que j’avais un cancer du sein, tout le monde s’est arrêté : « T’as le cancer ? ». J’ai dis « Oui » et aussitôt j’ai bloqué la conversation et la possibilité à qui que ce soit d’exprimer ses émotions. Comment puis-je laisser, moi, la place aux émotions des autres quand on n’a laissé aucune place aux miennes et que je ne sais pas à quelle sauce je vais être mangée au final ? Toutes ces annonces ayant été très brutales pour moi, je les ai transmises de façon très brutale aux autres.

« Je ne comprenais pas qu’on fasse autre chose que ce qui avait été annoncé… »

J’aimerais dire que tout le monde a été énervé contre moi et s’est dit : « On la laisse tranquille ». Pas du tout. Je n’ai jamais fait un rendez-vous toute seule. Partout où j’allais, j’avais quelqu’un avec moi, soit ma mère, soit ma meilleure amie. Mes amis ont créé un groupe WhatsApp et se sont tous ralliés autour de moi. J’ai eu un soutien vraiment inconditionnel.

Après ma mastectomie, au réveil, il y a littéralement eu 12 personnes autour de mon lit, alors que normalement une seule personne était autorisée. Cela a été vraiment le reflet de tout mon parcours de soins. J’ai toujours eu quelqu’un près de moi, que ce soit même pour me conseiller médicalement parlant : « Là, ça va être tel traitement. Est-ce que tu peux vérifier si c’est ça ? Est-ce que tu connais quelqu’un qui peut me dire si c’est le bon choix, si je fais le bon choix ? » J’étais tout le temps dans le doute mais j’avais ce soutien-là, psychologique, et une présence physique aussi. Des gens sont venus pour cuisiner pour moi à domicile, ou ils m’ont emmenée à Disneyland Paris, faire des massages, au restaurant, en week-end en Belgique… En termes de soutien, je peux dire que ça a été le jackpot pour moi.

J’ai été la patiente-infirmière-docteur, les trois en même temps. Je suis tellement organisée que j’avais un classeur où étaient indiqués précisément tous mes rendez-vous avec des intercalaires pour chaque étape à passer. Je m’y suis tellement accrochée à ce classeur que, quand j’ai eu des infections, des problèmes qui repoussaient les dates inscrites dans ce classeur, cela me perturbait au plus haut point. Je ne comprenais pas qu’on fasse autre chose que ce qui m’avait été annoncé. Et comme rien n’est allé comme prévu, j’ai longtemps été la patiente-infirmière-docteur borderline très reloue qui voulait tout savoir, et pourquoi.

Après, j’ai appris à lâcher prise parce que je pense que, psychologiquement, c’était devenu trop. Je me suis aussi rendu compte qu’en fait, le cancer, il vit sa propre vie. Il n’en a rien à faire que tu travailles dans l’événementiel et que tu sois très organisée, que tu aies 31 ans et que tu aies d’autres choses à faire. Il vit juste sa vie, et il fait ce qu’il a envie de faire. Quand j’ai compris ça – au bout de quatre ou cinq mois-, j’ai lâché l’affaire et je me suis dit « il se passera ce qui se passera ».

« J’ai fait un gros travail d’introspection »

J’ai choisi d’être suivie dans le public pour les examens – mammographies, IRM -, les chimiothérapies, la radiothérapie. Mais pour tout ce qui a relevé du travail de reconstruction, de réappropriation du corps, de soutien psychologique, j’ai décidé d’aller dans le privé. Peu importait combien ça me coûterait parce que c’étaient des choses qui allaient me rester toute la vie. C’est comme ça que j’ai mené ma barque jusqu’à ma dernière reconstruction en novembre 2021.

Aujourd’hui, je n’ai pas envie de dire que je suis complètement différente, mais je pense que je suis plus sereine par rapport à ce qui m’est arrivé. Entre le début de mon aventure avec le cancer et maintenant, mon rapport au corps médical a évolué, je suis plus indulgente, je lui donne plus le bénéfice du doute. Je suis aussi plus à l’écoute envers ma famille.

J’ai eu besoin de travailler sur moi, j’ai été en thérapie, j’ai fait un gros travail d’introspection…

Je suis maintenant dans une autre voie professionnelle. Je suis naturopathe, nutritionniste végétale et prof de yoga. Avec ces trois verticales, il y a quelque chose de plus ancré en moi. Je suis vraiment dans ce qui me passionne et ce qui me nourrit. J’ai conscience qu’on ne peut pas tout contrôler et qu’on ne peut pas tout faire tout seul. Je suis moins en colère, je suis moins énervée. Moi, je suis une meuf cool [rires] .


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Sandrine Mouchet

Journaliste, rédactrice en chef de Rose magazine et directrice de Rose Magazine Éditions

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