Depuis le confinement, les cosmétiques DIY (do it yourself : « faites-le vous-même ») ont le vent en poupe. Les tutoriels pullulent sur YouTube, et donnent l’impression qu’on peut fabriquer sa petite crème de jour en deux coups de cuillère à pot sans risque ! Mais, pour Christelle Percheron, créatrice de la marque Bâton rouge et chimiste de formation, c’est loin d’être aussi simple : « Outre une réglementation draconienne, fabriquer un cosmétique, c’est surtout de la chimie et de la formulation. »
Et on ne s’improvise pas apprentie chimiste du jour au lendemain. L’exercice exige un minimum de précautions et de savoir-faire.
Méfiez-vous du « naturel »
Première difficulté : choisir les bons ingrédients. À éviter absolument : l’achat de produits qui traînent (en plein soleil parfois) sur les étals des marchés.
Bien vérifier l’étiquetage, la date de péremption, etc. Et la réglementation en matière de cosmétique : « Certaines substances ou matières premières sont interdites en Europe, précise Christelle Percheron, d’autres sont soumises à restriction, et d’autres encore, autorisées. Les listes sont consultables sur les sites de la Commission européenne et de l’ANSM.»
Méfiez-vous aussi de la mention « naturel ». Elle ne signifie pas que le produit visé soit sans risque, notamment d’allergie. Prudence également avec l’usage des huiles essentielles. Elles sont en général déconseillées quand on est enceinte ou que l’on suit certains traitements.
Respectez les dosages
Deuxième difficulté : le respect des dosages. Pensez que vos équipements domestiques (balance, contenants gradués) ne sont pas aussi précis que ceux des industriels. Or les recettes impliquent de manipuler des composants actifs et parfois puissants, un surdosage n’améliorera pas l’efficacité de la formule, en revanche il pourra accroître sa toxicité et le risque d’irritations locales.
Des internautes en ont fait la cuisante expérience en suivant la recette d’un masque pour le visage à la cannelle proposée par une influenceuse : l’épice, trop dosée, a provoqué des brûlures et des allergies chez certaines. Donc : attention !
S’initier avec des pros
On en arrive logiquement à la question cruciale : où trouver une recette fiable ? Plutôt que de vous ruer sur internet, préférez un atelier où vous initier. Chez Bâton rouge, par exemple, on vous propose de créer votre rouge à lèvres en trente minutes. Guidée par un « make-up artist », vous choisissez d’abord sa couleur parmi une palette de pigments. Vous pouvez reproduire la teinte de votre rouge à lèvres préféré, assortir la couleur à une tenue particulière, ou opter pour un passe-partout.
Ensuite, place à la texture (solide, liquide…), puis au fini (mat, brillant…). Cerise sur le bâton, vous pouvez choisir son parfum, naturel et sans allergènes. Une fois ces choix faits, dix minutes dans le labo suffisent pour repartir avec le rouge de vos rêves, estampillé d’un numéro de lot (pour pouvoir retracer le produit) et d’une date de péremption. Rien n’est laissé au hasard pour garantir un tube aussi unique qu’écoresponsable.
Le rôle des socio-esthéticiennes
En traitement de cancer, il est recommandé de redoubler de précautions et quasi impératif de faire appel à des pros de la socio-esthétique. On peut en consulter dans les établissements de soins. De nombreuses associations font également appel à leur service et organisent des ateliers de cosmétique DIY. Idéal pour se faire accompagner pas à pas !
C’est le cas dans les Maisons RoseUp, à Bordeaux et à Paris. Des socio-esthéticiennes, y animent des ateliers où elles guident les adhérentes dans l’élaboration de formules calibrées précisément pour éviter les possibles interactions avec les traitements. Leur principe ? Proposer des recettes simples, à préparer en petite quantité : masque ou sérum pour le visage, stick « bonne mine », crème pour les mains, brume d’oreiller…
Autant de produits faits maison qui ne nécessitent que peu d’ingrédients (huiles et beurres végétaux, hydrolats, pigments naturels, émulsifiants ou conservateurs naturels comme la vitamine E…). Et, pour limiter les risques d’irritation ou d’allergie, parfums et huiles essentielles – parfois très photosensibilisantes – sont simplement bannis des formules.
Enfin, pour éviter le développement de bactéries ou de corps étrangers microbiologiques dans les préparations, ces fabrications sont menées selon des règles d’hygiène strictes. Une grande vigilance qui s’impose également dans l’utilisation et la conservation des produits (voir encadré).
À LIRE :
Ma bible de la slow cosmétique, de Julien Kaibeck, éd. Leduc.S, 29,90 euros.
Do-It-Yourself ou Don’t do it yourself 1 : méfiez-vous de certaines recettes, ANSES
Les kits, on en pense quoi ?
Vous ne pouvez pas participer à un atelier ? On a un plan B. Les recettes de beauté… en kit. Pas moins de 20 possibilités chez Aroma-Zone (1) , « testées en stabilité et évaluées des points de vue réglementaire et toxicologique », précise Émilie Jolibois, responsable des ingrédients cosmétiques et extraits végétaux de la marque. Dosages faciles, contenances adaptées, modes d’emploi détaillés et nombreuses contre-indications spécifiées garantissent la sécurité des consommatrices.
Autre alternative pour réduire la liste des ingrédients douteux dans les produits : les recettes minimalistes de la marque 900.care. Il suffit d’insérer une pastille ou un bâtonnet prédosés dans un flacon réutilisable rempli d’eau du robinet pour obtenir une eau micellaire ou un shampooing aussi doux pour vous que pour la planète.
Aucun risque
Cette option est-elle sans risque pour les peaux fragilisées par les traitements ? « Oui », affirme Paula Montano, pharmacienne spécialisée en formulation cosmétique chez 900.care. Avant de lancer son eau micellaire au concombre bio, l’entreprise a essayé 50 formulations différentes, et procédé à des tests sur un panel de consommateurs à la peau sensible pendant trois mois. Même les eaux du robinet des villes de Montpellier et de Paris ont été testées.
« Grâce à l’extrait d’anis, la formule se conserve un mois, précise la cosmétologue. Et c’est encore plus agréable si on la place au réfrigérateur, pour un effet frais et tonifiant. » Maintenant que vous savez tout, à vous de jouer !
LES 3 RÈGLES D’OR DE LA COSMÉTIQUE « MAISON »
1. Respecter les règles d’hygiène
Nettoyer le plan de travail. Désinfecter les ustensiles et les contenants (pots, flacons…) avec de l’eau bouillante ou de l’alcool à 70° et les laisser sécher à l’air libre. Se laver les mains avant chaque manipulation. Le port de gants, d’un masque (et parfois de lunettes) est recommandé, notamment s’il faut chauffer certains ingrédients.
2. Faire un test cutané
Pour tester le produit fini, l’appliquer dans le creux du coude et attendre 48 heures. Si une réaction apparaît (rougeur, irritation, picotement), jeter le produit à la poubelle.
3. Étiqueter et conserver
Conserver la préparation de préférence dans un flacon opaque, bien fermé et étiqueté (date de fabrication, nom de la recette, composition, durée de conservation…), au frais et à l’abri de la lumière. Une crème se conserve environ trois mois, six mois pour une préparation à base d’huile. Si une moisissure, une odeur suspecte ou un changement d’aspect apparaît, jeter la préparation.
1. Autres spécialistes : MyCosmetik, Joli’Essence, MaCosmetoPerso, Slow Cosmétique.