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Vélo : dans la roue de la guérison

{{ config.mag.article.published }} 9 octobre 2015

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À Chambéry, 50 femmes, pour la plupart touchées par le cancer du sein, préparent leur virée vers la Méditerranée. 450 km À vélo en 7 jours… départ le 3 octobre.

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Un samedi de la fin du mois d’août, à Chambéry. L’après-midi commence tout juste quand un escadron rose se forme à l’ombre des arbres du parc du Verney, en marge des allées. Mains appuyées sur le guidon, une douzaine de femmes s’apprêtent à reprendre en douceur leur entraînement. Dans moins de deux mois, elles partiront « à la mer, à vélo », pour un périple d’une semaine et de 450 km jusqu’aux Saintes-Maries-de-la-Mer… Le thermomètre affiche déjà 35 °C, mais peu importe. Au milieu des récits de vacances, les rires fusent, couvrant le souffle continu de la fontaine.

« Vous avez pensé à la crème solaire ? C’est bien ! » Silhouette athlétique et verbe haut, Christine Aguettaz galvanise ses troupes avant le départ. Cette ancienne professeure d’éducation physique a décidé de se consacrer au sport santé au moment de sa retraite, il y a quatre ans. « Avec un ami, on a commencé par organiser la course Odysséa dans notre ville, puis les dames ont souhaité qu’on les aide à se préparer, alors on a créé l’association 4 S (Sport, Santé, Solidarité, Savoie) et commencé à proposer des cours de tai-chi et de qi gong, compatibles avec les traitements. On a ensuite organisé des séances de gym douce et d’aquagym pour qu’elles puissent retrouver de la souplesse. »

La course Odysséa organise des virées d'une semaine en vélo pour les femmes touchées par le cancer - roseup association
Dans l’atelier Vélobricolade, les participantes apprennent les rudiments de l’entretien et de la mécanique pour pouvoir être autonomes sur leur vélo en cas de problème.

Le défi cycliste des Saintes-Maries-de-la-Mer, lui, est né quatre ans plus tard. « On l’a décidé à dix heures du soir lors d’une assemblée générale et, si on avait eu une seule participante, on aurait quand même pris le départ ! » Au final, le projet en réunit une cinquantaine, âgées de 35 à 74 ans. Parmi elles, Alyette, 45 ans : « Avant, je faisais beaucoup d’activités en montagne. » Mais, il y a un an et demi, on lui a diagnostiqué un cancer du sein. Après une mastectomie, puis une chimio, Alyette s’est vu prescrire cinq ans d’hormonothérapie. Elle a alors voulu « reprendre le sport dans un cadre rassurant », en commençant par l’aquagym, pour se « remettre en route ». Ensuite, elle a décidé de s’engager dans l’aventure À la mer à vélo. « Avec les vacances, l’entraînement n’est pas aussi régulier qu’il devrait l’être, mais on reprend, sourit la jeune femme au visage encadré de mèches blondes. Quand on est seule, on n’a pas forcément l’énergie. Là, on est tout un groupe. Et puis ça permet aussi de nouer des contacts ailleurs qu’à l’hôpital… »

« Je me sens revivre »

Après un rappel des consignes de sécurité, direction la place du Palais-de-Justice. Sur l’esplanade, les filles s’essaient à un slalom entre des coupelles posées au sol. Pédaler en ville et en groupe n’a rien d’évident. La vigilance s’impose. « Ouvrez les yeux, anticipez, gardez toujours un doigt sur le frein ! » rappelle Arnaud, l’animateur de la Vélostation. « Mon but est de remettre les participantes en confiance, de comprendre leurs éventuels freins et de reprendre progressivement les bases avec elles. »

La course Odysséa organise des virées d'une semaine en vélo pour les femmes touchées par le cancer - roseup association
Les balades sont conçues pour s’adapter au rythme des coureuses.

L’après-midi s’achève, le groupe s’engouffre dans une ruelle pour rejoindre l’atelier Vélobricolade. Pour venir à bout d’un pneu crevé, « on gonfle la chambre à air, et ensuite on met la colle », explique Xavier, démonstration à l’appui. À côté de lui, Annick reproduit ses gestes, concentrée sur sa rustine. « Quand j’avais une voiture, je la connaissais suffisamment bien pour pouvoir identifier les pannes. Là, c’est un peu pareil ! On se sent mieux quand on est autonome. » Retrouver un peu d’indépendance, gagner en liberté… Voilà qui la réjouit : « Je n’ai jamais fait d’activité physique, mais je me suis dit que je devais m’en sortir par le sport. J’ai des métastases osseuses et j’ai failli y passer. En ce moment, je suis dans la normalité. Je marche trois fois par semaine et je me suis rendu compte que cela m’aidait à mieux éliminer certains produits. Je me sens revivre. »

Au bout d’une heure, il est temps pour tout le monde de rentrer à la maison. Derniers coups de sonnette et saluts de la main. Le groupe se sépare, avant de se retrouver le lendemain matin pour une sortie de plus de 65 km à travers la campagne…

« Ici, je peux parler »

Il est encore tôt, ce dimanche, quand les premières cyclistes arrivent, casque vissé sur la tête. Christine et l’équipe d’accompagnants passent une dernière fois les étapes en revue. Tout au long de la journée, un médecin, une infirmière, une kiné, un chauffeur et les membres d’un club cycliste amateur rouleront aux côtés de la vingtaine de participantes. « Aujourd’hui, on a un parcours un peu long, mais on peut couper par endroits, sourit Jérôme, membre du club Saint-Genix Aoste Cyclisme, venu assurer la sécurité du parcours. On est là pour se faire plaisir ! On s’adapte ! »

La course Odysséa organise des virées d'une semaine en vélo pour les femmes touchées par le cancer - roseup association
« Depuis que je me suis investie dans ce projet, j’en parle autour de moi et au travail. Les retours sont très positifs, explique Alyette (ci-dessus, à gauche). C’est important d’avoir des encouragements, ça permet d’aller jusqu’au bout. »

Un peu plus loin, sur une pelouse, Olivier, le médecin, donne les derniers coups de pompe au vélo d’Anne, la benjamine du groupe. « J’ai voulu passer au-dessus de la maladie comme si de rien n’était, raconte la jeune femme de 35 ans, touchée par un cancer des ovaires l’an dernier. Je faisais du vélo et je courais, je n’ai jamais arrêté de danser la salsa jusqu’à trois heures du matin. Mais, après la chimio, j’ai accusé le coup, physiquement et moralement. J’ai d’abord perdu tous mes cheveux, alors que j’étais très coquette. Mais surtout, j’ai compris que je ne pourrais jamais avoir d’enfants. Toute ma féminité a explosé en deux mois. Ici, avec des femmes qui ont subi les mêmes traitements, je peux parler sans crainte. » Les examens de contrôle rythment l’année. « Pour le premier, on stresse vraiment… On ne pense qu’à ça, on n’arrive plus à se projeter dans l’avenir », résume-t-elle. L’angoisse des résultats, elle a pu en discuter avec Bernadette. Membre de l’association 4 S depuis l’an dernier et désormais au conseil d’administration, Bernadette a mis sept ans à se reconstruire après son cancer du sein. Dans les années qui ont suivi la maladie, elle a parfois traversé des phases d’isolement et de « grosse dépression ». « Un jour, alors que je n’avais pas le moral, une infirmière m’a dit que j’allais retrouver des projets et cela m’a fait du bien, se souvient-elle. C’est dur d’avoir l’esprit tranquille. La peur de la récidive s’estompe un peu avec le temps, mais elle ne demande qu’à se réveiller. Donc, si je peux donner des conseils aux autres femmes, distiller mes bonnes adresses, recommander mon médecin ou mon kiné, qui ont été formidables, je le fais. Quand on va mieux, on a l’impression de reprendre le pouvoir sur son corps. » Aujourd’hui, Bernadette franchit un col et 180 mètres de dénivelé sans difficultés…

« Le corps suit ! »

Sur la route bordée de champs de maïs, des voix s’élèvent parfois pour signaler des obstacles. La rivière, d’un vert profond, apparaît progressivement, à mesure que le mercure s’obstine à grimper. Des coureuses demandent au peloton de s’arrêter. Michelle vient de chuter. Olivier, le médecin, la rejoint aussitôt, mais ce ne sont que quelques égratignures au coude. Entourée de ses coéquipières, Michelle fait une pause de quelques minutes avant de repartir de plus belle. À la mi-journée, la fatigue s’estompe pour céder la place aux sourires. Arrivées à la cascade de Glandieu, pour la pause déjeuner, les coureuses s’assoient en petits groupes et partagent leurs pique-niques. En repartant, une heure plus tard, un tandem reçoit de solides encouragements. Au guidon, Rémi ne lésine pas sur les coups de pédale pour alléger l’effort de son épouse, Patricia. Elle qui se définit comme une « force de la nature » a déjà traversé 22 chimiothérapies. « Quand j’ai perdu mes cheveux, mon mari s’est rasé la tête. C’était pour nous une évidence de participer ensemble » aux sorties préparatoires et au défi des Saintes-Maries-de-la-Mer. « Le mental joue énormément dans la guérison, estime Rémi. Le corps, lui, suit ! »

« 65 kilomètres 500 ! » crie l’une des filles, presque surprise de franchir la ligne d’arrivée. Sourire aux lèvres, les participantes savourent le plaisir d’être parvenues au terme de leur périple. À quelques semaines du « vrai » départ, ce premier succès a déjà un petit goût de victoire…

LA COURSE ODYSSEA

La course Odysséa est organisée dans 9 villes de France.
À Chambéry, elle a permis de récolter 241 000 € en huit ans, dont 88 000 lors de
l’édition de mai 2015.
Odysséa sera partenaire du défi À la mer à vélo, lancé par 4 S (Sport, Santé, Solidarité, Savoie) pour relier Chambéry aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Créée en 2011, cette association propose 7 cours par semaine : aquagym, tai-chi, qi gong, gym douce, marche, vélo, aviron. Elle compte 70 membres.

Anne-Lise Fantino
Photos Bruno Amsellem


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