Quand son gynéco lui a conseillé d’acheter un sextoy, Manon a failli tomber de sa chaise. La jeune femme, touchée par un cancer de l’utérus et ménopausée précocement à l’âge de 23 ans, était loin d’imaginer que cet objet pouvait lui être indiqué pour traiter la sténose vaginale (rétrécissement vaginal) que lui ont causée ses traitements.
Pourtant, ces joujoux intimes s’avèrent d’excellents alliés pour traiter nombre de dysfonctionnements, comme l’a récemment démontré dans un très sérieux article1 le Dr Alexandra Dubinskaya. Les vibromasseurs en particulier mériteraient, selon cette gynécologue spécialisée en médecine pelvienne féminine et en chirurgie reconstructive au centre médical Cedars-Sinaï, à Los Angeles, d’être répertoriés dans la catégorie des dispositifs médicaux. Leur action vibratoire renforce les muscles du périnée, ce qui aide à diminuer par exemple les fuites urinaires. Les vibrations ont aussi un effet antalgique, intéressant pour soulager celles qui souffrent de vulvodynie (douleur vulvaire chronique).
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Un sextoy pour maintenir la souplesse du vagin
Ces jouets sont aussi très efficaces pour apaiser les séquelles laissées par les traitements des cancers de la sphère génito-urinaire. À l’institut de cancérologie de l’Ouest de Nantes, quand elle reçoit ses patientes, la gynécologue médicale et onco-sexologue Aliette Dezellus n’hésite pas à mettre ces objets sur la table, au même titre que les dilatateurs vaginaux vendus en pharmacie.
Les uns comme les autres « aident à maintenir souple la cavité vaginale, et limitent le risque de sténose. L’excitation sexuelle, par l’action du système nerveux parasympathique, entraîne un afflux de sang dans les petits vaisseaux de la muqueuse vaginale, et donc une oxygénation des tissus. Ce qui est très important après un traitement de radiothérapie pour éviter l’effet cartonné dû aux troubles de la lubrification et au manque d’élasticité du vagin ».
Vibros ou dilatateurs vaginaux : le match
Ce qui peut faire la différence ? Pas le prix en tout cas. Il faut compter en moyenne entre 40 et 100 euros pour un kit de dilatateurs (non remboursés par la Sécurité sociale, même avec une prescription médicale), tandis qu’un vibromasseur de bonne qualité coûte 50 à 90 euros pour les modèles d’entrée ou de moyenne gamme, et jusqu’à 150 euros voire plus pour les modèles de luxe.
Le match se joue plutôt au niveau de la forme et de la matière. Dans ses consultations, la sexothérapeute Sophie Ramirez, qui intervient dans le service de soins de support de la clinique Ramsay, à Valence, et au Centre ressource de Montélimar, prend le temps de présenter ces objets à ses patientes, en les invitant à les toucher, à les manipuler, et à poser des questions. Objectif : qu’elles en comprennent le mode de fonctionnement, et surtout qu’elles aient envie de les utiliser. Avec leur aspect de bougie en plastique rigide, les dilatateurs « ne donnent pas envie », commente Sophie. Bien qu’il en existe aujourd’hui des ver- sions plus sexy, en silicone doux (comme le modèle « Patience » de la marque Be Happy, 49,99 euros le kit de 5 tailles), ils paraissent d’emblée moins ergonomiques, et bien moins ludiques, que les sextoys, dont le design et les performances ne cessent d’évoluer. Sur ce point, avantage donc à ces derniers.
Relancer la machine grâce aux sextoys
Mais la plus grande qualité de ces jouets pour adultes, accessibles désormais partout – sur internet, dans les « love shops » (les boutiques de sextoys type Passage du désir), les grandes enseignes (Sephora, Monoprix, La Redoute, Hema) ou même les pharmacies –, c’est qu’ils permettent de se reconnecter à soi, à son intimité, de réveiller une libido à plat pendant et après un cancer, de reprendre en main (c’est le cas de le dire !) son propre plaisir, de façon adaptative et évolutive, en toute sécurité, et sans crainte du regard de l’autre sur son corps. « La sexualité est une dimension importante de la qualité de vie dans le cadre du cancer, et de la vie tout court », rappelle Sébastien Landry, sexologue clinicien2.
Exerçant en oncologie depuis quatorze ans, il a fait de cette question son cheval de bataille. C’est donc sans tabou qu’il aborde la masturbation, qu’elle soit manuelle ou aidée d’un sextoy. Un prérequis pour retrouver la fonction érotique de son corps. « Car, quand on a des difficultés pour relancer la machine, il faut commencer seule pour pouvoir ensuite aller vers l’autre », précise le sexologue. Ce n’est pas Manon qui le contredira. Suivant les conseils de son gynéco, elle a fait l’acquisition de son premier jouet sexuel, surnommé John-John, pour sa rééducation périnéale et vaginale. Et il lui a ouvert un nouveau champ des possibles (lire son témoignage ci-dessous) !
MANON : « Les sextoys m’ont libérée ! »
Ménopausée précocement à 23 ans à la suite de mes traitements pour un cancer du col de l’utérus, je suis restée treize ans sans aucune activité sexuelle. La chirurgie, la curiethérapie m’ont laissé des muqueuses fragilisées et douloureuses. Je ne voulais plus qu’on me touche. Mais, grâce au traitement hormonal prescrit par mon gynéco, à des greffes de tissu ovarien et de graisse à l’intérieur du vagin, et grâce aux sextoys1, je me suis libérée !
Aujourd’hui, j’ai une sexualité qui m’épanouit. Mon conseil ? N’attendez pas pour faire travailler votre vagin, faites-le dès que possible après les traitements. Si on m’avait dit ça dès le départ,
je n’aurais pas perdu tant d’années de ma vie !
1. Elle a publié le récit de ses expériences en autoédition : John-John en mode célibataire, sous le pseudonyme Katleen-Marie de Loméo. Livre à 8,43 euros, en vente sur : amazon.fr
Y aller à son rythme
D’abord, John-John lui a fait connaître le premier orgasme de sa vie, à l’âge de 36 ans. Un effet provoqué par les vibrations, modulables en forme de vagues, de chatouillements, de pulsations, etc., qui induisent le plaisir. Autre avantage du sextoy : on peut gérer à sa guise la pénétration dans le vagin, en y allant à son rythme et en choisissant l’intensité des vibrations qui nous convient le mieux (on peut même les déclencher à distance avec certains modèles connectés à son Smartphone !). Cela dit, « une sexualité riche ne se limite pas à la pénétration », souligne Sébastien Landry. Alors, si on n’en a pas envie ou si on a peur d’avoir mal, il existe plein de jouissives alternatives : on peut tout simplement placer son vibro sur le clitoris et laisser le charme agir.
Sinon, on peut utiliser un stimulateur clitoridien, un galet vibrant (pour explorer ses zones érogènes), une langue vibrante (pour les adeptes du cunnilingus en solo), ou un Womanizer, star internationale de l’orgasme dit « sans contact » et garanti en deux minutes chrono! Quel qu’en soit le moyen, la finalité de ces « good vibrations » est autant une félicité qu’une bénédiction.
Elles produisent en effet une myriade de bonnes choses : la libération d’hormones bienfaisantes, telles que les endorphines, la sérotonine et l’ocytocine, stimule le système immunitaire, diminue le stress et la douleur, et contribue à augmenter le sentiment général de bien-être. Et elle donne bonne mine !
Choisir le sextoy qui nous donne envie
Reste à choisir un jouet adapté au sein d’une offre exponentielle. « C’est comme avec un ou une partenaire. C’est plus facile quand il ou elle nous plaît ! » nous explique-t-on au Passage du désir, l’une des principales chaînes de « love shops » en France.
Pour débuter, on peut se tourner vers un modèle de petit calibre type « mini-bullet ». À pile ou rechargeable, il a la forme d’une balle de fusil (ou celle d’un bâton de rouge à lèvres, pour les modèles plus chics). Idéal pour être emporté partout, il est aussi financièrement très abordable (à partir de 20 euros). « Une bonne porte d’entrée dans l’univers du sextoy », écrit Clémence Chung (alias ClemityJane sur les réseaux) dans son Guide ultime des sextoys3.
Quoi qu’il en soit, privilégiez « un objet rechargeable, en silicone et étanche », préconise de son côté Masha dans Sexplorer, un petit cahier de cinquante pages pratico-pratiques4. « L’important est de tenir compte de la zone que vous préférez stimuler ou de celle que vous souhaitez explorer. Pour le clitoris, privilégiez la stimulation sans contact, qui n’irrite pas et peut donner plusieurs orgasmes à la suite. Pour les clitoris sensibles, je conseille les modèles Womanizer ou Satisfyer. Et, pour les plus costauds, un Lelo. Si la pénétration est envisageable, un petit dildo [godemiché, ndlr] vibrant est idéal. Et, pour encore plus de plaisir, un modèle Rabbit. Il stimulera à la fois votre vagin et le gland de votre clitoris » (voir aussi notre shopping).
Attention : le sextoy peut-être addictif
Mais, avant de passer aux travaux pratiques, pas question de zapper les préliminaires. Même pour un petit plaisir en solo ! Alors, comme le dit la sexo-thérapeute Sophie Ramirez avec poésie : « Invitez licornes et paillettes ! » Bref, « ambiancez » le moment en faisant preuve de fantaisie ! Pour cela, à chacune sa tactique : bougies et lumière tamisée, bain moussant, lectures ou podcasts érotiques – on vous recommande Entre nos lèvres (qui raconte de vraies histoires autour de la sexualité, mais pas que !) ou encore Voxxx (pour clitos audiophiles…). Autre truc : « poser une intention coquine et prendre le temps de se dire par exemple : “Je me connecte à mon sexe” », poursuit Sophie.
En cas de petits jeux avec pénétration, ne pas oublier d’utiliser un lubrifiant à base d’eau. Et ne pas brûler les étapes! « Commencez par poser la main sur votre pubis, ou massez cette zone avec l’un de vos doigts, et voyez ce qui se passe… Avant d’introduire tout doucement une demi-phalange dans votre vagin, en écoutant votre cœur, votre corps et en laissant vagabonder vos pensées. »
À partir de là, vous êtes prête à laisser la place à votre sextoy. Mais, attention ! l’objet est si performant qu’il peut vite devenir addictif… « Et on peut avoir plus de mal à jouir avec une personne en chair et en os », prévient Justine Henrion, sexologue à Amiens et à la Maison RoseUp de Paris. Le risque de ne plus du tout vouloir de rapport avec un ou une partenaire est aussi réel. La bonne idée pour trouver l’équilibre ? « Varier les plaisirs. Alterner les stimulations manuelles, l’usage de jouets, et laisser de la place à l’autre ! » Car, jusqu’à preuve du contraire, aucun sextoy ne vous dira que vous êtes belle et qu’il vous aime.
*Prix conseillés en 2024
1. « Is it time for FPMRS to prescribe vibrators ? » Journal of Urology, mai 2022.
2. Auteur de Cancer et sexualité, et si on en parlait, éd. In Press, 17,50 euros.
3. Clémence Chung, Le Guide ultime des sextoys, illustrations de Guillaume Maréchal, éd. Marabout, 2024, 17,90 euros.
4. Masha Sexplique, Sexplorer. 50 pages de conseils pratiques pour cultiver la jouissance au quotidien, illustrations de Mélie Giusano, éd. Mango, 9,95 euros.