INFO+ : Ce podcast est produit par Louie Creative, l’agence de Louie Media. Sandrine Mouchet et Emilie Groyer de RoseUp ont écrit cet épisode, Eva Tapiero l’a préparé. Bénédicte Schmidt en a fait la réalisation et le mix sur une musique de Marine Quéméré. La production est supervisée par Eloïse Normand avec l’aide de Anouk Solliez.
Vous pouvez écouter Osons la Vie sur notre site et sur toutes les plateformes comme ApplePodcast, Spotify et Deezer
Je suis Justine, j’ai 38 ans, je vis en région parisienne dans le 91 et je suis chargée de qualité de vie au travail. J’ai été diagnostiquée d’un cancer du sein à l’âge de 34 ans, en décembre 2020. Mon protocole s’est terminé en octobre 2021. Terminé, pas vraiment puisque je suis toujours en traitement. Il me reste 7 ans d’hormonothérapie.
Mon but dans la vie : être maman
Jusqu’à mon diagnostic de cancer, j’étais exclusivement la maman de mon petit Noah. Je n’avais pas de moment pour moi, je ne vivais que pour lui. C’était le but de ma vie, en fait, d’être maman. Ça faisait suite à une grossesse arrêtée. Donc, j’avais surinvesti ma maternité. Pour moi, c’était un bonheur absolu.
Arrive ce cancer, j’étais enceinte de ma petite Nina. Je ne pensais pas que ça arriverait lorsque je serais enceinte et encore moins à mon âge. Donc voilà, un grand sentiment de colère, d’injustice et puis d’incompréhension surtout. Et puis très vite, on se dit : je ne peux pas mourir à l’âge de 34 ans, je ne peux pas laisser mon enfant qu’à 3 ans. Que va devenir mon bébé ?
À LIRE AUSSI : Retrouvez le témoignage de Justine et d’autres femmes qui ont mené leur grossesse tout en luttant contre le cancer dans notre série Mamans miracles.
Pendant les traitements, je me rends compte que… Qu’il y a quelque chose qui ne va pas, mais on a trop à faire, c’est-à-dire qu’on doit se soigner, donc c’est vraiment ça la priorité. Les rendez-vous médicaux pour mon fils, mes rendez-vous de grossesse, tout est bien rythmé, calibré. On essaye de tenir bon et de ne pas perdre pied, en fait, donc on est concentré à maintenir le volant, et Dieu sait qu’il y a des virages, donc ce n’est pas simple.
Le sentiment d’être seule
J’aurais des difficultés à dire ce que cette expérience a réellement changé pour moi. Peut-être que je ne suis pas encore arrivée au bout du chemin, justement, et comment dire ? L’après-cancer est un peu… Un récap’ en fait, on se fait le récap’ de ce qu’on a vécu et effectivement, ça peut être compliqué lorsqu’on réalise, notamment dans mon cas, que j’ai été assez seule dans le parcours.
Je suis entourée, mais après, il y a les aidants que j’appelle les aidants non-aidants dont on ne parle pas forcément et pourtant beaucoup d’entre nous ont ce genre de difficultés. Un aidant non-aidant, c’est un entourage qui est là physiquement, mais qui ne sera pas forcément là pour nous lors de la maladie. Donc on se dit mince, s’il n’y a pas une prise de conscience de tous à ce moment-là, ça ne viendra jamais !
Le résultat, c’est que je me suis sentie vraiment seule tout au long du parcours. C’était sûrement difficile aussi pour eux de gérer ça. Mais c’était compliqué pour moi.
Prendre du temps pour moi
Pendant le combat, ce qui est très contradictoire, c’est que ça allait. Fallait que ça aille. Je ne m’écoutais pas du tout. Et puis après, quand la radiothérapie s’est terminée, qui a épuisé vraiment tout ce que je pouvais avoir comme force, là, j’étais plus que l’ombre de moi-même.
La première étape pour commencer à tourner la page, ça a vraiment été de se dire : j’ai besoin de temps pour moi. Je me revois dire à ma maman : je n’arrive plus à rien. Je ne suis plus une maman, je ne peux plus rien faire. Je veux qu’on me laisse tranquille. J’étais arrivée vraiment au bout du bout. Oui, j’ai réalisé qu’il faut que je fasse quelque chose. Déjà, j’ai dû changer ma fille de mode de garde, j’ai fait de multiples démarches pour obtenir une place parce que je ne voulais pas non plus la mettre n’importe où, n’importe quelle condition.
Pour moi, le fait qu’elle soit encore vivante après tout ça, c’était miraculeux qu’elle soit là, donc je ne voulais pas la laisser à n’importe qui. Ce mode de garde, ça a été vraiment la première étape de laisser son enfant et d’être en confiance et de se dire, ça y est, maintenant je vais prendre ce temps pour moi. Et j’ai du coup frappé à différentes portes, des associations pour avoir des soins à support.
Je n’avais pas pu en avoir précédemment. Je suis allée les chercher. Je voyais sur les réseaux les filles qui faisaient des choses. Je les notais. Je notais tout et j’ai tout dû mettre en place. Ça aussi, c’est aller chercher de l’énergie qu’on n’a pas pour… pour obtenir ce dont on aurait dû avoir d’emblée. Ce n’était pas évident, mais on rassemble les dernières forces pour le faire.
Me projeter dans un nouveau chapitre
À l’Institut Raphaël, je bénéficie d’un soutien psychologique. Je fais du Qigong, de la sophrologie, de l’ostéopathie, il y a plein de soins de support accessibles. Et c’est précieux, parce que ce soin-support, ça nous rappelle qu’on a une place, ça nous remobilise, ça nous réassure, ça m’a redonné confiance en moi.
Ça me permet de monter des petites marches dans cette acceptation de tout ce qui m’est arrivé et ça me reconstruit, ça me renforce.
Trouver un travail a été vraiment une marche qui m’a permis de me reprojeter dans un nouveau chapitre. Déjà, c’était l’attente de la société, mais c’était aussi la mienne avant le diagnostic de trouver un travail, parce que, j’en cherchais un. Ce travail, c’est chargée de qualité de vie au travail, j’anime des ateliers de sensibilisation sur les thèmes de la santé, enfin on a plein de volets comme ça, donc pour le bien-être des agents, c’est typiquement le type de poste que j’aurais souhaité à la sortie de mes études en psychologue du travail. Ça m’a vraiment permis de passer à autre chose. Parce que le fait d’être à la maison, c’est vrai que ce n’est pas évident, en tout cas pour moi. Certaines personnes peuvent bien le vivre, mais moi, c’est vrai que c’est quelque chose qui ne me convenait pas du tout. Ce n’était pas du tout choisi, plutôt subi. Donc le fait de pouvoir retravailler, ça m’a permis de me sentir mieux aussi.
Même si ça a été très difficile, parce que j’appréhendais beaucoup une reprise à 100 %, étant donné que j’étais quand même très fatiguée, puisque toujours en traitement. Mais je ne regrette pas du tout, parce qu’effectivement, ça me permet d’avoir une vie sociale, de rencontrer du monde, d’avoir des collègues, de challenger, de faire fonctionner aussi ma tête. C’est important pour moi. Si je dois me projeter dans 5 ans, j’avoue que je n’ai pas d’idée. Je vais un peu au jour le jour, en fait.
La société voudrait que je sois comme avant, que je devienne totalement invisible, que mon combat n’existe pas. Pour autant, il est arrivé dans ma vie et pour moi, maintenant, j’en fais mon cheval de bataille.
À coeur d’aider les autres
Avec mon compte Instagram, je n’ai pas forcément l’impression d’être aidante, mais on me le dit. En fait, ça renvoie à une question de légitimité à nouveau. Est-ce que je me souviendrai d’ailleurs pour toujours des rendez-vous psychologues ? Est-ce que vous vous sentez légitime de quelque chose ? Voilà, je suis encore sur le chemin d’une acceptation de moi-même. Donc, je n’ai pas la sensation. Mais après, oui, beaucoup m’ont dit oui. Parce qu’en fait, j’essaie de maintenir ce lien de donner ce que je n’ai pas aussi eu. Donc j’ai à cœur d’aider.
Notamment des personnes qui seraient dans ma situation, des personnes qui apprennent leur diagnostic lorsqu’elles sont enceintes et j’essaye de les aider du mieux que je peux. Donc des fois, c’est vrai que ce n’est pas évident. On m’a fait le reproche récemment que je n’avais pas répondu. Ça m’a rendu vraiment triste parce que du coup, j’essaie vraiment de faire du mieux que je peux. Mais voilà, comme dans tout, on n’est pas parfait.
C’est comme une vocation, je ne sais pas trop comment expliquer, mais ça a donné beaucoup de sens dans ma vie. Je me suis dit… Si je peux aider, voilà, je peux changer peut-être la vie de quelqu’un comme d’autres ont changé la mienne, en fait. Les personnes sûrement ne savent pas tout le bien qu’elles m’ont apporté. Des fois, c’est un petit message, mais ça fait du bien.
Les personnes qui me suivent me disent que je les aide. Et il y en a, il me faut pleurer. Parce que du coup, je ne m’en rends pas compte, mais ça me fait chaud au cœur. Je me dis waouh. C’est incroyable, j’ai donné de l’espoir à quelqu’un qui venait d’apprendre le diagnostic, c’est tout ce que je cherchais moi au diagnostic. J’ai l’impression de faire ma part, comme le petit colibri, on fait notre part.
Pas la même
La sororité que je cite souvent, qui m’a vraiment portée, c’est l’entourage que je me suis créée sur les réseaux sociaux. Alors, on en parle souvent négativement, mais moi, c’est ce qui m’a sauvée.
Je ne suis plus la même qu’avant parce que je me suis fait une place et j’ose plus. Je fais des expériences comme aujourd’hui. Je n’aurais jamais accepté avant une expérience comme ça parce que c’est sortir de sa zone de confort et j’aimais bien ma zone de confort et j’ai compris qu’on pouvait augmenter sa zone de confort et être à l’aise, alors qu’avant j’étais vraiment très… J’étais très… Sur mon petit chemin, je ne voulais pas faire trop de vagues, pas trop déborder du cadre. Là, j’ai envie de tout faire, limite de sauter en parachute. Alors que j’ai super peur, mais je me vois tout faire. Voilà, c’est ce que ça m’aura permis aussi, de me libérer un peu du quand dira-t- on.