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Cancer : celles qui ont fait le choix de le cacher

{{ config.mag.article.published }} 14 novembre 2018

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Anne, Myriam, Sarah et Séverine ont fait le choix de cacher leur maladie à leurs proches. Un réflexe de protection, mais pas seulement. Enquête.

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En 2011, Anne* fait une mammographie, « un examen de routine, juste pour avoir la conscience tranquille ». Mais le dépistage est positif et ce cancer tombe mal : « Ma fille cadette était en pleines révisions pour le bac, mon aînée se mariait un mois plus tard. » La réflexion est de courte durée : « Il fallait que je protège mes enfants, j’ai choisi de garder ça pour moi. »

En accord avec son compagnon, la quinquagénaire cache les pansements, les médicaments, les rendez-vous médicaux. « C’était très difficile, j’avais l’impression d’être en guerre. Ma fille aînée est infirmière, alors je devais peser chacune de mes phrases, ne lâcher aucune miette d’information. » Durant cinq semaines, Anne mène une double vie : le cancer et les traitements d’un côté, les préparatifs du mariage et du baccalauréat de l’autre. Lorsque enfin arrive la libération : « Le lendemain de la cérémonie, j’ai lâché le morceau. Ça m’a fait un bien fou ! » En 2018, de nombreux malades continuent de préférer taire leur cancer à leurs proches. Comme Anne, Sarah a gardé le silence, elle aussi pour protéger son entourage. « J’ai été obligée d’en parler à mon mari, à mes enfants et à ma sœur. Mais à ma mère je n’ai pas pu : elle est fragile et mon père est décédé d’un cancer du poumon. Je ne voulais pas la bouleverser. » La dissimulation dure six mois. « Chaque fois que je lui rendais visite, je faisais de mon mieux pour être au top. Je me maquillais, je mettais ma perruque… Elle me trouvait “rayonnante”. Elle n’a jamais rien suspecté. » Lorsque finalement, à la fin des traitements, le mensonge est découvert, Sarah estime qu’elle a fait le bon choix : « Ma mère s’est évanouie. J’ai bien fait de la protéger ! »

Rester une femme normale

Mais qui protège-t-on réellement ? « En pensant protéger l’autre, c’est souvent soi-même que l’on protège, et plus particulièrement l’image de soi que l’on souhaite renvoyer aux autres », analyse Valérie Gasne, psychologue clinicienne et auteure de Clinique du seuil (éd. Érès, 2018). Que l’on soit plutôt la maman poule ou la grande sœur rigolote, la copine fêtarde ou la fille prodigue, il s’agit de maintenir coûte que coûte le rôle social auquel on s’identifie. « Finalement, on s’accroche à son identité comme à une bouée en pleine tempête. »

« Il fallait que je protège mes enfants, j’ai choisi de garder ça pour moi »

Parfois même, c’est toute une vie qu’on tente de préserver. Myriam se souvient encore de l’instant exact où elle a fait le choix de taire sa maladie : « J’étais à la pharmacie pour acheter les médicaments nécessaires à la macrobiopsie – à l’époque, j’étais encore en phase de diagnostic. Lorsque j’ai tendu l’ordonnance au pharmacien, j’ai vu son regard changer. Je suis passée du statut de cliente lambda à celui de malade du cancer. En un instant, j’ai compris que ce ne serait plus jamais “comme avant”. On allait me parler de mon cancer en permanence. Alors je n’ai rien dit. » Quelques rares personnes seulement connaissent son secret. « Je veux garder une vie normale. Mais lorsque tout ça sera fini je dirai la vérité à mes amis, et je leur dirai aussi que, grâce à eux, j’ai pu m’évader de la maladie de temps en temps… » La normalité, c’est aussi le combat d’Angélique, diagnostiquée d’un cancer de la peau en mai 2018. « Je ne veux pas de la pitié des gens, qu’on me considère uniquement sous l’angle de ma maladie, je veux rester une femme normale. »

« Lorsqu’on révèle son cancer à son entourage, on dégoupille quelque chose, reconnaît Valérie Gasne. Tout d’un coup, chacun se trouve confronté à sa propre perception de la maladie – et il ne faut pas oublier que, malgré les progrès de la médecine, le cancer reste souvent synonyme de mort. Le résultat, c’est que le patient se retrouve mis au ban de la société : on lui assigne une place particulière. Cela peut être très difficile à vivre. » Sans oublier les (immanquables…) commentaires blessants : « Les gens n’y connaissent rien, ce qui ne les empêche pas de donner leur avis ou, pire, des conseils, note Myriam, amère. Me taire, c’est aussi un moyen de me protéger contre les remarques culpabilisantes, méchantes ou juste stupides. »

Être une actrice

Mais pour créer l’illusion de normalité la plus parfaite possible, il faut parfois développer des ruses de Sioux. « Dans mon malheur, j’ai de la chance, s’amuse Myriam. Mon cancer a été dépisté très tôt, je supporte bien ma chimio, je prends soin de moi… J’ai l’air (presque) en pleine forme. » Pour ses cheveux, tombés dès le début du traitement, la quinquagénaire n’a donc pas de mal à asséner son mensonge : « Je raconte à tout le monde que je suis fan de culture africaine, ce qui justifie mon boubou sur la tête. Jusqu’ici, ça passe ! » Le défi paraît plus ardu pour Angélique qui, à cause d’une chute brutale de ses défenses immunitaires, doit porter un masque au quotidien. « Lorsqu’on me demande, je dis que j’ai peur des microbes, comme les Asiatiques. Mon entourage l’accepte sans poser de questions. »

Mais sont-ils vraiment dupes ? Pas sûr. « Pour l’entourage du malade, il peut être très compliqué de faire face au cancer, confirme Valérie Gasne. On ne comprend pas forcément ce que ça signifie, on a peur, on ne sait pas comment réagir. Alors parfois, il est simplement plus facile de fermer les yeux, même si cela implique d’avaler des couleuvres… »

Destinés à ne pas éveiller les soupçons, ces stratagèmes servent également un autre objectif, inconscient celui-ci : « Tandis que le malade est occupé à élaborer des techniques pour que son cancer reste invisible, “l’appareil à penser” est occupé et il ne réfléchit pas trop au futur, explique la spécialiste. Finalement, ce comportement permet aussi de tenir la maladie à distance, et c’est bénéfique. » Séverine se reconnaît bien dans cette situation. « Depuis l’annonce de mon cancer, j’ai fait le choix de cacher ma maladie à ma grand-mère ainsi qu’à mes petits frères. Lorsque je leur rends visite, je me fais belle, je mets ma prothèse, je me maquille, j’enfile ma perruque, j’ai l’impression d’être une actrice. Quelque part, ça m’aide à garder la tête hors de l’eau : il faut que je tienne le coup, au moins pour qu’ils ne se doutent de rien. »

Faire l’autruche…

Taire son cancer et affronter seule (ou presque) la maladie et les traitements, ça ressemble à du courage. Pourtant, selon Valérie Gasne, les femmes concernées n’ont pas toujours le choix. « Dans certaines familles, la culture du secret est très ancrée : on ne parle pas de ses problèmes et encore moins des choses intimes. Il faut se taire. » Pire : d’après la spécialiste, c’est parfois la société elle-même qui impose le silence aux malades. « Dans le discours ambiant, la femme d’aujourd’hui doit pouvoir tout mener de front : sa vie de famille, son travail, ses loisirs. Il faut être une Superwoman : pas de place pour la faiblesse, même passagère ! Alors on souffre en silence… et avec le sourire s’il-vous-plaît. » Sarah non plus n’a pas l’impression d’avoir eu le choix. Mais dans son cas, la censure semblait plutôt venir d’elle. « J’ai vécu l’annonce de mon cancer comme un coup de tonnerre : j’étais jeune, j’avais une hygiène de vie irréprochable, ça ne pouvait pas m’arriver, pas à moi. Du coup, je n’ai simplement pas réussi à annoncer la nouvelle à mon mari et à mes enfants. Les mots restaient coincés dans ma gorge. Il m’a fallu un mois de silence et une bonne dispute avec mon mari, qui ne comprenait pas ce que j’avais, pour que je parvienne à dire “j’ai le cancer”. »

« Taire sa maladie, ça peut aussi être une manière de faire l’autruche », confirme la psychologue. En d’autres termes : « Si je n’en parle pas, ça n’existe pas… » « Lorsque j’ai raconté à mon cancérologue que je ne souhaitais rien dire à ma famille (à cause du mariage de mon aînée et du baccalauréat de ma cadette), j’ai eu le sentiment qu’il approuvait ma démarche, se souvient Anne. Il m’a dit : “Vous avez raison, il faut donner priorité à la vie” et c’est, je pense, exactement ce que j’ai fait. Je n’ai pas autorisé le cancer à me voler ma vie. »

Benjamin Berbez, sociologue, anthropologue, philosophe

« Taire son cancer c’est un droit et une liberté »

« En l’espace de quelques décennies seulement, la perception du cancer a beaucoup évolué. Dans les années 1960, il ne fallait surtout pas en parler. C’était une maladie taboue, une expérience purement individuelle synonyme d’isolement. Dans les années 1990, on a observé le phénomène inverse : il fallait s’exprimer, vivre sa maladie de manière collective. Je crois qu’en 2018 on en a fini avec les injonctions : les malades peuvent décider de parler ou pas de leur cancer. Les progrès de la médecine donnent d’ailleurs le choix aux patients puisqu’un malade du cancer, désormais, ne se repère plus forcément au premier coup d’œil… On ne doit pas forcément la vérité à tout le monde sur notre état de santé – la récente adoption du droit à l’oubli pour les malades du cancer le montre bien. On peut tout à fait cacher son cancer pour des motifs positifs : conserver une identité sociale, respecter des valeurs, ne pas entraver la progression d’une carrière… Taire son cancer, c’est un droit et une liberté. Qui peut néanmoins avoir des conséquences difficiles à assumer. Choisir de le cacher à la famille, notamment, c’est décider à sa place ce qu’elle est capable d’entendre ou pas : cette logique du « je sais mieux que toi ce qui est bon pour toi » peut constituer une privation de sa liberté, et un motif de reproche. Chaque patient doit bien peser le pour et le contre, car la liberté du choix donne aussi… des responsabilités. »

* Et coauteur de La Dynamique sociale des subjectivités en cancérologie (éd. Érès, 2016).

Apolline Henry

* Certains prénoms ont été modifiés.

Retrouvez cet article dans Rose Magazine (Numéro 15, p. 96)

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