Quand Sandrine regarde Léa et Hugo, ses jumeaux âgés aujourd’hui d’1 an et demi, elle en oublierait presque le parcours du combattant qu’elle a dû traverser pour en arriver là. Tout commence en 2008. Sandrine s’entraîne pour l’épreuve d’athlétisme du concours d’institutrice lorsqu’elle se met à manquer d’air. Quelques examens plus tard, le diagnostic tombe : lymphome de Hodgkin. Elle a alors 23 ans.
Une procédure encore expérimentale
Rapidement prise en charge à l’Institut Paoli Calmettes de Marseille, elle commence son premier cycle de chimiothérapie. Le traitement est agressif et sa mère s’inquiète des conséquences qu’il peut avoir à long terme. “Elle a demandé à mon oncologue si cela pourrait me rendre stérile” explique Sandrine. Le médecin se veut rassurant mais la jeune femme est tout de même reçue quelques jours plus tard à la plateforme Cancer et fertilité de l’AP-HM par le Pr Blandine Courbière, gynécologue, spécialiste de la reproduction. “Elle m’a confirmé que mes traitements pouvaient avoir un impact sur ma fertilité, se souvient Sandrine. Mais comme j’avais déjà reçu de la chimiothérapie, elle m’a expliqué qu’il n’était plus possible de congeler mes ovocytes.”
Le professeur lui parle alors d’une autre solution : la greffe de tissu ovarien. “Elle m’a proposé de me prélever un ovaire, en espérant qu’un jour, on puisse m’en regreffer des fragments.” A l’époque, la procédure est réservée au domaine de la recherche et les chances de succès, hypothétiques. Sandrine est épuisée par les traitements et ne veut plus qu’on la touche. Devant l’insistance de sa mère et du médecin, elle finit pourtant par céder.
L’intervention a lieu en janvier 2009. Réalisée sous coelioscopie, elle ne lui laisse qu’une petite cicatrice – “comme pour l’appendicite” précise Sandrine – qu’elle oublie rapidement. La jeune femme reprend ses traitements avec un seul objectif : guérir. Elle est célibataire, l’éventualité d’une grossesse lui parait très éloignée de ses préoccupations du moment.
Attendre le bon moment
Ce n’est que 2 ans après sa rémission, en 2011, que Sandrine commence à se poser des questions : “J’ai contacté le Pr Courbière pour avoir des réponses. J’avais besoin de savoir si je pourrai un jour avoir des enfants”. Le médecin lui fait passer une série d’examens. Les résultats ne sont pas bons. “Ma réserve ovarienne était quasiment nulle. Il y avait très peu de chance que je tombe enceinte de façon naturelle”. Le jeune femme est en colère : “La chimiothérapie m’avait guérie mais à quel prix ?” Sa seule chance réside à présent dans cet ovaire qui attend, à l’abri dans le froid. Mais il est encore trop tôt pour tenter une greffe : la procédure reste expérimentale.
2014, Le Pr Courbière recontacte Sandrine. L’espoir de réussite d’une greffe devient réel. Les équipes françaises ont obtenu une dizaine de naissances grâce à elle.“Je voyais que je vieillissais, j’avais envie qu’on essaie tout de suite mais une fois greffés, les tissus ovariens ont en moyenne une durée de vie de 2 ans. À l’époque, j’étais célibataire. Il fallait attendre le bon moment.”
Premier essai… raté
Cinq ans plus tard, Sandrine est en couple et l’envie d’un bébé se fait sentir. “Mon compagnon connaissait tout de mes problèmes de fertilité. Je ne lui avais rien caché” précise-t-elle. La jeune femme arrête la pilule mais s’aperçoit rapidement que quelque chose ne va pas. “Mes cycles étaient perturbés, j’avais des bouffées de chaleur…” À seulement 34 ans, Sandrine présente tous les signes d’une préménopause.
Le “bon moment” est arrivé. Rendez-vous est pris avec le Pr Courbière. La gynécologue est optimiste : il y a assez de tissu congelé pour tenter 2 greffes. La procédure se passe en 2 temps. “La première opération, en gros, c’est pour préparer le terrain. La deuxième, c’est la greffe à proprement parler” résume Sandrine. La jeune femme se remet rapidement de ces opérations réalisées sous coelioscopie et 4 mois plus tard, miracle de la médecine, ses règles refont leur apparition. Sandrine est euphorique. “Le jour où j’ai eu un retard de plus de 10 jours, je pensais être enceinte. Mais j’ai vite déchanté. En fait, mes cycles étaient juste irréguliers : ils oscillaient entre 20 et plus de 40 jours. C’était très compliqué moralement parce qu’il était difficile de prévoir ma fenêtre de fertilité.” Sandrine a peu de chance de tomber enceinte naturellement, d’autant qu’une échographie révèle que la greffe n’a donné que très peu de follicules. Pour leur donner un peu coup de pouce, la gynécologue de Sandrine tente une stimulation ovarienne en vue d’une fécondation in vitro. Sans succès.
C’est fois c’est la bonne
Le couple joue sa dernière dernière carte : la greffe du second et dernier fragment de tissu ovarien congelé. “En automne 2021, comme je n’étais toujours pas tombée enceinte naturellement, on a reparlé d’une FIV mais mon compagnon ne le sentait pas. Il n’avait pas envie qu’on force les choses. Je pense qu’on était aussi fatigués de faire des allers-retours à l’hôpital, reconnaît Sandrine. Et puis, au printemps suivant, on s’est dit qu’on allait faire une dernière tentative, pour ne pas avoir de regret.”
Sandrine reprend les injections d’hormones : “Un seul follicule est allé au bout de la maturation et un second était à moitié mature.” Le Pr Courbière décide d’aller quand même jusqu’au bout de la procédure. Les 2 follicules sont ponctionnés et fécondés in vitro. “Deux jours après, j’ai reçu un appel : “nous avons 2 embryons, venez, on vous attend”, se souvient Sandrine. On a tout de suite pris la route pour l’hôpital, à moitié en pleurs.’
Deux battements de coeurs
Douze jours plus tard, “qui m’ont paru une éternité” se rappelle Sandrine, les résultats de la prise de sang confirment que l’implantation des embryons a fonctionné. “J’avais tellement peur de les perdre que je faisais hyper attention à tout : je ne faisais pas de sport, je ne portais pas de charge lourde” explique Sandrine. Une semaine plus tard, le taux d’HCG de Sandrine continue de grimper en flèche. “Une sage-femme de l’hôpital m’a dit qu’avec des taux comme les miens, elle était sûre qu’il s’agissait d’une grossesse gémellaire. Ils avaient même ouvert des paris dans le service !”. L’échographie lui donne raison : “On a entendu un coeur, et le Pr Courbière a déplacé sa sonde et nous a dit : “Eh bah, voilà le 2ème”. Je n’ai pas compris tout de suite” se souvient avec émotion la jeune maman.
L’inquiétude refait rapidement surface quand Sandrine se met à avoir des contractions à 25 semaines de grossesse. Elle doit être hospitalisée. “J’ai pu rentrer chez moi quand j’ai atteint la 30ème semaine mais je devais rester couchée.” Sept semaines plus tard, Sandrine commence à ne pas se sentir bien : “Je faisais une pré-éclampsie, on a dû me déclencher”. Le 27 février 2023, elle donne naissance par césarienne à Hugo, suivi de près par sa petite soeur Léa. Les jumeaux sont en parfaite santé. Les 4 ans de désillusions, d’errance, de peur et de doutes s’évaporent à l’instant où elle les tient, enfin, dans les bras. “Aujourd’hui, je ne regrette rien. S’il fallait le refaire, je ne changerais absolument rien” assure l’heureuse maman.
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