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Se relever d’un cancer à travers la danse contemporaine

{{ config.mag.article.published }} 28 juillet 2015

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Parmi les activités de la Cami Sport et Cancer, à Neuilly-sur-Seine, un ballet de danse contemporaine réunit malades en fin de traitement et danseurs quasi-pros. Une expérience unique.

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Avouons-le : en entrant dans la salle de répétition dans les sous-sols du théâtre de Neuilly-sur-Seine, on ne peut s’empêcher de scruter les danseurs. Tous ne sont pas malades, nous a-t-on dit, c’est même l’originalité de ce ballet. Alors qui, ici, a « visiblement«  un cancer ? En vérité, personne.

Sur le parquet clair, face aux miroirs, ils sont une dizaine à enchaîner pliés, sauts, portés, enroulés avec la même aisance, la même assurance, la même sueur au front. Tous sont toniques, souples, déliés. En forme, quoi.

Pourtant, on finira évidemment par l’apprendre, Estelle, Coura, Brigitte et Soline – absente ce jour-là – se relèvent à peine d’un cancer du sein et sont encore, pour certaines, en hormonothérapie. Toutes ont découvert le cours de danse par hasard, via la Cami Sport et Cancer de Neuilly.

« Quand j’ai repris mon travail à plein temps, j’ai dû choisir, et j’ai gardé la danse »

« Moi, c’était en octobre 2008, indique Estelle. Encore en traitement, j’étais allée à la première édition du Ruban de l’espoir, à Paris. Parmi les stands, il y avait celui de la Cami, avec Jean-Marc Descotes qui présentait ses cours de karaté. Ça ne m’intéressait pas trop, mais j’ai voulu tester. J’ai fait trois cours en une semaine ! Et, pendant toute la durée de mon congé maladie, je n’ai plus arrêté, ajoutant toutes les disciplines à mon agenda, notamment les cours de danse contemporaine. Ensuite, j’ai organisé mon mi-temps thérapeutique en fonction des horaires des activités. Mais quand j’ai repris mon travail à plein temps, j’ai dû choisir, et j’ai gardé la danse. »

Estelle avait 10 kg à perdre et une confiance en elle à retrouver. C’est fait. Même chose pour la timide Coura, arrivée en 2010 après avoir vu une affiche présentant la Cami dans son hôpital de Bobigny, Avicenne. Une silhouette alourdie et des œdèmes aux chevilles la faisaient souffrir. Fini.

Quand le corps reprend vie…

« Constater que le corps est « capable », qu’il reprend vie, c’est pour ces malades épuisés voire mutilés une première victoire, ultramotivante pour la suite, souligne Marie-Laure, prof à la fois bienveillante et exigeante, adorée de ses élèves. Ensuite, une deuxième victoire consiste pour elles à se mettre en scène, à se montrer aux autres. »

Vérification auprès de Soline, qui indiquait après une représentation au théâtre de Neuilly, en décembre 2009: « Qui aurait pu croire que quelques mois avant j’étais en traitement? Quelle fierté incroyable j’ai ressentie lorsque le rideau s’est levé! Quelle joie immense de danser avec cette troupe, danseurs aguerris ou non, jeunes ou moins jeunes. Un mix incroyablement réussi pour un résultat qui vous prend aux tripes.»

La scène, magique

Et qui relève quasiment du miracle, tant le melting-pot paraissait au départ improbable. Jugez plutôt : ici donc, quelques malades du cancer en fin de traitement à leur arrivée, âgées de 30 à 57 ans et n’ayant pas forcément enfilé de chaussons auparavant. Là, d’anciennes bonnes danseuses de Marie-Laure, ainsi qu’une amie professionnelle, par ailleurs éducateur médico-sportif (EMS) à la Cami de Périgueux, chargée de l’atelier danse. Et, au milieu, trois non-danseurs, intervenants de la Cami de Neuilly: deux EMS et l’onco-psychologue de la formation universitaire « Sport et cancer » développée par la Cami… C’est donc tout ce petit monde qu’il a fallu organiser en ballet capable de se produire quarante-cinq minutes durant devant 500 personnes.

« Justement, c’est ce qui nous lie, sourit Marie-Laure. En 2008, quand j’ai ouvert l’atelier Cami, j’avais huit élèves. Et parallèlement j’assurais un cours extérieur, privé. Mais, à la rentrée suivante, j’ai fait travailler deux chorégraphies complémentaires à mes deux groupes. Puis, j’ai demandé aux Cami si elles acceptaient de partager leur expérience avec des non-Cami. Elles ont été emballées. Et mes élèves extérieures aussi. Alors j’ai mélangé tout le monde. Et fermé mon cours privé! »

« Les mentons se sont relevés, les regards affirmés »

Estelle: « Moi, j’étais impressionnée, quand même! Je trouvais les non-Cami très fortes! » Même trac pour Brigitte, deux cancers au compteur. « Ça allait parfois vite pour moi. J’ai dû m’accrocher et bien me concentrer sur les mouvements, les enchaînements. Mais c’est valorisant de voir que, même si on danse moins bien que d’autres, on améliore sa coordination, on gagne en fermeté et en tonus. »

Précisément l’objectif de Marie-Laure: « Au fil des mois, j’ai constaté de gros progrès dans le maintien, l’assurance. Et quand je les regarde depuis les coulisses, lors des représentations, je vois bien que les mentons se sont relevés, les regards affirmés. C’est vraiment émouvant. Je suis heureuse d’avoir réussi à faire vivre quelque chose de magique – la scène, le partage avec le public – à des femmes qui, peu de temps auparavant, avaient vécu l’enfer. »

Depuis septembre, l’atelier accueille de nouveaux élèves Cami et prépare un autre spectacle pour novembre 2013. En attendant, le ballet vient de se produire à Vannes et est attendu à Périgueux, Gap, Rodez. « La troupe, c’est ma deuxième famille », souffle Coura.

 


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Béatrice Lorant

Ancienne rédactrice en chef de Rose magazine

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