À l’été 2020, j’avais alors 36 ans et j’attendais mon premier enfant. À la première échographie, RAS. Deux mois plus tard, on était alors en août, j’ai eu rendez-vous avec l’échographe pour la deuxième. C’est là qu’elle a vu une masse de 8 cm de diamètre sur un ovaire. Elle a pensé à un kyste. On m’a opérée rapidement pour le retirer avec l’ovaire. L’idée qu’on m’ouvre le ventre enceinte m’a choquée, mais il fallait en passer par là. Le diagnostic est tombé comme un coup de massue : cancer. Dans la foulée, on m’annonçait le protocole : une première série de chimios, puis une césarienne autour de la 33ème semaine (avec un séjour d’un mois en néonat pour mon bébé), puis une autre série de chimios…
Cela faisait beaucoup de choses à accepter à la fois. Pour ne pas sombrer, j’ai décidé de ne pas me projeter et de prendre chaque étape l’une après l’autre.
« Durant les chimios, Lubin a été monitoré. Il grandissait et grossissait normalement »
À plusieurs reprises lors des cures de chimios, des soignants m’ont demandé : « Est-ce que c’est possible la chimio pendant une grossesse ? ». Moi aussi j’avais été surprise de l’apprendre quand le médecin m’avait annoncé “le programme”. Mais que des membres du personnel hospitalier ne le sachent pas, j’ai trouvé ça … pas très rassurant ! Ma petite sœur a dû fouiller sur internet pour me trouver quelques témoignages de futures mamans qui l’avaient vécu. Il y en avait très peu mais ils étaient positifs. Cela avait contribué à me tranquilliser un peu, mais pas assez pour ne pas me sentir coupable de faire vivre ça à mon bébé.
Durant tout le traitement, il a été monitoré pour s’assurer qu’il allait bien. Et ça se confirmait, il grandissait et grossissait comme n’importe quel bébé en bonne santé. Le sentir bouger a été mon anti-dépresseur. Chaque fois, ça me reboostait !
C’est rare de pouvoir être diagnostiqué aussi tôt (stade 1C) d’un cancer des ovaires. Le personnel soignant m’a souvent dit : « votre bébé vous a sauvée ». Et c’est comme ça aussi que je l’ai vu : comme mon sauveur. Si je n’avais pas été enceinte de Lubin, on aurait sans doute découvert tardivement mon cancer.
« Porteuse du BRCA1, j’envisage l’ablation préventive des seins. Mais pas avant que mon fils sache marcher »
Finalement, j’ai accouché par voies basses. Le déclenchement eu lieu à 37 semaines de grossesse, et Lubin est né le 18 novembre 2020. Il pesait 3,4 kg et mesurait 51 cm. Pas d’allaitement possible car je devais reprendre la chimio. Peu de temps avant sa naissance, j’avais appris que j’étais porteuse du BRCA1. J’en ai informé mes deux sœurs qui ont fait le test génétique. Elles aussi sont porteuses et sont désormais suivies. Moi, j’ai dû me résoudre à ce qu’on m’enlève l’autre ovaire et l’utérus. Au niveau hormonal cela a été compliqué à vivre, et psychologiquement aussi. Je n’allais plus pouvoir être maman naturellement après ça. Or notre projet avec mon compagnon n’était pas d’avoir un enfant unique … J’ai la chance d’avoir un amoureux très présent, très investi. Au point qu’il parlait non seulement de « notre bébé », de « notre accouchement » mais aussi de « notre cancer » !
En avril 2022, Lubin a eu 17 mois et je peux dire que c’est un bébé facile, qui dort bien, qui mange bien. Un vrai petit clown aussi, qui rit beaucoup et qui aime faire rire.
Aujourd’hui, j’ai l’impression de sortir à peine la tête de l’eau et je me sens un peu perdue, je ne sais plus trop quelle est ma place. Je suis suivie tous les six mois pour les seins cette fois. Échographie, mammographie, IRM et palpation aussi. C’est décidé, je vais faire l’ablation préventive de ma poitrine. Si cela peut m’éviter une récidive, je suis partante ! Mais pour l’instant, je veux pouvoir porter Lubin dans mes bras, il est encore si petit. J’attends qu’il sache marcher tout seul.
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Propos recueillis par Sandrine Mouchet