Consultation d’annonce, préopératoire ou de suivi de chimiothérapie, un nouveau rendezvous avec un médecin est souvent source de stress, de questionnement aussi. La veille, sur le trajet, et jusque dans la salle d’attente, vous vous faites des petits films dans votre tête. Vous vous figurez que, cette fois, vous serez maîtresse du tempo, que vous mènerez l’échange sans vous laisser impressionner par la stature de votre chirurgien ou oncologue. Finalement ? Eh bien… rien ne se déroule jamais comme vous l’avez imaginé ! À la sortie, vous vous retrouvez soit désarçonnée par une nouvelle annonce, soit frustrée de ne pas avoir songé à poser telle ou telle question (ou de ne pas avoir osé le faire), soit… vous flottez dans un état passablement nébuleux. Voire tout ça ensemble !
Il faut bien le reconnaître : la consultation médicale demeure un moment de déséquilibre entre malades et sachants. Néanmoins, cela peut se passer différemment lorsqu’on décide de s’approprier cet exercice, et d’en devenir actrice. Plus facile à dire qu’à faire ? C’est vrai, surtout si vous êtes d’un naturel timide ou pas trop sûre de vous. Mais se faire un peu violence vaut le coup. Des études ont bien montré que les patients assez informés, qui avaient pu exprimer leurs craintes et leurs questionnements, étaient plus sereins et adhéraient mieux aux traitements que les autres. Il est donc essentiel de bien préparer ses consultations. Suivez nos astuces et conseils éprouvés par des patientes.
Ayez avec vous un « pense-pas-bête »
Il est aujourd’hui bien démontré que les patients qui participent activement à leur consultation obtiennent davantage d’informations que les autres. Tout simplement parce que, en posant leurs questions, ils arrivent à orienter la consultation sur les sujets qui les préoccupent. Forcément, le temps de consultation risque de s’en trouver allongé, et le médecin ne pourra pas vous garder éternellement dans son bureau. Donc mieux vaut avoir bien en tête les messages clés que vous souhaitez lui transmettre. « C’est là qu’entre en jeu ce que j’appelle le pense-pas-bête. On y note les effets secondaires subis entre deux chimios, les questions qui nous empêchent de dormir, mais aussi des questions pratiques, si on souhaite voyager par exemple. Il n’y a aucune question interdite ! » rapporte Sabine Dutheil, patiente partenaire à l’Institut du sein de Bordeaux. Ce « pense-pas-bête » peut être un carnet que vous gardez toujours sur vous. Vous pouvez aussi vous servir d’une application de prise de notes sur votre smartphone. L’idée est de centraliser vos craintes, questions et réflexions plutôt que de les disperser sur des bouts de papier – ou des post-it ! – que vous risquez d’égarer…
Au cours de ses traitements pour un cancer des ovaires, Laetitia Lorniac1, 44 ans, a non seulement adopté ce système, mais elle l’a aussi amélioré : « Pour être plus efficace, j’organisais mes questions par thème. Je rassemblais tout ce qui concernait les cures de chimio, par exemple la durée des séances, la possibilité de les réaliser à la maison, etc., dans une grande question. Puis dans une autre je listais mes effets secondaires, leur intensité… » décrit-elle. Au fur et à mesure de l’échange avec votre médecin, n’hésitez pas à rayer vos questions, à les annoter, et à consigner – ou à enregistrer – les réponses. Cela peut perturber certains médecins. Vous entendrez sûrement : « Oh là là, il y en a encore beaucoup ? ! » Ne soyez pas intimidée pour autant ! Vos questions sont légitimes. Par ailleurs, vous avez le droit d’interrompre le soignant pour lui dire que vous n’avez pas compris, ou pour demander un schéma, ou encore pour reposer une question si la réponse ne vous a pas satisfaite.
Restez proactive
Si, en sortant du rendez-vous, tout ne vous semble pas clair ou que de nouvelles questions surgissent, n’hésitez pas à demander une autre consultation, ou s’il est possible d’écrire un mail. Vous pouvez aussi vous tourner vers les infirmières. Elles connaissent votre pathologie, vos traitements et savent quels effets secondaires vous êtes susceptibles de subir. Elles sont en général de bon conseil pour les gérer au mieux. Et, si elles ont un doute, elles interrogeront votre oncologue ! Pensez aussi aux groupes de parole ou aux patientes partenaires. Échanger avec des pairs peut vous apporter de précieux éléments de réponse.
Venez accompagnée
C’est mieux. D’abord pour vous sentir soutenue et plus forte dans le combat contre la maladie. Ensuite, parce que cet allié vous aidera à ne pas perdre d’information importante au cours de l’échange. En effet, sidérés par une annonce, stressés ou fatigués par les traitements, les patients retiennent moins de la moitié des informations données au cours de la consultation, en particulier lorsqu’elles concernent le protocole de soins. « Personnellement, je ne retenais que ce qui me faisait peur ou ce que je voulais bien entendre », se souvient Sabine Dutheil. Prenez un temps pour préparer cette consultation avec la personne qui va y aller avec vous. Pour bien remplir sa mission, il faut que cette dernière ait pleinement conscience de son rôle, et qu’elle soit au fait des questions qui vous trottent dans la tête. Peut-être qu’elle aussi aura des interrogations. Le jour J, elle veillera à ce que vos préoccupations soient abordées et elle pourra demander au médecin de reformuler les réponses trop techniques, prendre des notes, ou même enregistrer la conversation sur son smartphone si le médecin l’accepte. Tous vos proches ne seront pas en mesure de faire face à une maladie grave ou d’en suivre les explications médicales. Il est donc essentiel de choisir la bonne personne.
Soyez précise et transparente
Lors de la première rencontre avec votre oncologue, vous retracerez ensemble votre parcours et vos symptômes. Aussi, pensez à lui apporter tous les comptes rendus d’examens, les courriers de médecin et les ordonnances, classés au préalable par ordre chronologique.
Au cours de la conversation, précisez-lui s’il y a dans votre famille des antécédents de cancer. N’oubliez pas d’indiquer vos éventuelles autres maladies passées ou actuelles, ainsi que vos traitements. Mais aussi les compléments alimentaires que vous prenez, car certains sont contre-indiqués avec la prise d’anticancéreux. Si vous souffrez d’allergies, notamment médicamenteuses, il est également important de le signaler.
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Des troubles ou des douleurs au cours du parcours de soins ? Tous les effets secondaires méritent d’être rapportés. Ne les minimisez pas en pensant qu’ils sont normaux ou qu’il n’y a rien à faire pour les atténuer. « Vous êtes la seule à ressentir les effets de la maladie et des traitements. Il n’y a donc que vous qui puissiez expliquer au médecin votre ressenti et vos symptômes. Lui ne pourra pas les deviner », insiste Sabine Dutheil. Leur prise en charge sera d’autant plus efficace que vous serez précise. Par exemple, si vous ressentez des douleurs, indiquez la localisation de celles-ci, leur type (brûlure, crampe, semblable à des décharges électriques), car celui-ci désigne une douleur et un traitement spécifiques.
De même, tentez d’expliciter le plus précisément possible l’apparition des nausées : surviennent-elles pendant la chimio ou quelques jours après la séance ? Résistent-elles aux médicaments antiémétiques ? etc. « J’avais mis en place un tableau récapitulant leur moment d’apparition, leur intensité et leur récurrence. Cela avait été très utile à mon oncologue, qui avait décidé de remplacer un des médicaments de ma chimiothérapie par un autre », rapporte Laetitia Lorniac.
Osez parler de vous !
Lorsque le cancer de Laëtitia Lorniac a été diagnostiqué, elle avait 29 ans et venait de se marier. « À l’époque, avoir des enfants était très important pour moi. Alors, dès que je voyais un médecin, je parlais de mon désir de grossesse. Je voulais m’assurer que tous le prenaient en compte. » Parler de vous est très important. Il est nécessaire que les praticiens vous connaissent pour vous soigner. « J’ai besoin de savoir si la personne est en couple, avec des enfants, si elle travaille et souhaite continuer son activité durant les traitements… explique le Dr Nasrine Callet. Veut-elle tout savoir dans les moindres détails, ou avancer pas à pas ? Tout cela me permet d’adapter mon discours et, quand cela est possible, les traitements. » Vous pouvez également confier à votre oncologue vos difficultés, qu’elles soient d’ordre personnel, administratif ou financier. Il vous aidera à identifier les personnes-ressources au sein de l’établissement de santé capables de vous épauler (psychologue, assistante sociale… ). Le courant ne passe pas avec votre oncologue ? Vous avez le droit d’en changer, ou de demander l’avis d’autres spécialistes, sans vous justifier… ni culpabiliser !
CLIC’CONSULT, KÉSAKO ?
Cette plateforme numérique a été lancée par Unicancer en 2021. Sept jours avant leur consultation, les patients sont invités à s’y connecter pour répondre à un questionnaire. Les données sont ensuite communiquées à leur médecin. Ils y trouvent aussi des informations pour les aider à mieux gérer les traitements et leurs effets secondaires entre deux consultations. Actuellement en service dans cinq centres de lutte contre le cancer (CLCC), Clic’Consult a vocation à être déployé dans tous les CLCC.
1. Laëtitia Lorniac partage ses conseils sur son blog Chimio-pratique et dans son livre Mieux vivre le cancer : la Bible.
Retrouvez cet article dans Rose Magasine (Numéro 24, p.82)