Dans la famille, le karaté, c’est entre filles ! Un sport que j’ai découvert grâce à mon ainée. En la regardant faire, du haut de ses sept ans, avec mon œil d’ancienne danseuse, j’ai rapidement été séduite par le côté esthétique de la pratique. Alors, je me suis lancée. Ma deuxième fille a suivi. Si je m’y suis mise sur le tard, nous sommes toutes les trois à fond. Je suis d’ailleurs en train de passer mon professorat pour encadrer des groupes, notamment les enfants. Plus qu’une structure, le club de karaté est devenu un lieu de vie, une tribu, ma tribu. Nous y avons rencontré de vrais amis avec qui nous partageons plus que le karaté. Et cela n’a pas changé quand j’ai pris connaissance de mon cancer.
« J’ai décidé d’arrêter d’avoir peur »
C’était en 2022. À ce moment-là, je préparais le passage de la ceinture noire premier dan. Une sacrée étape, un sacré défi, dans la vie d’un karatéka. J’ai continué vers cet objectif, qui m’a sans doute portée. J’ai aussi été énormément soutenue par les membres de l’association. Je recevais des messages avant les chimios, ils me disaient qu’ils voulaient me revoir rapidement sur les tatamis. Cela m’a motivée, même si ce n’était pas facile tous les jours. Avec le cancer, mon karaté a légèrement évolué. La peur de me blesser m’a menée vers une pratique plus technique, plus précise. Jusqu’à ce que je décide d’arrêter d’avoir peur tout le temps.
Petit à petit, à force d’entraînement, après avoir réussi les six épreuves officielles, j’ai obtenu ma ceinture noire premier dan. Un soulagement, une fierté, une saveur particulière. J’en ai encore les larmes aux yeux quand j’y repense ! Plus qu’un sport, le karaté m’a attirée pour ses valeurs. Le respect, l’amitié, l’honneur, la zen attitude : j’aime dire que le karaté ne forme pas seulement des sportifs, mais aussi des êtres humains dans leur globalité. À travers les katas, ces enchaînements de figures imposées, on s’élève tout en s’ancrant davantage. La colère et les sentiments s’expriment sans avoir besoin de crier. C’est assez fort. D’ailleurs contrairement aux idées reçues, le rythme cardiaque peut monter très haut…et on transpire !
« On travaille l’équilibre du corps et de la tête »
En tant que kiné, je suis sensible et attentive aux bienfaits du karaté. J’en introduis des notions dans la rééducation de mes patients. À commencer par la base : le travail de l’équilibre. L’équilibre du corps et de la tête. Il y a aussi un gros travail de coordination. Depuis peu, grâce au hasard des rencontres, je pratique aussi l’escrime. Cette fois, dans une structure adaptée aux personnes touchées par un cancer. J’aime cette sororité et le fait de partager une activité avec des personnes qui ont traversé les mêmes moments. Sans m’en rendre compte, je travaille la mobilité de mon grand pectoral qui s’est affaibli après les séances de radiothérapie. En escrime, je pars de zéro, ça fait du bien. Très portée sur l’imaginaire, je me suis tout de suite projetée dans un de ces films de cape et d’épée dont je raffole !
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Retrouvez son témoignage dans Rose magazine n°26, p.36-45