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Cancers héréditaires et sélection d’embryon : que dit la loi ?

{{ config.mag.article.published }} 13 mai 2024

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Être porteur d’une mutation prédisposant au cancer, c’est vivre avec la peur de la transmettre à ses enfants. Le diagnostic pré-implantatoire (DPI), en permettant de sélectionner les embryons exempts du gène défaillant, permet d’écarter ce risque. Est-il ouvert à tous les cancers héréditaires ? Comment peut-on en bénéficier ? Le Dr Céline Moutou, Présidente de la Société Française de Diagnostic Préimplantatoire, nous aide à y voir plus clair.

Une personne porteuse d’une mutation prédisposant à un cancer peut-elle demander à bénéficier d’un DPI ?

Dr Céline Moutou : Oui, si elle respecte les critères définis par la loi de bioéthique dont la dernière révision date de 2021. A savoir : avoir une forte probabilité de transmettre à ses enfants une maladie génétique d’une particulière gravité, reconnue comme incurable au moment du diagnostic. La gravité et l’incurabilité sont évaluées par un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN)1. Il regarde pour cela un certain nombre de paramètres comme par exemple, l’âge de survenue du cancer, sa ou ses localisations, la possibilité de le diagnostiquer précocement ou d’avoir recours à des traitements prophylactiques, ou encore l’impact sur la qualité de vie.

CPDPN, késako ?

Un CPDPN est une structure habilitée à donner un avis sur une demande de DPI. Il travaille conjointement avec un centre de DPI (CDPI) auquel il adresse les dossiers qu’il a acceptés.

Cela ne concerne donc pas tous les cancers ?

Non, en effet. Dans un rapport rédigé à la demande de l’Agence de la Biomédecine et

de l’Institut National du Cancer, 4 groupes ont été définis, classés par ordre de gravité décroissante. Les groupes 1 et 2, par exemple, correspondent à des cancers héréditaires avec un risque très important de développer des tumeurs dans plusieurs organes, durant l’enfance ou à un jeune âge. Leur surveillance est difficile et leur prévention impliquerait des traitements mutilants. Pour ces cas, le DPI est en général accepté facilement.

Les cancers qui appartiennent à ces groupes sont principalement le syndrome de Li-Fraumeni, la neurofibromatose de type 2, le rétinoblastome, la maladie de von Hippel Lindau ou encore la polypose adénomateuse familiale.

Et en ce qui concerne les cancers liés aux mutations du gène BRCA ?

Ils appartiennent au groupe 3. Les cancers du sein et de l’ovaire liés aux mutations BRCA surviennent en effet plus tardivement. Par ailleurs, on peut mettre en place une surveillance pour les dépister précocement, avant qu’ils ne deviennent graves et incurables. On dispose aussi de traitements prophylactiques comme l’ablation des seins.

C’est également le cas pour les cancers du côlon liés au syndrome de Lynch.

Le DPI sera donc refusé pour ces cancers ?

Le recours à un DPI sera davantage discuté. Cela ne signifie pas pour autant qu’il sera systématiquement refusé. La décision se fera au cas par cas. Si dans une famille, les cas de cancer surviennent précocement et que le nombre de décès est important, on pourra envisager un DPI.

Vous avez mentionné qu’il existait 4 groupes. Qu’en est-il du 4ème ?

Il s’agit d’autres maladies héréditaires pour lesquelles le risque tumoral n’est pas au devant du tableau. On peut citer par exemple la sclérose tubéreuse de Bourneville qui entraîne notamment des excroissances au niveau du cerveau mais aussi des tumeurs dans le coeur, les reins ou les poumons. Dans ce cas, l’évaluation sera globale : elle prend en compte la gravité de la maladie et les risques de cancer qui y sont associés.

 

Concrètement, quelles démarches faut-il effectuer pour savoir si l’on peut bénéficier d’un DPI ?

ll faut d’abord prendre rendez-vous avec un généticien dans un hôpital. Cette consultation est indispensable avant toute demande de DPI car elle permet d’identifier l’anomalie génétique et de faire le point sur la pathologie et sur l’histoire familiale du couple. Ou de la femme seule. L’assistance médicale à la procréation (AMP) étant aujourd’hui accessible aux femmes seules. À cette occasion, le généticien peut présenter les alternatives possibles au DPI comme le recours au diagnostic prénatal, le don d’ovocytes et/ou de sperme ou l’accueil d’embryon.

Le couple devra également réaliser des examens de fertilité en vue de l’AMP : échographie, bilan de fertilité, spermogramme…

Et ensuite ?

Le généticien envoie le dossier à un centre de diagnostic préimplantatoire qui en fera une analyse préliminaire. Le CPI vérifiera par exemple qu’il est techniquement possible de mettre au point un test génétique pour détecter l’anomalie génétique chez l’embryon.

Le CDPI sollicitera ensuite son centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) qui évaluera si la demande respecte les critères légaux de gravité et d’incurabilité.

Si le CPDPN donne son accord pour le DPI, le couple, ou la femme seule, sera reçu dans un centre de DPI (voir encadré) par une équipe pluridisciplinaire, composée notamment d’un généticien, d’un gynécologue et d’un biologiste spécialiste de la fertilité. Le but de cet entretien est d’expliquer comment va se dérouler la procédure de DPI. Si la personne porteuse de l’anomalie est atteinte d’un cancer, son oncologue sera également sollicité afin de vérifier que l’état de santé de son patient et les traitements sont compatibles avec une AMP.

Quel est le délai entre la demande de DPI et la décision du centre ?

La procédure est assez longue : elle peut prendre entre 1 et 3 ans. Il faut donc commencer les démarches tôt s’il on a un projet de grossesse.

5 centres de DPI en France

À ce jour, 5 centres sont autorisés à réaliser un DPI :

– l’hôpital Couple Enfant du CHU de Grenoble,
– le CHU Arnaud de Villeneuve à Montpellier,
– l’hôpital Femme-Enfant-Adolescent à Nantes
– l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris
– les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg

Pour connaître les adresses et contacts de ces centres, consultez la brochure Le diagnostic préimplantatoire et vous de l’Agence de la biomédecine.

 


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Emilie Groyer

Rédactrice en chef du site web de Rose magazine. Titulaire d'un doctorat en biologie, Emilie a travaillé 10 ans dans le domaine des brevets en biotechnologie avant d'opérer une reconversion dans le journalisme. Elle intègre la rédaction de Rose magazine en 2018. Sa spécialité : vulgariser des sujets scientifiques pointus pour les rendre accessibles au plus grand nombre.

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