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Fabrice André : « Il faut une réelle volonté politique pour passer d’une médecine de masse à une médecine de précision »

{{ config.mag.article.published }} 21 février 2019

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Il y a quelques semaines, la HAS donnait un avis défavorable au remboursement des signatures génomiques dans les cancers du sein de stade précoce, allant ainsi à contresens des autres pays qui ont largement inclus ces tests dans leurs référentiels de soin. Une décision injustifiée qui montre un « grave retard de la France dans ce domaine » selon Fabrice André, oncologue spécialiste de la prise en charge des cancers par médecine personnalisée à Gustave Roussy. Entretien.

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Vous avez réagi sur Twitter suite à l’avis défavorable de la HAS au remboursement par l’assurance maladie des tests génomiques dans le cancer du sein1. Pourquoi avez-vous souhaité commenter cette décision ?

Parce que le groupe d’experts qui a participé au rapport de la HAS a conclu que ces tests n’ont pas de valeur. Or, ils ont prouvé leur utilité clinique, c’est-à-dire que leur utilisation conduit à réduire le recours à la chimiothérapie, avec le niveau de preuve le plus élevé en médecine.

Comment sont-ils arrivés à une telle conclusion selon vous ?

Ma seule explication est que les experts du rapport avaient de toute évidence une croyance : celle que les tests anatomo-pathologiques [tests utilisés traditionnellement pour caractériser les tumeurs qui prennent en compte différents critères comme l’âge de la patiente, la taille et l’agressivité de la tumeur, l’envahissement ganglionnaire…, NDLR] sont le summum de la médecine de précision. Ils n’ont pas mis cette croyance à l’épreuve de la réalité scientifique : malgré les études, ils continuent de nier que des tests différents apportent un réel bénéfice aux patients.

Quel bénéfice apporteraient l’utilisation des tests génomiques ?

Aujourd’hui, la décision d’avoir recours à une chimiothérapie repose sur des critères anatomopathologiques. Or, les études ont montré qu’il existe une grande disparité dans leur interprétation en fonction des hôpitaux3. Les tests génomiques sont, quant à eux, semi-centralisés puisqu’ils sont réalisés dans des laboratoires de référence. Tous les patients ont donc le même. C’est le meilleur moyen de lutter contre les inégalités.

La ligne directrice du dernier plan cancer est justement la réduction des inégalités d’accès au soin. Décider de ne pas rembourser les tests génomiques est donc totalement incohérent avec les lignes directrices du plan cancer.

Les tests génomiques sont-ils un cas isolé ?

Non, il y a un problème général en France avec les tests biologiques. On l’a vu aussi avec les tests de déficience en DPD dans le cas des toxicités au 5-FU (voir notre dossier « Chimiothérapies à base de 5-FU »). Aujourd’hui, la France n’a pas de procédure simple et rapide pour rembourser les tests biologiques.

Les tests biologiques sont pourtant pris en charge dans le cadre du RIHN4 ?

Oui mais ce dispositif n’est pas pérenne et surtout le niveau de remboursement n’est pas à la hauteur. Il s’agit d’une enveloppe temporaire pour le soutien à l’innovation. Et ce n’est pas seulement problématique pour les hôpitaux. Quand on décide de ne pas rembourser des tests biologiques, on envoie un signal négatif aux investisseurs. Ça ne les incite pas à développer des compagnies de biotechnologies dans ce domaine en France. Or, la médecine de précision a besoin d’investissements privés pour faire de la recherche et du développement de nouveaux biomarqueurs prédictifs, de façon à arrêter l’escalade de traitements chers et de faible bénéfice pour les patients.

Que faudrait-il faire pour que cela change ?

Il faudrait une réelle volonté politique de passer d’une médecine de masse, où on donne de la chimiothérapie à tout le monde, à une médecine de précision.

Emilie Groyer

2. Technique de coloration des tissus qui permet en oncologie de caractériser les tumeurs

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Emilie Groyer

Rédactrice en chef du site web de Rose magazine. Titulaire d'un doctorat en biologie, Emilie a travaillé 10 ans dans le domaine des brevets en biotechnologie avant d'opérer une reconversion dans le journalisme. Elle intègre la rédaction de Rose magazine en 2018. Sa spécialité : vulgariser des sujets scientifiques pointus pour les rendre accessibles au plus grand nombre.

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