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Les Randonneuses : la série qui bouscule les clichés sur le cancer

{{ config.mag.article.published }} 15 mai 2023

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Copyright: © C. G. JERUSALMI / HABANITA FEDERATION ENTERTAINMENT/TF1 Photographe: CYRILLE GEORGE JERUSALMI

Sur TF1, lundi 15 mai, démarre l’épopée des Randonneuses, soit six femmes touchées par un cancer qui partent à l’assaut d’un sommet afin d’y disperser les cendres d’une amie commune. Une comédie dramatique qui ose, touche et éclaire comme rarement sur l’expérience sensible de la maladie. Rencontre avec deux des actrices, Alix Poisson et Camille Chamoux, qui nous dévoilent les coulisses de cette folle aventure.

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Sara (Alix Poisson), Noémie (Clémentine Célarié), Patty (Camille Chamoux), Karen (Joséphine de Meaux), Morgan (Thiphaine Daviot) et Valérie (Claire Borotra) se sont donné rendez-vous à la gare. Dans le wagon, Karen décide de réorganiser les places pour que toutes puissent être assises ensemble. L’un des voyageurs se montre réticent à bouger, elle le supplie : « Allez, soyez sympa, elles ont un cancer » et de rajouter face à la moue réprobatrice des filles : « Ben quoi ? Faut ben que ça serve à quelque chose ! ». Dès la première minute, le ton est donné. Cette série sur six femmes touchées par le cancer a choisi de ne surtout pas faire l’impasse sur l’humour. Le train les emmène en Savoie où elles retrouvent leur guide, Tom (Lucien Jean-Baptiste), qui ignore ce qui les unit. Face à la maladie, chacune réagit à sa manière, mais elles sont toutes là, solidaires et volontaires, pour déposer au sommet de la montagne les cendres d’Ève (Elsa Lunghini). Toutes ont un lien particulier avec cette femme. Chaque épisode s’attache en particulier à l’une des six héroïnes. Ça secoue, c’est subtil, drôle, émouvant, et en plus d’une jolie écriture et de la réalisation délicate, l’interprétation est d’une infinie justesse. On vous emmène dans les coulisses cette folle aventure, guidés par Camille Chamoux et Alix Poisson…

Qu’avez-vous pensé en découvrant le scénario ?

Camille Chamoux : J’ai immédiatement aimé le propos et la couleur. C’était affectif, pas marketing, ni cliché ou théorique. Je me suis aussi dit que c’était une chance de travailler pour une chaine qui a parfois tendance à schématiser un peu, mais qui là prend le risque d’aller sur un sujet hyper profond avec une écriture sensible, et beaucoup d’humour.

Alix Poisson : C’est une série chorale où tous les personnages sont hyper bien écrits, complexes, riches de plein de choses. C’est suffisamment rare pour le préciser. J’ai tout de suite compris à la lecture, que c’était quelque chose qu’on n’avait pas encore vu à la télévision. On le doit à Fanny Riedberger (créatrice, productrice et auteure de la série, ndlr). Je la connaissais et je savais qu’elle ne ferait aucun compromis par rapport au script de départ.

Comment s’est faite la rencontre avec vos personnages ?

Camille Chamoux : Au départ, j’ai été contactée par Fanny Riedberger qui pensait me confier le rôle de Karen, joué par Joséphine De Meaux. Mais finalement, Fanny m’a dit qu’elle me visualisait davantage dans le rôle de Patty. J’étais hyper contente aussi ! J’aimais ce mélange de femme à la fois extravertie et secrète. En fait, je l’ai construite comme si elle était devenue extravertie avec la maladie, comme si, d’une certaine manière ça l’avait libérée et qu’elle pouvait enfin être qui elle est.

Alix Poisson dans le rôle de Sara
Alix Poisson dans le rôle de Sara.

Alix Poisson : J’aurais pu jouer avec le même plaisir l’une ou l’autre de ces femmes. Ce qui m’a intéressée chez Sara c’est qu’au premier épisode, on découvre quelqu’un de très abimé, physiquement et psychologiquement, et au fur et à mesure on la voit se reconnecter à elle-même, à son corps. Gravir la montagne, avec ces cinq autres femmes, lui permet de voir tout d’un coup, les choses autrement et de se retrouver. Cette évolution c’était vraiment super à jouer.

Comment arriver à jouer juste une femme qui vit le cancer ?

A.P. : Ce qui m’importe quand je construis un personnage c’est de l’incarner avec sincérité. Sara vit un bouleversement dans sa vie privée. Elle arrive à un moment de sa vie où elle est dans une forme d’urgence. On peut la trouver dure et autoritaire mais elle est dans le combat, et tout ce qui pourrait venir parasiter ce combat, elle le met de côté.

C.C. : Quant à Patty, elle est urgentiste, lesbienne et malade. Être lesbienne n’est pas le sujet. Être malade non plus. Le sujet c’est le deuil. C’est quelque chose d’universel. Je l’ai beaucoup bossée pour être sincère dans l’incarnation. Je me suis dit « Patty, c’est moi ». Même son outrance est un trait de caractère proche de ce que je suis. Dans la vie, on donne parfois l’impression d’en faire trop. C’est sans doute une façon de sortir de l’invisibilité. Ca me parle et c’est ce chemin que j’ai voulu qu’elle emprunte. J’ai pris le temps de me l’approprier, de digérer ses couches et ses sous-couches. J’ai aussi travaillé pour ne pas « jouer » la souffrance. Je ne suis pas allée chercher les émotions, mais je les ai contrariées pour qu’elles sortent naturellement. Il m’a semblé important que Patty soit digne, qu’elle ait de la tenue, qu’elle reste sexy, joyeuse et offensive.

« J’ai pris une claque quand je me suis vue sans cheveux. Un truc très violent, et d’un coup, un substrat jaillit du visage : un sourire, les yeux… » Camille Chamoux

Quelle place tient l’humour dans la série?

C.C. : Nicole, ma belle-mère se bat depuis des années contre un cancer. C’est elle, la première, qui m’a parlé de copines de chimio. Quand l’une de ses amies est morte l’an dernier, elle a balancé une vanne hyper trash mais que j’ai trouvée géniale. Elle m’a dit : « tu vois le problème avec ces amitiés, c’est qu’elles ne durent pas longtemps ». C’est le genre de blague qu’elles faisaient beaucoup toutes les deux. Au début, j’étais glacée quand je les entendais, maintenant on en rit ensemble. J’ai compris que la fin de l’humour, c’est la fin de l’envie de vivre.

A.P. : C’est tellement bien amené dans la série. Chacune de nous six le brandit différemment. Parfois c’est trash, à d’autres moments c’est de la provocation, c’est aussi de l’élégance ou un paratonnerre. Mon personnage, Sara, a de l’humour, mais elle en est empêchée. La blessure est à vif. Mais au fur et à mesure, elle créé l’espace pour le faire revenir dans sa vie.

Votre perception de la maladie a-t-elle évoluée avec ce tournage?

C.C. : Oui, j’ai évolué. Avant j’avais un rapport emphatique, victimisant qui pouvait exaspérer ma belle-mère, Nicole. Ça m’a beaucoup aidée de parler avec elle. J’ai pu incarner Patty non pas comme une femme malade mais une femme touchée par la maladie.

Camille Chamoux dans le rôle de Patty dans le film Les randonneuses
Camille Camoux dans le rôle de Patty.

A.P. : La réflexion qui m’est venue, c’est que le sujet est encore tabou et qu’il fallait que ça change, qu’on cesse d’avoir peur de cette maladie, qu’on parte du principe qu’on va gagner le combat avant de penser à la mort. Ce genre de projet peut faire bouger les lignes, modifier les regards. Je me suis aussi rendu compte à quel point l’accompagnement est primordial. D’ailleurs, en abordant le sujet autour de moi, je me suis aperçue que les plus présents ne sont pas forcément ceux qu’on attendait.

Quelle scène vous a particulièrement marquée ?

A.P. : J’ai deux scènes où on voit la cicatrice sur ma poitrine. Quand on me l’a posée, ça m’a fait un choc. J’ai demandé si ça ressemblait vraiment à ça, on m’a dit oui. On m’a aussi dit que ça faisait mal, que c’était comme une amputation de sa féminité. On m’a expliqué qu’il fallait s’en occuper tous les jours, masser la cicatrice… Je n’avais pas mesuré tout ce que ça impliquait. C’est costaud à traverser. C’est pour cela que la qualité de l’accompagnement compte.

C.C. : Pour ma part, j’ai pris une claque quand je me suis vue sans cheveux. On se projette immédiatement. C’est ce qu’il y a de plus fort. Il y a un dépouillement qui passe par un truc très violent et tout d’un coup, un substrat jaillit du visage : un sourire, les yeux… Et puis quelque chose d’autre prend alors le relais. Une forme de combativité nait de cette image.

Clémentine Célarié a publiquement, et dans nos colonnes, évoqué le cancer qu’elle a combattu. Avez-vous échangé ensemble sur son expérience ?

A.P. : Je ne me serais pas permise d’aller la voir pour lui en parler mais elle l’a fait spontanément, librement. C’était très émouvant. Elle a surtout partagé sa bonne humeur et nous a transmis de la force.

C.C. : On a parlé, on a écouté, avec pudeur. C’est une femme extraordinaire doublée d’une actrice merveilleuse. Elle a mené beaucoup de combats dans sa vie, mais je ne la vois pas comme une militante, plutôt comme une femme de convictions, inébranlable, et droite dans ses bottes.

Quand une tuile vous tombe dessus, vous êtes plutôt pessimiste, genre « noir c’est noir », ou optimiste, en mode « je vais gérer » ?

C.C. : Je suis très combative et optimiste. J’ai un truc un peu farouche, radical comme si je n’avais pas de temps à consacrer à l’apitoiement. L’une des conséquences c’est que j’ai du mal à être douce.

A.P. : Quand c’est une petite tuile, je peux être over dramatique. Je peux, par exemple, partir dans un monologue de trois heures si j’ai perdu mes clés ! En revanche, s’il s’agit d’une vraie grosse tuile, je me mets en mode “warrior“. Je relativise beaucoup. Ça me rappelle Clémentine Célarié, quand elle a appris de quoi elle souffrait, la première chose qui lui est venue à l’esprit, c’est « la mort n’est pas une option, pas maintenant, donc on y va, on se bagarre ».

« L’humour est tellement bien amené. Parfois c’est trash, à d’autres moments c’est de la provocation, c’est aussi de l’élégance ou un paratonnerre… » Alix Poisson

Quels souvenirs gardez-vous du tournage?

C.C. : On a vécu des moments hilarants. J’ai ressenti un sentiment de puissance quand on était toutes les six. La connexion a été folle et instantanée, sans doute parce que ce tournage, en montagne, était inconfortable. Ça nous a soudées. Frédéric Berthe, qui a réalisé la série, nous a peu dirigées parce que l’alchimie était là, comme un lien inconscient entre nous. Il nous a dit qu’il ressentait de la fierté à faire cette série, que c’était un cadeau de pouvoir rentrer dans la tête de ces femmes.

A.P. : Il y a eu des instants inoubliables. Je pense notamment au début du tournage. On a commencé par tourner les scènes de la fin. On était à 3500 mètres d’altitude, on respirait mal, certaines avaient des nausées, des maux de crâne… Arrivées tout là-haut, face à l’immensité de la nature et après avoir bravé une tempête de neige, on a toutes fondu en larmes. On a été happé par quelque chose qui nous dépassait, par la beauté du paysage aussi. C’est une chance inouïe d’avoir vécu ça ensemble au même moment. Faut en profiter quand quelque chose comme ça s’offre à vous.

 

INFO +

Suivez Les randonneuses sur TF1 les lundis 15, 22 et 29 mai, à 21h10.
Avec : Clémentine Célarié, Alix Poisson, Camille Chamoux, Joséphine de Meaux, Thiphaine Daviot, Claire Borotra…

 


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Sandra Karas

Journaliste

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