Le sport promu grande cause nationale, et en pleine année olympique, on espérait une reconnaissance effective de l’activité physique adaptée (APA), avec inscription de sa prise en charge, au moins pour les malades de cancer et les diabétiques, au budget de la Sécurité sociale 2024. La Caisse nationale d’assurance maladie elle-même s’était dite favorable à cette avancée, à l’été 2023. Le gouvernement avait déposé un amendement en ce sens. Mais il l’a finalement retiré avant le vote. Le « sport sur ordonnance » n’est donc toujours pas remboursé, alors qu’il fait mieux que beaucoup de médicaments qui, eux, le sont !
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Un bénéfice démontré
Les études concordent : l’activité physique, pour les personnes atteintes de cancer, diminue la fatigue liée aux traitements anti- cancéreux et augmente leur acceptabilité. Elle se révèle aussi un facteur majeur de lutte contre la récidive. Dans le cancer du sein, par exemple, elle réduit son risque de 30 à 40 % ! Même une pratique légère à modérée (à la limite de l’essoufflement et de la transpiration), et accompagnée de manière que les mouvements et leur intensité soient adaptés à la personne, a démontré ses bienfaits.
Faute d’une politique à l’échelle nationale, l’accès à l’APA demeure par ailleurs inégal. Elle est proposée gratuitement dans certains centres de cancérologie et hôpitaux grâce à l’action d’associations comme la Cami ou Siel bleu. Une trentaine de villes en France ont aussi développé l’accès gratuit au sport-santé, comme Strasbourg. Tout malade a droit gratuitement, sur prescription médicale, à un bilan physique et à 12 séances d’activité physique adaptée. La caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin les cofinance depuis deux ans. Mais toutes les caisses ne le font pas.
Une perte de chance inacceptable
Lors de son premier mandat, Emmanuel Macron avait décidé de créer plus de 500 maisons sport-santé. Mais leur existence dépendait d’aides du ministère des Sports – une enveloppe globale de 4 millions d’euros –, et largement de décisions locales. Si l’agence régionale de santé (ARS) du Grand-Est exerce une politique très volontariste en la matière, ce n’est pas le cas de toutes. Prestations et prises en charge ne sont donc pas les mêmes sur l’ensemble du territoire.
Qu’un malade de cancer n’ait pas accès à un tel programme de prévention de la récidive représente une perte de chance pour lui. C’est déontologiquement inacceptable. Imagine-t-on ne pas avoir droit à une chimiothérapie ou à une hormonothérapie à Brest alors qu’elle serait prise en charge à Strasbourg ? Ça ferait scandale !
Fin décembre 2023, les ministres de la Santé et des Sports ont annoncé de nouvelles mesures en faveur des maisons sport-santé, notamment un soutien financier, pour la première fois conjoint, d’un montant de 12 millions d’euros… à répartir entre plus de 500 sites. Symboliquement déjà, c’est important. Désormais, nous attendons de voir ce que va faire Catherine Vautrin, nouvelle ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, sur ce sujet !
PIONNIER DU SPORT-SANTÉ
Le Dr Alexandre Feltz est médecin généraliste et maire adjoint en charge de la santé à Strasbourg. Pionnier du sport-santé, il est à l’origine de sa création, en 2012. Président de la maison sport-santé de Strasbourg et coordinateur du réseau Villes-Santé, il milite activement depuis onze ans pour la reconnaissance et le remboursement de l’APA sur ordonnance.
Dr Alexandre Feltz
Propos recueillis par Claudine Proust
Retrouvez cet article dans Rose magazine n°26.