Face à un cancer du sein hormonodépendant métastatique, l’objectif premier est de ralentir sa progression en coupant son principal carburant : les œstrogènes. Parce qu’ils bloquent la production de ces hormones par le corps, les hormonothérapies par anti-aromatases1 sont le traitement de référence.
La mutation ESR1, responsable de la résistance aux anti-aromatases
Leur efficacité est toutefois temporaire. « La moitié des patientes verront leur cancer réévoluer au bout de 2 ans » explique le Pr François-Clément Bidard, oncologue médical à l’Institut Curie. L’une des causes de cette résistance au traitement est l’apparition d’une mutation dans le récepteur aux oestrogènes de la tumeur : ESR1. Grâce à cette mutation, ses récepteurs sont constamment activés et la tumeur reçoit en permanence le signal de proliférer, même en l’absence d’hormones.
Les dégradeurs de récepteurs aux oestrogènes
Pour contourner ce problème, il faut alors se tourner vers une autre classe d’hormonothérapie : les dégradeurs de récepteurs aux oestrogènes (ERD). Plutôt que d’agir sur la production d’hormones, ces hormonothérapies (reconnaissables à leur nom se terminant par -strant) vont tout simplement détruire les récepteurs aux oestrogènes présents à la surface des cellules cancéreuses, les empêchant ainsi de proliférer.
« Nous avons déjà accès à un dégradeur de récepteurs aux oestrogènes en France, le fulvestrant, mais son efficacité est limitée » précise le Pr Bidard. Cette année au congrès de l’ASCO, ce traitement a été comparé à un autre ERD, le vepdegestrant, dans l’étude VERITAC-2. « Il s’agit d’une nouvelle génération de dégradeur de récepteurs aux oestrogènes, les PROTAC » complète l’oncologue. Administré au moment de la rechute, le vepdegestrant a permis de retarder de 3 mois la progression du cancer par rapport au fulvestrant.
Intercepter la résistance grâce à la biopsie liquide
Ne pourrait-on pas obtenir de meilleurs résultats si le ERD était administré dès que la tumeur devient résistante aux anti-aromatases, sans attendre d’avoir des signes cliniques montrant que la tumeur a repris sa croissance ? « C’était la démarche de l’étude académique française PADA-1 » confirme le Pr Bidard, pilote de l’étude.
Pour ce faire, les chercheurs ont recherché dans le sang des patientes la mutation ESR1, grâce à la biopsie liquide. Dès que celle-ci était détectée, le traitement par anti-aromatase était remplacé par un ERD (le fulvestrant). Publiés en 2022, les résultats ont montré le bénéfice de cette approche. « Il s’agissait d’une petite étude pour prouver le concept « d’interception » des résistances. Elle n’avait donc pas à l’époque conduit à un changement de pratique » ajoute l’oncologue.
Cette approche a été reprise, à plus grande échelle cette fois, dans l’étude Serena-6, également co-pilotée par le Pr Bidard. Avec succès : présentée cette année à l’ASCO, ses résultats ont montré que le camizestrant, un autre ERD, permet de retarder de 7 mois la progression de la maladie s’il est donné dès les premiers signes sanguins de résistance.
Ces traitements doivent maintenant obtenir une autorisation de mise sur le marché ou un accès précoce pour être mise à la disposition des patientes.
1. En combinaison à des inhibiteurs de CDK4/6 qui agissent sur un autre mécanisme pour bloquer la division de la cellule.