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Une étude pour évaluer le poids psychologique des essais cliniques

{{ config.mag.article.published }} 17 mai 2019

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Les essais cliniques représentent souvent un formidable espoir pour les patients en impasse thérapeutique. Malheureusement, nombre d’entre eux devront en sortir en raison d’une reprogression de la maladie ou d’effets indésirables du traitement. Une exclusion dont les impacts psychologiques vont enfin être évalués.

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Pile : la thérapie innovante. Face : le traitement standard. Ce « jeu » de hasard, tous les patients qui entrent dans un essai clinique y sont confrontés. Shumin en a fait l’expérience après la récidive de son cancer du sein triple négatif : « Mon oncologue m’a proposé d’intégrer une étude sur une nouvelle immunothérapie. J’étais tiraillée. J’avais l’impression que c’était ma dernière chance et en même temps, j’avais le sentiment d’être prise en otage. J’ai fini par accepter. » Il faut dire que les arguments de l’oncologue sont convaincants : « Il m’a dit qu’il s’agissait d’un essai de phase III. Le médicament avait donc déjà fait ses preuves. Et il m’a donné l’exemple d’une femme dont la tumeur avait fondu de manière spectaculaire. »

Une détresse psychologique

Les paroles du médecin avaient fait naître un espoir… vite anéanti. Shumin sera sortie de l’étude après 3 mois : sa tumeur avait grossi. Et elle n’est pas un cas isolé. En oncologie, la quasi totalité des patients inclus dans un essai clinique en sortiront à cause d’une reprogression de la maladie ou d’une toxicité du traitement.

 Shumin connaissait les risques. Mais cela n’enlève rien à son désarroi. «  On m’a laissé miroiter une chance de guérison et là, on me débarquait. J’avais l’impression d’avoir été utilisée, bernée. » Dernière lueur au bout du tunnel : l’espoir d’avoir reçu le placébo. « Je me disais que si l’immunothérapie était disponible dans un autre pays, il me restait une chance. » Mais la levée de l’anonymat ne peut se faire qu’une fois l’essai clinique clôturé… ce qui peut prendre plusieurs années. « J’étais en colère. L’oncologue m’avait dit que je pourrais savoir à ma sortie de l’étude, pas à la fin de l’essai. Et là, elle me disait que j’avais mal compris. Elle jouait sur les mots. C’était insupportable. »

Un personnel soignant désarmé

Une situation difficile à vivre aussi bien pour le malade que pour le personnel soignant. Surtout pour les infirmières, en première ligne. « Je me souviens d’une jeune mère de 2 enfants atteinte d’un cancer du sein très agressif. Elle avait déjà eu 9 lignes de chimiothérapie mais les traitements classiques ne fonctionnaient pas. Alors elle a été incluse dans l’essai clinique d’une nouvelle molécule. En 2 mois, sa tumeur a régressé. On était tous très contents et très optimistes pour la suite. Mais au bout de 4 mois, des nouvelles lésions sont apparues. On ne savait pas quoi faire, quoi dire et on n’avait pas d’autres traitements à lui proposer » explique Jessica Martinez, infirmière à l’Institut du cancer de Montpellier. Fatiguée d’être désemparée face à la détresse des malades, la soignante décide de faire bouger les lignes. Elle monte un programme d’accompagnement des patients inclus dans un essai clinique : l’étude VERTU.

Vers une meilleure prise en charge

La première étape de l’étude consistera à prouver scientifiquement ce que son expérience d’infirmière dans l’unité d’essais de phases précoces lui a montré : la souffrance psychologique des malades à leur sortie de l’étude. « Les patients qui entrent dans un essai clinique ont l’impression d’être privilégiés et mettent beaucoup d’espoir dans ces traitements qu’on leur dépeint souvent comme révolutionnaires. Alors quand la tentative échoue, ils sont désabusés. Beaucoup plus qu’après l’échec d’un traitement classique » explique l’infirmière. Pour ce faire, les patients devront remplir un questionnaire lors de leur inclusion et à leur sortie de l’étude pour évaluer leur qualité de vie, leur niveau de satisfaction vis-à-vis des soins et leur état d’anxiété.

« Si l’on parvient à démontrer que la détresse est réelle, nous réfléchirons dans un second temps à des protocoles pour améliorer la prise en charge des malades. Ca commencera certainement par une meilleure explication de ce qu’est un essai clinique. Les oncologues ont parfois tendance à insister sur le côté révolutionnaire du traitement testé en passant un peu sous silence les possibilités d’échecs. Peut-être faudrait-il aussi envisager une consultation infirmière spécifique. On peut enfin imaginer un suivi psychologique dès l’entrée dans l’essai. Jusqu’à présent, on fait appel aux oncopsychologues quand les patients en sortent mais c’est souvent trop tard, les malades sont en rejet total et refusent de se faire aider par des soignants qu’ils ne connaissent pas. »

L’étude n’en est qu’à ses débuts avec seulement 6 patients recrutés sur les 40 attendus mais l’initiative est déjà saluée par ses pairs et a reçu le Prix coup de cœur du jury Unicancer en 2018. Les premiers résultats sont attendus en 2021.

INFO +

Les acteurs de la recherche, en partenariat avec le ministère de la Santé, ont développé un site internet consacré aux essais cliniques. À quoi correspondent les différentes phases ? Que se passe-t-il si le traitement n’est pas efficace ? Où trouver l’essai adapté à sa pathologie ? Le site « Notre recherche clinique » anticipe toutes les questions qu’on pourrait se poser et y répond de façon claire.


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Emilie Groyer

Rédactrice en chef du site web de Rose magazine. Titulaire d'un doctorat en biologie, Emilie a travaillé 10 ans dans le domaine des brevets en biotechnologie avant d'opérer une reconversion dans le journalisme. Elle intègre la rédaction de Rose magazine en 2018. Sa spécialité : vulgariser des sujets scientifiques pointus pour les rendre accessibles au plus grand nombre.

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