L’histoire a de quoi séduire : un jeune adolescent, Heman Bekele, d’origine éthiopienne, arrivé à l’âge de 4 ans aux États-Unis, est passionné de science depuis qu’on lui a offert un coffret du petit chimiste pour Noël. De son pays de naissance, il se souvient les ouvriers qu’il voyait travailler en plein soleil, pendant des heures, sans protection.
Des années plus tard, il réalise le danger de cette exposition. Il réfléchit à une solution pour s’en protéger. Un objet usuel, que tout le monde pourrait s’approprier facilement. Euréka ! un savon ! C’est ainsi qu’il inventa un savon capable de prévenir, voire de guérir, le mélanome. Cette invention lui vaut de décrocher le prix Kid of the year du célèbre journal Time et d’en faire la couverture.
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Une bonne idée… qui reste une idée
Ça, c’est en résumé ce qu’a relayé la presse et les réseaux sociaux, emballés par cette solution simple et peu couteuse pour guérir un cancer qui, rappelons-le, cause près de 2 000 décès chaque année en France. Trop beau pour être vrai ? Évidemment.
Pour commencer, bien que Heman Bekele soit un enfant brillant, il n’a pas développé de savon anti-mélanome. En tout cas, pas encore. Il a « simplement » eu l’idée de changer la forme de l’imiquimod, une immunothérapie déjà indiquée pour le traitement de certains types de mélanome, et de la faire passer de l’état de crème (sa galénique actuelle) à l’état de pain de savon. Comment faire en sorte que le médicament ne soit pas éliminé au moment du rinçage et jeté avec l’eau du bain ? Là encore, l’ado a un éclair de génie : il faut l’associer à des nanoparticules lipidiques – donc hydrophobes, c’est-à-dire qui ne se mélangent pas à l’eau – qui resteront attachées à la peau.
Il fallait y penser, je vous l’accorde, mais toute bonne idée qu’elle soit, elle reste un concept.
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Un ado sur lequel on mise
Reste à le concrétiser. Il s’agit maintenant de démontrer qu’il est possible d’associer l’imiquimod avec ces nanoparticules, que celui-ci ne perd pas de son efficacité quand il est combiné à un savon, et bien évidemment, que se laver avec suffit à soigner des patients touchés par un mélanome.
Pour ce faire, le jeune chimiste a la chance d’être bien accompagné. En octobre dernier, Heman a attiré l’attention du laboratoire 3M et Discovery Education, une plateforme éducative, qui lui ont offert 25 000 dollars pour récompenser son esprit d’innovation. Une belle somme mais pas de quoi développer un médicament.
Une décennie à attendre
Puis, il fait la rencontre en février 2024 du Pr Vito Rebecca, biologiste à prestigieuse Université Johns Hopkins de Baltimore (Etats-Unis). La chercheuse le prend alors sous son aile et met son laboratoire à sa disposition.
Cela fait plus de 6 mois maintenant que le jeune prodige planche sur son invention avec son mentor. Mais la recherche prend du temps. De l’avis même de Heman, il pourrait bien se passer une décennie avant que son savon soit à la vente. N’en déplaise à ceux qui veulent faire le buzz…