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C’est quoi la vaccinothérapie ?
La vaccinothérapie est le fait de traiter un cancer existant avec un vaccin. Il ne faut pas la confondre avec la vaccination préventive dont le but est d’éviter que la maladie ne se développe. C’est le cas par exemple des vaccins contre le HPV (papillomavirus) qui préviennent les cancers liés à ce virus, comme celui du col de l’utérus.
Bien que son principe soit connu depuis le XVIIIe siècle, la vaccinothérapie n’est entrée en cancérologie que dans les années 1990. Elle fait aujourd’hui partie des immunothérapies : ces nouveaux traitements qui visent à stimuler l’organisme pour qu’il lutte par lui-même contre le cancer.
Les vaccins contre le cancer, comment ça marche ?
La vaccination repose sur le fait que toutes les cellules de notre organisme présentent à leur surface des fragments des macromolécules qui la composent, notamment de protéines. Ces fragments sont appelés antigènes. C’est un peu la carte d’identité de la cellule : ils donnent un aperçu de ce qui se trouve à l’intérieur.
Notre système immunitaire a été éduqué pour vérifier ces cartes d’identité et détruire toute cellule présentant un document falsifié. C’est par exemple le cas des cellules infectées par un virus, ou dont l’ADN a été altéré par des mutations, comme celui des cellules cancéreuses.
Le vaccin va apprendre au système immunitaire à identifier certains antigènes pour détruire toutes les cellules qui l’afficheraient à sa surface. Un peu à la manière d’un limier, que l’on dresserait pour reconnaître une odeur et qui s’élancerait à la poursuite de celui qui la porte.
Comment choisit-on l’antigène à mettre dans les vaccins contre le cancer ?
C’est tout l’enjeu des vaccins.
Les tumeurs expriment des centaines d’antigènes. Le premier a avoir été découvert est MAGE-1 (melanoma-associated antigen 1) dans le mélanome.
Certains antigènes sont surexprimés par les cellules tumorales mais se retrouvent également à la surface des cellules saines. Le système immunitaire va peu réagir à ces cibles car il a été éduqué pour ne pas s’attaquer aux cellules de l’organisme. Pour reprendre la métaphore canine : un chien ne s’attaquera pas à une personne qui se sera aspergée du parfum de son maître, même s’il s’agit d’un assaillant.
D’autres cibles sont spécifiques des tumeurs. C’est le cas des antigènes viraux affichés à la surface des tumeurs causées par un virus (le cancer du col de l’utérus provoqué par le Human Papilloma Virus par exemple). C’est également le cas des “néoantigènes” qui sont produits par la tumeur à la suite de mutations. Ces cibles étant étrangères à l’organisme, elles vont provoquer une réaction immunitaire plus importante.
Le choix de l’antigène est crucial, mais la façon dont il est présenté l’est tout autant. Un chien reniflera mieux une odeur imprégnée dans un tissu plutôt que vaporisée dans l’air. Il en va de même pour le système immunitaire.
Comment l’antigène est-il présenté à notre système immunitaire ?
Plusieurs stratégies existent.
L’antigène peut être « vectorisé », c’est-à-dire qu’il est transporté dans le corps grâce à un véhicule.
Il peut s’agir d’un virus, préalablement rendu inoffensif, que l’on aura modifié génétiquement pour qu’il exprime des antigènes tumoraux à sa surface. Comme le système immunitaire est naturellement éduqué pour reconnaître les virus, la réponse sera importante. C’est l’approche choisie par le laboratoire français Transgene. Le revers de la médaille est qu’elle sera dirigée non seulement contre la tumeur mais aussi contre le virus thérapeutique, ce qui oblige à réaliser de multiples injections et à changer de virus.
Une alternative consiste à utiliser des cellules dont la spécialité est de présenter l’antigène à notre système immunitaire : les cellules dendritiques. Ces cellules sont prélevées chez le patient, puis manipulées en laboratoire pour leur faire présenter des antigènes tumoraux, avant d’être réinjectées. Cette approche a fait ses preuves dans le cancer de la prostate. Un vaccin a d’ailleurs été approuvé par la Food Drug Administration aux États-Unis. La technique reste toutefois complexe et coûteuse. Elle est donc très peu utilisée.
Les antigènes peuvent aussi être encodés par de l’ARN. Quand celui-ci est injecté dans nos muscles, les cellules dendritiques qui s’y trouvent vont l’internaliser et présenter à leur surface l’antigène codé par l’ARN. Depuis la pandémie de Covid-19, cette stratégie est largement développée par les laboratoires Moderna et BioNTech.
Les vaccins contre le cancer sont-ils efficaces ?
Les essais cliniques en cours sont plutôt encourageants. La vaccinothérapie se heurte toutefois à certains freins.
Les cellules tumorales, à force de muter, ont développé des mécanismes qui leur permet d’“endormir” notre système immunitaire.
Pour pallier ce problème, l’une des solutions est de la combiner à d’autres traitements comme les inhibiteurs de checkpoint. Cette immunothérapie permet justement de lever le blocage exercé par les cellules cancéreuses sur notre système immunitaire. Actuellement, des essais cliniques testent cette combinaison notamment dans le mélanome, les cancers colorectaux, du pancréas, du poumon, de la prostate et du cancer du sein triple négatif.
L’autre solution est d’administrer précocement le vaccin, quand notre système immunitaire n’est pas encore « épuisé » par la tumeur. Cette approche présente un autre avantage. Lorsque la tumeur se développe, elle crée autour d’elle un microenvironnement qui la rend difficile d’accès pour notre système immunitaire. En agissant tôt, quand le tumeur est encore de taille réduite, on peut espérer que les cellules immunitaires, stimulées par le vaccin, puissent s’y infiltrer plus facilement pour la détruire.
EN BD : Pour comprendre comment la tumeur parvient à échapper à notre système immunitaire, lisez notre BD L’insaisissable gang des K.
Pourra-t-on un jour avoir un vaccin universel contre le cancer ?
C’est peu probable. Tous les cancers sont différents. Les antigènes qu’ils présentent le sont donc tout autant. Il serait très difficile de créer un vaccin unique qui les ciblerait tous.
Plutôt que de chercher des antigènes communs à tous les cancers, les laboratoires se tournent donc aujourd’hui vers une approche individualisée. L’idée est de cartographier les antigènes exprimés par la tumeur, de les comparer à ceux de cellules saines, et de créer un vaccin comprenant plusieurs antigènes spécifiques de la tumeur.
Ces vaccins « sur-mesure » seraient plus efficaces puisqu’adaptés à la tumeur du patient.
Cependant, le procédé de fabrication de ces vaccins individualisés prend actuellement plusieurs semaines, un délai incompatible avec la prise en charge des cancers agressifs.
En partenariat avec l’Institut national du Cancer