Sommaire
Cancers du sein HER2+ localisés : le enhertu remonte les lignes de traitement
Les traitements actuels
Actuellement, les cancers du sein HER2+ localisés sont traités par :
- de la chimiothérapie à base d’anthracyclines puis, une chimiothérapie à base de taxol associée au trastuzumab (traitement néoadjuvant), suivie
- d’une chirurgie.
Si le cancer n’a pas totalement disparu après ces traitements, on administrera du trastuzumab emtansine (T-DM1 ou Kadcyla®) après la chirurgie pour réduire le risque de récidive (traitement adjuvant). Le T-DM1 appartient à la famille des anticorps-drogue conjugués (ou ADC) : il s’agit d’un anticorps – ici, le trastuzumab – sur lequel est attaché de la chimiothérapie, afin de la délivrer directement au coeur de la tumeur.
Malgré ces traitements, le cancer récidivera chez environ 20% des patientes. Si des métastases se développent, un ADC pourra à nouveau être administré. Soit le T-DM1. Soit le trastuzumab déruxtécan ( T-DXd ou Enhertu®), un ADC similaire au T-DM1, qui a démontré sa supériorité par rapport au T-DM1 dans cette indication.
Pour résumer, les traitements actuels sont :
| Avant la chirurgie (traitement néoadjuvant) |
Chirurgie | Si maladie résiduelle (traitement adjuvant) |
Si métastases |
|---|---|---|---|
| Chimiothérapie à base d’anthracyclines
+ Chimiothérapie à base de taxol associée au trastuzumab |
Ablation de la tumeur | T-DM1 | T-DM1
ou T-DXd (Enhertu®) |
Le T-DXd plus efficace que le T-DM1 en adjuvant
« La question posée par l’étude DESTINY-Breast005, présentée cette année à l’ESMO, était la suivante : puisque le T-DXd est plus efficace que le T-DM1 en condition métastatique, ne pourrait-on pas également l’utiliser à la place du T-DM1, chez des femmes à qui il reste de la tumeur, après le traitement adjuvant et la chirurgie ? » explique le Pr Thomas Bachelot, oncologue au Centre Léon Bérard (Lyon) et investigateur de l’étude.
La réponse est clairement oui puisque le risque de récidive à été réduit de moitié avec le T-DXd en comparaison au T-DM1.
« Avec de tels résultats, on devrait pouvoir avoir accès assez rapidement au T-DXd pour toutes les patients d’ici un an » espère le Pr Bachelot.

Le T-DXd plus efficace que la chimiothérapie en néodjuvant
Logiquement, la question suivante, adressée par l’étude DESTINY-Breat11, était de savoir si le T-DXd ne pourrait pas être utilisé plus tôt, avant la chirurgie, pour limiter davantage le risque d’avoir une maladie résiduelle après la chirurgie, et par conséquence, le risque de récidive.
Là encore, la réponse est oui : le fait d’administrer du T-DXd en néoadjvant, à la place de la chimiothérapie à base d’anthracycline, permet d’augmenter le pourcentage de femmes en rémission complète après la chirurgie (67% v. 56%).
Concernant les effets indésirables, se passer de chimiothérapie à base d’anthracycline présente un autre avantage : « Cette chimiothérapie est surnommée le « red devil » – le diable rouge – en raison de sa couleur et de sa toxicité. Elle particulièrement toxique au niveau cardiaque et provoque des insuffisances à long terme » reconnaît l’oncologue.
Ces résultats ne devraient toutefois pas changer les pratiques dans l’immédiat : « Il va falloir attendre les résultats définitifs, en termes de contrôle de la rechute de la maladie à long terme » pondère le Pr Bachelot.
Pour résumer, les traitements futurs pourraient être :
| Avant la chirurgie (traitement néoadjuvant) |
Chirurgie | Si maladie résiduelle (traitement adjuvant) |
Si métastases |
|---|---|---|---|
T-DXd ? (à confirmer) + Chimiothérapie à base de taxol associée au trastuzumab |
Ablation de la tumeur | Si maladie résiduelle :
T-DXd |
T-DM1
ou T-DXd (Enhertu®) |
Cancers du sein triple négatifs métastatiques : des ADC dès l’apparition des premières métastases
Les traitements actuels
Lorsqu’un cancer du sein triple négatif devient – ou est diagnostiqué d’emblée – métastatique, 2 options thérapeutiques sont possibles :
- L’immunothérapie par anti-PDL1, le pembrolizumab, si la tumeur exprime le marqueur PDL1 ;
- La chimiothérapie si la tumeur n’exprime pas PDL1 (60% des cas).
Si le cancer progresse malgré ces traitements, on aura alors recours au sacituzumab govitecan (Trodelvy®), un ADC ciblant la protéine Trop-2 surexprimée à la surface des cellules tumorales triple négatives.
En résumé, les traitements actuels sont :
| 1ère ligne de traitement en condition métastatique |
2ème ligne de traitement en condition métastatique |
|---|---|
|
Trodelvy® |
Le Trodelvy® et le Datroway® efficaces dès la première ligne de traitement
Devant l’efficacité spectaculaire du Trodelvy, les oncologues se demandaient s’il ne faudrait pas administrer les ADC dès la première ligne de traitement, c’est-à-dire dès l’apparition des métastases.
Pour répondre à cette question, 2 études présentées cette année à l’ESMO se sont focalisées sur les patientes non éligibles à l’immunothérapie et leur ont proposé, à la place de la chimiothérapie standard, un ADC anti-Trop2. Dans l’étude ASCENT-03, l’ADC était le Trodelvy, dans l’étude TROPION-Breast02, le datopotamab deruxtecan (Datroway®).
Résultat : « Dans les 2 études, les ADC anti-Trop2 ont permis d’améliorer nettement le contrôle de la maladie en ralentissant sa progression » commente le Pr Bachelot. Les ADC pourraient donc être proposés prochainement dès la première ligne de traitement dans les cancers du sein triple négatifs métastatiques.
Pour résumer, les traitements futurs pourraient être :
| 1ère ligne de traitement en condition métastatique |
2ème ligne de traitement en condition métastatique |
|---|---|
|
Trodelvy® |
Cancer du poumon non à petites cellules : les anticorps bispécifiques, plus efficaces qu’une immunothérapie simple
Les traitements actuels
Les cancers du poumon non à petites cellules, la forme la plus répandue des cancers bronchiques, sont traités actuellement par de la chimiothérapie. Elle associée à une immunothérapie par anti-PD1, un anticorps capable de se fixer au marqueur tumoral PD1, rendant ainsi la cellule cancéreuse visible aux yeux du système immunitaire.
Deux cibles plutôt qu’une
Dans l’étude chinoise HARMONi-6, présentée cette année à l’ESMO, l’immunothérapie par anti-PD1 a été remplacée par l’ivonescimab un anticorps capable de se fixer non pas sur une, mais sur 2 cibles.
« Il s’agit d’une nouvelle classe de médicament : les anticorps bispécifiques. L’ivonescimab, en l’occurence, se fixe à la fois sur le PD1, comme une immunothérapie classique. Mais aussi sur le VEGF, un facteur de croissance qui permet à la tumeur de construire de nouveaux vaisseaux autour d’elle pour se nourrir et se développer« , explique le Pr Nicolas Girard, chef du département d’oncologie médicale de l’Institut Curie (Paris).

Les anticorps bispécifiques, efficaces aussi chez patients moins sensibles à l’immunothérapie
Résultat : la durée d’efficacité du traitement est doublée par rapport à une immunothérapie simple, uniquement dirigé contre le PD1. « Ce qui est intéressant, c’est que cet anticorps bispécifique est également efficace sur des tumeurs moins sensibles à l’immunothérapie simple, c’est-à-dire celles qui n’expriment pas le PD1 » complète le Pr Girard.
Cette étude chinoise est en train d’être répliquée au niveau européen, et notamment en France, pour démontrer que ces résultats sont transposables sur une population caucasienne.
Cancer du poumon à petites cellules : enfin des nouveaux traitements !
Les traitements actuels
Les cancers du poumon à petites cellules sont des formes de cancers bronchiques particulièrement agressifs que l’on prend actuellement en charge avec une combinaison de chimiothérapie et une immunothérapie par anticorps anti-PD1 qui vise à activer le système immunitaire.
Son efficacité est toutefois modeste. « Le problème c’est que les cancers du poumon à petites cellules sont des déserts immunitaires : il y a peu de cellules immunitaires qui parviennent à l’infiltrer » précise le Pr Girard.
Les anticorps bispécifiques, un nouvel espoir
L’idée de l’étude chinoise DeLLphi-303 a donc été d’ajouter aux traitements actuels un anticorps bispécifique, le tarlatamab (Imdelltra®).
« Cette fois, il s’agit d’un anticorps bispécifique qui va aller attraper les cellules cancéreuses en se fixant sur leur marqueur DLL3, et de l’autre côté, il va aller attraper les cellules du système immunitaire en se fixant sur leur marqueur CD3, explique le Pr Girard. En les rapprochant, on espère être plus efficace qu’une immunothérapie simple. »

Et ça marche : « Le tarlatamab a déjà montré son efficacité en 2ème ligne de traitement, là où habituellement l’impact des traitements est très limité. Dans cette étude, on montre qu’en l’ajoutant aux traitements actuels, il peut également améliorer les chances de survie dès la première ligne de traitement. »
Le cancer du poumon a petites cellules n’avait pas profité de l’avancée de nouveaux traitements depuis 25 ans.
Cancers de l’ovaire : des solutions en cas de résistance aux chimiothérapies au platine
Les traitements actuels
Le cancer de l’ovaire est traité classiquement grâce à des chimiothérapies à base de sels de platine. Lorsque ce traitement n’est plus efficace – on dit que le cancer devient « résistant au platine -, on associera une autre chimiothérapie, en général le paclitaxel, au bevacizumab. « Il s’agit d’un médicament qui bloque les vaisseaux sanguins et aide la chimiothérapie à marcher » explique le Dr Manuel Rodrigues, oncologue et chercheur à l’Institut Curie (Paris)
L’immunothérapie en renfort
L’étude Keynote-B96, présentée cette année à l’ESMO, a montré qu’ajouter le pembrolizumab, une immunothérapie anti-PD1 capable de réveiller le système immunitaire, au traitement standard retarde la progression de la maladie et prolonge la survie des patientes.
« Probablement pas chez toutes les patientes, modère le Dr Rodrigues. Il faudra analyser plus en détail les résultats mais il semble qu’il soit plus efficace chez les patientes qui ont des tumeurs plus sensibles à l’immunothérapie, c’est-à-dire qui expriment le marqueur PDL-1. »
Est-ce que ces résultats vont révolutionner la prise en charge des cancers de l’ovaire ? « Pas demain, répond l’oncologue. Il faut attendre les autorisations et l’accès au remboursement mais cela sera une option dans les prochaines années. »
Mélanome uvéal : enfin de nouveaux traitement
Les traitements actuels
Le mélanome uvéal est une forme rare de cancer de l’oeil, difficile à traiter, qui deviendra métastatique dans un tiers des cas. « Les métastases se localisent la plupart du temps dans le foie, sans qu’on sache vraiment pourquoi » complète le Dr Rodrigues.
Les patients sont alors traités avec du tebentafusp (Kimmtrak®), un anticorps bispécifique, capable de se fixer sur 2 cibles à la fois : sur le CD3 exprimé par les lymphocytes, et sur le gp100 exprimé par les mélanomes. Cet anticorps rapproche les cellules du système immunitaire des cellules tumorales, facilitant ainsi leur action.
Ce traitement, qui a révolutionné la prise en charge du mélanome uvéal il y a quelques années, n’est toutefois efficace que chez 2/3 des patients présentant un HLA particulier.
Modifier les cellules du système immunitaire pour les rendre plus efficaces
Cette année à l’ESMO, une nouvelle technologie a été présentée : celle des TCR T-cells. « Il s’agit de prélever les cellules immunitaires du patient, de modifier génétiquement les récepteurs à leur surface pour qu’ils reconnaissent la tumeur, avant de les lui réinjecter » explique le Dr Rodrigues.
Encore préliminaires, les résultats d’une étude testant IMA203, un TCR T-cells capable de reconnaitre la protéine PRAME exprimée à la surface des mélanomes, ont montré que ce traitement était capable de réduire significativement la taille de la tumeur chez plus de la moitié des patients.
« Il s’agit maintenant de déterminer si cette réponse est durable. Les TCR T-cells sont des traitements complexes qui coutent chers » précise le Dr Rodrigues.
D’autres traitements prometteurs
Le Dr Rodrigues a également présenté les résultats de l’essai PLUME dans lequel une combinaison entre une immunothérapie anti-PD1 et une thérapie ciblée était testée : le pembrolizumab (Keytruda®) et le lenvatinib (Lenvima®). « Les résultats sont encore préliminaires mais ils sont encourageants, surtout chez les patients préalablement traités par tebentafusp » commente le Dr Rodrigues.
L’étude CHOPIN quant à elle, a choisi de combiner 2 approches : l’une systémique, l’autre locale. La première a consisté à réveiller le système immunitaire grâce à une double immunothérapie : le nivolumab (Opdivo®) ciblant PD1 et l’ipilimumab (Yervoy®) ciblant CTLA-4. La seconde, à traiter les métastases hépatiques en injectant une chimiothérapie directement dans le foie. « Habituellement, l’immunothérapie seule ne fonctionne pas bien. Le fait de « taper » en même temps sur le foie semble mieux fonctionner » observe le Dr Rodrigues.
« Toutes ces pistes doivent encore être confirmées mais il s’agit d’avancées majeures dans une maladie pour laquelle nous avions peu de traitements jusque-là » conclut l’oncologue.
Cancer de la vessie
Les traitements actuels
La vessie est composée de plusieurs couches. Les plus superficielles sont la muqueuse et le tissu conjonctif. La plus profonde, le muscle. Lorsque le cancer de la vessie infiltre le muscle, le traitement consiste à administrer avant la chirurgie (en néoadjuvant) une chimiothérapie à base de cis-platine, puis de retirer la vessie (on parle de cystectomie), et les ganglions pelviens.
Toutefois, environ la moitié des patients ne sont pas en mesure de recevoir de chimiothérapie à base de cis-platine, en raison de leur âge ou de leur état général, et se retrouvent donc sans traitement néoadjuvant.
Enfin une solution pour les patients non éligibles à la chimiothérapie néoadjuvante
L’étude Keynote-905 a cherché à savoir si ces patients pourraient bénéficier d’un double traitement. D’une part l’enfortumab vedotin (Padcev®), un ADC capable d’acheminer une chimiothérapie jusqu’au sein de la tumeur grâce à un anticorps ciblant nectine-4, une protéine exprimée à la surface des cellules cancéreuses. D’autre part, le pembrolizumab (Keytruda®), une immunothérapie ciblant le PDL-1 capable de réveiller le système immunitaire.

Cette association thérapeutique, administrée avant et après la chirurgie, a permis de réduire de moitié le risque de décès. Au moment de la chirurgie, la tumeur avait par ailleurs disparu chez près de 60% des patients traités, contre seulement 8% dans le bras contrôle.
Ces résultats sans précédent sont amenés à changer les pratiques. Ils soulèvent également la possibilité de se passer d’une cystectomie totale chez certains patients.
Des essais cliniques complémentaires sont nécessaires pour comprendre la contribution de chacun des traitements, le Padcev® et le Keytruda®, dans le bénéfice apporté.
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