« Avoir un cancer augmente le risque de carence œstrogénique, explique le Dr Nasrine Callet, gynéco-oncologue à l’institut Curie. Cela peut être dû aux effets secondaires des traitements – chimiothérapie, hormonothérapie (tamoxifène, anti-aromatases), ablation des ovaires ou radiothérapie sur les ovaires – ou à l’arrêt d’un traitement hormonal substitutif de type THM, contre-indiqué notamment dans les cancers hormonodépendants. Carencée en œstrogènes, qui contribuent au maintien de l’élasticité et de l’hydratation de la paroi vaginale, la muqueuse vaginale s’atrophie, s’amincit et une sécheresse vaginale1 peut survenir. » Conséquences ? Brûlures, irritations, douleurs lors des rapports sexuels – voire saignements –, modification de la flore bactérienne, infections urinaires… Un cortège de maux qui peuvent considérablement altérer la qualité de vie. « À tel point parfois que c’en est un motif de demande d’arrêt des traitements », constate Françoise Soffray, gynécologue et chirurgienne à l’hôpital privé Saint-Martin, à Pessac. « Parler de son bien-être vaginal à son médecin est essentiel, insiste le Dr Marie-Hélène Colson, directeur d’enseignement du DIU de sexologie à la faculté de médecine de Marseille. Or, selon une récente enquête, 4 femmes sur 10 n’en parlent jamais2. Le sentiment de détresse ressenti peut les rendre dépressives. La plupart d’entre elles préfèrent se taire et souffrir en silence alors qu’il y a des solutions. Il est temps de dire stop au tabou ! »
Moralité : lisez ou relisez Les Monologues du vagin et prenez rendez-vous chez votre gynécologue. Selon l’intensité du syndrome, la nature de votre cancer (hormonodépendant ou non) et de vos traitements, voici les options qui peuvent vous être proposées, des plus douces aux plus « high-tech ».
Les traitements non hormonaux
« Lorsque la gêne est modérée, les gels lubrifiants sont indiqués lors du rapport sexuel », indique le Dr Brigitte Tebeka, gynécologue à Colombes. Tous sont disponibles en pharmacie et en grande surface, mais préférez les produits à base d’eau ou de silicone. Le ‘‘hic’’ : leur action est superficielle et de courte durée. En traitement de fond, mieux vaut opter pour des soins hydratants vaginaux riches en acide hyaluronique (utile au maintien d’un bon niveau d’hydratation et naturellement présent dans l’épithélium vaginal), qui lubrifient et réhydratent le vagin pendant plusieurs jours.
Seule condition : les utiliser comme les crèmes de beauté, deux ou trois fois par semaine. Pour savoir celui qui vous convient le mieux, il ne faut pas hésiter à en tester plusieurs. « Au quotidien, après la toilette, l’huile de millepertuis bio peut également être utilisée pour ses propriétés hydratantes, antibactériennes, cicatrisantes et antalgiques, explique le Dr Bérengère Arnal*, gynécologue phytothérapeute à Bordeaux, opposée aux traitements hormonaux3. On peut l’appliquer avec le doigt, en interne et en externe. La sensation de confort est immédiate. Cette huile est aussi efficace contre les inflammations, notamment après un rapport douloureux. » En traitement de fond, prendre en plus deux à quatre gélules par jour d’huile de bourrache, d’onagre ou de germe de blé, par voie orale ou vaginale (dans ce cas, percer les capsules).
Les traitements hormonaux
En cas d’effet insuffisant des traitements non hormonaux, « les traitements œstrogéniques locaux, faiblement dosés, sont les plus efficaces, tant pour traiter les troubles vulvovaginaux que les signes urinaires, explique le Dr Brigitte Letombe, gynécologue au CHU de Lille. Jusqu’à présent, on ne les trouvait que sous forme d’ovules, de crème ou de comprimés vaginaux, ce qui n’était pas pratique car une fois introduits ces produits fondent et coulent. Les femmes qui les utilisent doivent donc rester allongées… »
L’arrivée en France d’Estring, seul anneau vaginal indiqué dans le traitement de la vaginite atrophique, pourrait changer la donne. Lancé en Suède en 1993 et commercialisé depuis dans quinze pays, cet anneau de 55 mm de diamètre et 9 mm d’épaisseur est facile à utiliser (on l’insère dans le tiers supérieur du vagin), ne coule pas et délivre, en continu pendant trois mois, un œstrogène synthétique chimiquement et biologiquement identique à son équivalent humain naturel. Attention cependant : les traitements œstrogéniques locaux et l’anneau vaginal sont plutôt contre-indiqués en cas de cancer hormonodépendant et doivent faire l’objet d’une discussion avec l’oncologue.
Le laser CO2 fractionné
Moins connus, non hormonaux, ils commencent tout juste à faire parler d’eux en France.- Le laser CO2 fractionné Introduit il y a trois ans en France par le Dr Michel Mouly, le traitement de la muqueuse vulvovaginale par laser CO2 fractionné (breveté sous le nom de MonaLisa Touch) constitue une alternative micro-invasive et durable. Introduit dans le vagin jusqu’au col de l’utérus, le laser provoque une microabrasion indolore, obligeant la muqueuse à refabriquer des fibres élastiques, des fibres de collagène, de l’acide hyaluronique et des microvaisseaux sanguins, lesquels jouent un rôle dans la lubrification. En 3 séances environ (1 toutes les quatre à six semaines), la paroi vaginale retrouve son épaisseur, sa fermeté, sa souplesse, son élasticité et des sécrétions normales.
Selon les premières études menées en Italie, un traitement d’entretien annuel serait nécessaire pour préserver l’effet obtenu. « Un vrai confort de vie » pour Catherine, qui vient d’effectuer sa troisième séance. Seul bémol, le coût, entre 250 et 350 euros la séance selon les praticiens, non remboursés par la Sécurité sociale.
Les infiltrations d’acide hyaluronique
Dérivée des techniques utilisées en médecine esthétique pour combler les rides d’expression et réalisée en cabinet une heure après l’application d’un gel anesthésiant, l’injection d’acide hyaluronique dans la paroi du vagin permet de régénérer et de réhydrater la muqueuse pendant huit mois au moins. Si une seule séance suffit (coût de 400 euros environ, non remboursés), il faut renouveler le traitement tous les huit à douze mois.
La radiofréquence thermocontrôlée
Ayant obtenu son agrément fin 2015, la radiofréquence consiste à chauffer la muqueuse à une température douce pendant une demi-heure. Cette technique, indolore, stimule la formation du collagène, augmente la vascularisation de la muqueuse, procure une meilleure hydratation et un regain de tonicité. Seule limite : son prix, de l’ordre de 800 euros par séance, non remboursé.
La photothérapie par diodes électroluminescentes (LED)
Le principe ? Dynamiser localement les tissus, en agissant sur la respiration cellulaire. Certaines longueurs d’ondes, en particulier le rouge, favorisent la production d’énergie et les échanges cellulaires tout en régulant l’inflammation et en diminuant la douleur. Pour le Dr Sylvain Mimoun, « combiner la photothérapie par LED et le laser en traitement externe et interne, fait partie des options possibles, particulièrement pour lutter contre la sécheresse vaginale et les vulvodynies ». Il observe un effet bénéfique « dès la deuxième ou troisième séance ».
L’ordo toute douce du Dr Arnal
1. Toilette matin et soir avec des savons spécifiques de la sécheresse des muqueuses (savon sécheresse intime de Rogé Cavaillès, savon au calendula de Weleda) avant d’appliquer un gel hydratant sur la vulve et dans le vagin (Monasens, Sensilube). Ce geste doit devenir un automatisme.
2. Ensuite, ingérer 2 à 4 capsules par jour d’huile d’onagre, de bourrache, de germe de blé (Omegaline Holistica, Œmine Bionagre). Des substances hydratantes (Replens, Femibion gel) peuvent également être introduites dans le vagin à l’aide d’une poire deux à trois fois par semaine.
3. Si nécessaire après examen bactériologique vaginal, rétablir la flore normale (Gynophilus en gélule) ou l’entretenir en lui apportant les nutriments qui lui sont nécessaires, glycogène, acide lactique (Geliofil en poires). Ce traitement local intra-vaginal peut se faire tous les soirs au début, puis, dès que l’on constate une amélioration, deux à trois soirs par semaine. Les gels hydratants peuvent aussi être utilisés comme lubrifiants au moment du rapport. Si les muqueuses vulvaires et vaginales retrouvent leur souplesse, le désir et le plaisir pourront renaître.En un mot, laissez faire la nature et, dans la mesure du possible, ayez une activité sexuelle régulière. Cela permet l’augmentation de la vascularisation vaginale, un apport de prostaglandines et d’acides gras, tandis que la distension vaginale entretient la souplesse des tissus. Autre coup de pouce : le yoga ! On s’étire, on se contracte et on se détend avec conscience et intention pour favoriser le plaisir et libérer les hormones !
Céline Dufranc
(1) Aujourd’hui appelé SGUM, pour « syndrome génito-urinaire de la ménopause », ou encore atrophie vulvovaginale (AVV).
(2) Enquête miroir auprès de 100 gynécologues libéraux et 504 femmes âgées de 45 à 65 ans, réalisée par OpinionWay pour Pfizer, avril 2016.
(3) Auteure de Cancer du sein. Prévention et accompagnement par les médecines complémentaires (Eyrolles).