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« Personne n’imagine que j’ai un cancer »

{{ config.mag.article.published }} 10 septembre 2019

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Depuis que son cancer du sein s’était déclaré, en 2014, Marine affrontait récidive sur récidive. Un dur parcours, dont les effets restaient invisibles pour les autres, le rendant encore plus difficile. Aujourd'hui, Marine est partie, mais son témoignage demeure.

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« En te voyant, on ne dirait pas que tu es malade. » Cette phrase, je l’entends tout le temps. J’ai 32 ans, et un cancer métastatique méningé. Depuis le diagnostic de mon cancer du sein HER2+, en décembre 2014, je suis sous traitement non stop. Avec de la radiothérapie parfois, des opérations aussi, et surtout des chimios sans fin… Pour éviter que la maladie ne réapparaisse ailleurs. Ou plutôt pour essayer d’en repousser le retour. Parce que la récidive, c’est le propre de mon cancer. La première, en 2015. Tumeur au cervelet. La quatrième a été détectée en mars 2019. Toujours au cerveau. Les méninges pour la troisième fois. C’est dur, angoissant… Mais je garde le sourire. Je suis comme ça. Et puis j’ai encore, pour l’instant, mes cheveux, mes sourcils, mes cils. Avec ma bonne mine, je donne pas mal le change. À tel point que mes amis ne se rendent parfois plus compte de ma situation, et de mon épuisement. Faire des soirées comme avant, partir marcher toute une journée ensemble n’est plus possible. Dire que ça ne va pas alors qu’on a l’air bien n’est pas toujours facile. La Marine que les autres voient est une partie de moi. J’ai un gros « capital joie de vivre », que j’aime partager.

En revanche, je préfère cacher la Marine usée, fatiguée, qui souffre de violents maux de tête et qui, maintenant, a des vertiges. L’oncologue m’a expliqué qu’ils sont dus à la maladie, pas au traitement. Parfois, dans les transports, je n’ai qu’une envie, m’asseoir. Mais je n’ose pas demander à quelqu’un de se lever. Je me dis que la personne ne va pas comprendre. Il faudrait que je me justifie, que j’explique, et je n’en ai pas envie. Comme je n’ai pas envie de réagir aux réflexions méchantes que j’essuie régulièrement quand je me gare sur une place handicapé. Les gens qui me voient sortir de voiture, jeune, blonde, et sur mes deux jambes, ne comprennent pas. C’est sûr que je ne cadre pas avec l’idée qu’on se fait généralement du handicap. Pourtant, le médecin du travail m’a mise en invalidité depuis deux ans. À moi aussi, au début, ça a fait très bizarre. J’ai d’ailleurs mis du temps avant d’oser poser le sticker « handicapé » derrière mon pare-brise, et de prendre une place réservée. Je me disais que quelqu’un en fauteuil en aurait plus besoin que moi. Je ne trouvais pas ça juste. C’est mon conjoint, Kevin, et ma famille qui m’ont dit : « Ce que tu as, ce que tu vis, ce n’est pas rien. Tu as le droit ! »

« Il faudrait que je m’explique, que je me justifie, je n’en ai pas envie »

Ce cancer, invisible pour les autres, pèse très lourd. Je sais que je ne guérirai jamais. Tout l’enjeu est de stabiliser la maladie. Aujourd’hui, beaucoup de femmes ont un cancer du sein. La majorité en guérit, ou est en rémission. Alors je me demande pourquoi cette maladie s’acharne sur moi. Je n’ai jamais eu une année entière sans chimio, pas même un mois d’ailleurs. Je me demande jusqu’à quand on va trouver des traitements. Je me dis que, un jour, il n’y en aura peut-être plus pour moi. Forcément ça m’angoisse, même si je ne le montre pas. Heureusement, sur Instagram, je me suis fait des amies qui ont aussi à batailler avec un cancer métastatique. Ce sont elles qui me comprennent le mieux, qui savent me rassurer. Quand je craque, je leur poste un message, et, tout de suite, elles trouvent les mots qui m’apaisent. Elles me rappellent que chaque cas est particulier, et que j’ai toujours réussi à rebondir. ça me redonne le moral pour continuer à tout faire, à accepter toutes les stratégies thérapeutiques qu’on me propose… jusqu’à ce qu’il y ait un miracle. Parce que j’espère de toutes mes forces qu’il y en aura un. En attendant, j’applique le conseil que m’a donné mon oncologue : profiter. Notre grand bonheur avec Kevin, c’est de faire de grands et beaux voyages quand les protocoles de soin le permettent. L’an dernier, nous sommes allés à Bali. Cette fois-ci, on aimerait bien retourner en Californie. En vacances, ça m’arrange bien que mon cancer ne se voie pas. Cela évite les regards que j’ai connus en 2015, quand j’avais perdu mes sourcils, mes cils, tous mes cheveux. Ces regards qui disent : « Elle est malade, la pauvre ! Si jeune ! » Loin, ailleurs, personne ne se doute, personne ne sait. Je peux alors être pleinement une femme comme les autres, parmi les autres. « Normale ».

Marine est morte de son cancer quelques semaines avant la publication de cet article dans Rose Magazine 17. Avant sa parution, elle se savait condamnée. Elle nous a demandé de le maintenir.

Propos recueillis par Sandrine Mouchet

Retrouvez cet article dans Rose Magazine (Numéro 17, p. 150)


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Sandrine Mouchet

Journaliste, rédactrice en chef de Rose magazine et directrice de Rose Magazine Éditions

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