Léonor Fasse : Pourquoi moi ? Pourquoi ce cancer ? Ce sont des questions que beaucoup de personnes malades se posent. Mais il est malheureusement très difficile de mettre en évidence une cause unique qui engendrerait la maladie. Il est donc normal de vouloir lui trouver une cause, car l’être humain déteste avoir le sentiment que la vie est absurde, sans signification. Nous cherchons donc du sens à ce qui nous arrive. Chercher une cause, c’est chercher du sens.
Certains patients croient identifier cette cause en eux-mêmes, comme si, dans une certaine mesure, ils étaient responsables de leur maladie. C’est oublier un certain nombre de facteurs associés à un risque accru de cancer. Par exemple, une consommation d’alcool ou de tabac, ou encore l’exposition à certains toxiques, comme les pesticides. Et dans ce cas-là, on peut vraiment avoir l’impression de n’avoir aucun contrôle sur cette exposition.
Le sentiment d’injustice qui accompagne l’annonce du cancer
Les personnes qui avaient jusqu’alors un mode de vie sain vont peut-être avoir un sentiment d’injustice encore plus accru. Elles vont avoir l’impression que tous leurs efforts, toute leur hygiène de vie, n’avaient servi à rien. Mais ces bonnes habitudes restent un atout pour la suite de votre prise en charge, car vous avez avec vous un bagage pour faire face à la maladie elle-même et aux effets secondaires des traitements, puisqu’on le sait, pratiquer une activité physique régulière et avoir une alimentation équilibrée, sont importants, tant sur le plan physique que moral.
Et je souhaiterais clarifier un point. Aucune personne n’œuvre continuellement pour sa santé. Nous faisons toutes et tous des petites choses qui ne sont pas extrêmement bonnes pour nous, pour notre santé au quotidien. Et par rapport à la consommation d’alcool ou de tabac par exemple, il convient de préciser que ces facteurs ne relèvent pas entièrement de choix délibérés. On parle bien d’addictions pour insister sur le fait que nous ne maîtrisons pas toujours cette consommation.
D’autre part, il n’est jamais trop tard pour modifier nos comportements. Les bénéfices seront au rendez vous. Vous pouvez diminuer, voire arrêter votre consommation d’alcool ou de tabac au fil de votre parcours de soins.
Trouver du sens à son cancer n’est pas une obligation
Ce que je vous conseille si vous êtes traversé par des interrogations comme “Pourquoi moi ?” ou “Qu’ai-je fait pour mériter cela ?”, c’est de vous interroger sur la fonction de ces interrogations et sur leur utilité. Si vous avez l’impression que trouver des réponses à ces questions, vous aide, alors pourquoi pas.
Mais si les réponses à ces interrogations engendrent trop de détresse, par exemple de la culpabilité, essayez peut-être de réfléchir à pourquoi vous vous êtes forgé ce type de questions et ce type de réponses.
Certains d’entre vous s’interrogeront peut-être plus globalement sur le sens à donner à cette expérience, sur ce qu’elle fera, peut-être, évoluer dans votre vie. Là encore, pourquoi pas. Peut-être que cette maladie va vous permettre de prendre davantage soin de vous ou de vos proches. Mais cela ne doit pas être une injonction à trouver ce type de sens. Si vous êtes dans ce mouvement, pourquoi pas, mais ne culpabilisez pas si cela ne vous traverse pas.
Et n’oubliez pas que soignants, médecins, psychologues, nous sommes là pour vous accompagner dans cette recherche de sens.
Propos recueillis par Richard Monteil
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