Des plages idylliques, le soleil, des corps bronzés et affûtés glissant, tels des funambules, sur des vagues majestueuses. Avec des icônes très influentes comme l’Américain Kelly Slater ou les Français Kauli Vaast et Justine Dupont, les surfeurs incarnent un rêve de vie libre et cool, en harmonie avec la nature.
Un rêve magnifié par la pop culture, mais qui semble inaccessible au commun des mortels. Pas seulement parce qu’il est préférable d’habiter non loin du littoral pour s’adonner au surf, mais aussi parce que la discipline apparaît exigeante, tant physiquement que techniquement.
Une idée reçue, selon Nicolas Pinot. Sur la côte basque, toute l’année, ce moniteur de surf et formateur partage son amour pour ce sport avec tous les publics : enfants, adultes, débutants ou non, mais aussi avec des personnes touchées par différentes pathologies dont le cancer, qu’il accueille à travers sa structure, Pure Source, la première école du Pays basque consacrée au surf santé.
En adaptant sa pédagogie aux capacités et à l’état de forme de chaque personne, il initie en douceur à cette discipline très complète, qui permet de travailler autant le tonus et le renforcement musculaire de l’ensemble du corps que la mobilité, l’endurance, l’équilibre et, aussi, la concentration, faculté essentielle pour « anticiper les mouvements de l’eau et bien se positionner par rapport à la vague », précise-t-il.
Léger, apaisé, libre
Mais pour Céline, une de ses élèves atteinte d’un cancer du sein métastatique, surfer est également la meilleure façon de se ressourcer et de faire le plein d’énergie. Adepte de ce sport depuis 2022 – « un véritable coup de cœur ! » –, elle explique qu’après chaque cours elle se sent « revigorée », et n’a qu’une envie : « recommencer » !
« Le quotidien, les problématiques liées à ma maladie et mon travail me demandent beaucoup d’énergie. Ça me vampirise, mais là je me sens bien, explique-t-elle, le visage rayonnant. Pour l’instant, je suis fière de moi, mon corps ne m’a pas lâchée, mais peut-être que dans un an je ne pourrai plus surfer. Alors, si je dois profiter, c’est maintenant ! »
À plusieurs centaines de kilomètres du Pays basque, sur la côte méditerranéenne, des équipes de l’association Surf Santé, créée en 2019, partagent cette même ambition de rendre le surf accessible à tous et d’en faire un outil de santé autant qu’un vecteur de lien social. Pour cela, elles forment des éducateurs à travers toute la France, sensibilisent les acteurs du secteur médical et organisent des événements et des sessions d’initiation.
Une alternative : le stand-up paddle
Très populaire en France depuis les années 2010, cette discipline apparaît comme une option plus facile que le surf pour glisser sur l’eau. Il suffit de se tenir debout sur une planche
et de pagayer pour avancer. La pratique sollicite de nombreux groupes musculaires tout en faisant travailler l’équilibre. Idéale pour s’amuser et se dépenser, quand il n’y a pas de vagues !
Sport santé
À 55 ans, Krystelle n’aurait jamais imaginé faire du surf, et pourtant elle a fait partie des néophytes rassemblées par l’association à Canet-en-Roussillon (66) à l’automne 2024. « Avec le cancer, on se sent très seule. C’est très important de s’ouvrir et de tester de nouvelles activités. »
Par une belle journée d’été indien, elle s’est lancée, rassurée par la bienveillance de l’encadrement et du groupe : « Dans le sport santé, on fait attention aux autres, on est moins dans la force, on est d’abord là pour se faire plaisir. » Résultat ? « Je me suis sentie libre […]. J’ai beaucoup de douleurs, à cause des traitements, mais bizarrement, durant la session, je n’ai rien ressenti », confie-t-elle en souriant.

« Quand on entre dans l’eau, il se produit ce qu’on appelle l’état de flow. On se sent apaisé, léger, on doit juste être présent et se focaliser sur les vagues », analyse Sandra Saint-Geours, chargée de développement au sein de l’association Surf Santé. « L’expérience permet de faire le vide, et d’apaiser les douleurs. Quand on est dans cet état de bien-être, on peut savourer chaque seconde, conclut Krystelle. Alors, oui, je suis tombée et j’ai bu la tasse, parce que je ne faisais que rigoler avec les copines… Mais quel plaisir de pouvoir y arriver ! »
Un booster d’ego
Parvenir à monter sur sa planche tout en domptant les vagues est en général vécu par les débutants comme une grande victoire. Ce qui, en soi, est déjà thérapeutique, ne serait-ce qu’en matière de confiance et d’estime de soi. Un vrai booster d’ego ! Mais le fait d’être au contact de l’eau, en plein air, et souvent en cohésion avec un groupe, a aussi un impact sur le stress, voire l’anxiété.
L’été dernier, certaines adhérentes de Goxa Leku, une maison de soins oncologiques de support située au Pays basque, à Saint-Pée-sur-Nivelle, ont pu participer à plusieurs sessions de surf sur les plages d’Hendaye (64), un spot parfait pour les débutants.
Parmi elles se trouvait Cécilia (53 ans). Elle explique avoir été au bord de la dépression après l’opération de son cancer. Mais participer à une activité aussi inédite que le surf l’a, dit-elle, « sauvée ». « Avant le cours, j’avais peur de tomber ou de ne pas réussir à me lever ! Une fois sur la planche, on se sent tout de suite plus positive. Certes, on éprouve de la fatigue, mais notre esprit est reposé. »
« Sur le moment, on est happé par les vagues ; et, quand on arrive à en prendre une, on a directement envie d’en reprendre une autre. C’est grisant ! s’enthousiasme Dominique (72 ans) qui faisait aussi partie du groupe d’Hendaye. Pour moi, c’est une vraie révélation. Ça m’a fait renaître ! J’ai eu la sensation que tout était possible et qu’il n’y avait plus de limite. Ça donne envie de se lancer dans plein de choses après. »
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Osez !
Pour ces femmes touchées par le cancer, dompter les vagues est un défi, et le relever permet de voir plus grand et plus loin.
Aujourd’hui, Céline n’imagine plus se passer de surfer. Pratiquer régulièrement l’a amenée à faire naturellement plus attention à elle : « Au quotidien, je prends soin de moi, car je veux continuer à mettre ma combinaison et réussir à glisser. Ce sport est devenu mon objectif de vie. »
Comme tous les passionnés et toutes les nouvelles amatrices de surf, elle n’a qu’un seul conseil à donner à celles qui se demanderaient encore si cela vaut la peine d’être essayé : osez !
OÙ PRATIQUER ?
• Nouvelle-Aquitaine : Pure Source, à Biarritz
• Occitanie : ABSC, à Canet-en-Roussillon
• Bretagne : Ligue de surf de Bretagne, à Quimper
• Guadeloupe : école de surf Ride In
• Retrouvez tous les clubs de l’Hexagone et d’outre-mer où pratiquer avec des éducateurs formés par l’association Surf Santé sur son site : surf-sante.com
Par Charlotte Médot
Retrouvez cet article dans Rose magazine n°28