Je m’appelle Anne, j’ai 58 ans. Je vis en Alsace, avec mon mari, dans un village montagnard entre Colmar et Strasbourg. J’ai eu un cancer du rectum en 2017 et je suis bénévole au sein de l’association Patients en Réseau. La chirurgie m’a laissé une stomie. Cette dérivation du colon devait être provisoire. Mais lorsqu’il a été question d’un retour à la normale un an plus tard, mes tissus se sont avérés trop abîmés. Ma stomie, et la poche qui récupère mes selles, sont alors devenues définitives.
J’ai donné un nom à ma stomie. « Catherine » est ainsi née le 10 janvier 2018. Elle n’était pas désirée, mais je lui suis reconnaissante de m’avoir sauvé la vie. Elle est ma plus grande alliée et mérite à ce titre une place reconnue dans mon quotidien. Alors j’ai décidé lui donner mon troisième prénom.
C’est pas moi, c’est Catherine !
Avoir baptisé Catherine me permet de l’intégrer à part entière dans mon système familial et relationnel. Concrètement, cela facilite la communication avec le conjoint, les enfants, les amis, les membres de la famille….
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Par exemple, lors d’un apéro entre amis, si j’ai un besoin pressant, je préviens : “Quelqu’un doit aller aux toilettes ? Car avec Catherine je vais en avoir pour un moment.” En cas de bruits intempestifs, je me défausse : “C’est pas moi, c’est Catherine !” Si je dois refuser une sortie : “Catherine n’est pas très motivée aujourd’hui”. Quand on me propose de manger du chou que je digère mal : “Moi j’adore ça, mais Catherine ne va pas apprécier.”… La liste est infinie !
C’est une manière décomplexée de signifier mes besoins et de dédramatiser les manifestations de Catherine. En plus, ça fait rire tout le monde. Mes proches partagent cette bienveillance. Ils sont ravis de pouvoir contribuer à l’intégration de ce qui reste néanmoins un handicap. Pouvoir me demander “Comment va Catherine ?” leur simplifie aussi les choses.

Catherine n’est pas une empêcheuse
Si Catherine pouvait parler, elle me dirait “Allez cocotte, même si je suis là tu peux vivre ta vie comme tu veux !” Et elle aurait raison, car au quotidien, elle n’est pas une empêcheuse.
En septembre prochain, mon mari, Catherine et moi allons partir en vacances à Majorque. Catherine a même son petit passeport, un document non-officiel bien sûr, mais qui peut aider à expliquer la situation lors de n’importe quel contrôle, à l’aéroport par exemple. J’ai aussi prévenu mon conjoint de prendre en compte que Catherine, avec tout son matériel, aura besoin d‘une valise rien que pour elle !
La présence de Catherine m’incite à observer et écouter mon corps, ce qui implique quand même parfois quelques renoncements ou des adaptations. J’aimais courir, mais je ne veux plus sortir trop longtemps avec Catherine. Alors je fais de la marche rapide sur un tapis chez moi. J’adapte aussi mes repas, et donc mon transit, en fonction de mes sorties. Parfois, je saute le petit déjeuner pour être sereine en milieu de journée.
On parle de Catherine avec ma psy
Le seul domaine où Catherine me gêne, c’est dans ma vie sexuelle. En pratique, elle ne pose aucun problème. Mais je lui en veux d’avoir défiguré mon ventre. Catherine s’est imposée chez moi l’année de mes 50 ans. Avec les effets secondaires des traitements et la ménopause, ça a fait beaucoup d’un coup. Ma libido en pâtit.
Mon cancer s’étant révélé métastatique, j’ai enchaîné les traitements. Cela m’a longtemps accaparé l’esprit. Mais alors que mon dernier traitement s’est terminé il y a six mois, certaines choses remontent d’un coup. Alors, entre autres choses, on parle de Catherine avec ma psy aussi.
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Propos recueillis par Richard Monteil.