Qu’ont de particulier les mamans solo touchées par un cancer ?
Lorsqu’une maman est en couple, l’aidant de premier recours, c’est le conjoint. Dans le cas des mamans seules, il n’y a pas d’aidant au quotidien, qui partage le même foyer.
On comprend donc que leur situation est d’emblée plus complexe. Que leurs enfants soient des petits ou des ados, elles doivent déployer beaucoup d’énergie pour s’occuper d’eux.
Souvent, elles ne se rendent pas compte qu’elles s’épuisent, et leur degré d’épuisement est supérieur à celui des autres mamans. Par ailleurs, la solitude ajoute une angoisse à celle inhérente au cancer.
C’est pourquoi j’invite ces mères à bien faire la différence entre la peur et l’angoisse. L’angoisse, c’est la peur de la peur : qu’est-ce qui se passerait si… ?
Travailler ce point permet d’aborder les choses telles qu’elles sont, plutôt que telles qu’on les craint. Cela apporte de l’apaisement au quotidien.
BON À SAVOIR : Formé aux thérapies brèves et à l’hypnose ericksonienne, Giacomo Di Falco, psycho-oncologue au CHU de Lille, s’est spécialisé dans l’accompagnement des personnes qui souffrent de maladies chroniques.
S’autorisent-elles à flancher parfois ?
Parce qu’elles doivent tout gérer, elles basculent assez vite dans l’hypercontrôle, et ne s’autorisent pas à craquer.
Or le cancer est précisément une maladie qui nous oblige à réviser notre notion du contrôle. Le conserver pour ce qui est vraiment utile, et le lâcher pour parvenir à accepter l’inattendu et à y faire face.
Certaines femmes culpabilisent de pleurer devant leurs enfants.
Je leur dis : « Vous savez, c’est l’un des plus beaux cadeaux que vous pouvez leur faire : leur montrer qu’en fait vous n’êtes pas des robots, mais humaines. Être humain, c’est avoir des émotions. Et pleurer comme rire sont des émotions. En les exprimant, vous les autorisez aussi à ressentir et à exprimer les leurs. »
Savent-elles demander de l’aide ?
Souvent, on attend que les gens nous proposent de l’aide ; mais, là, je dirais qu’il faut mettre un tout petit peu son ego de côté et savoir en demander.
Je dis souvent : « Ça n’a jamais tué personne de poser un genou par terre. » C’est essentiel pour la bonne conduite du traitement, pour reprendre des forces, et même pour le bien-être de ses enfants, afin qu’ils aient une maman un petit peu plus en forme.
Encore faut-il réussir à se défaire des croyances sur la vulnérabilité et sur la culpabilité. Car accepter de l’aide n’est pas un signe de faiblesse, et cela ne signifie pas non plus que l’on n’aime pas assez son enfant.
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Comment parler de son cancer à son ou ses enfants ?
Le mieux est déjà d’attendre d’avoir passé soi-même la barrière de l’angoisse, ce qui permet d’éviter de glisser à son insu des idées anxiogènes dans son discours.
Oui, c’est une épreuve, mais il faut essayer de ne pas dramatiser et d’éloigner les pensées irrationnelles comme : « De toute façon, je suis maudite », ou : « C’est de ma faute, j’ai eu tel ou tel comportement… j’ai fumé », etc.
En revanche, je pense qu’il faut prononcer le mot cancer. Là, ce n’est pas de la dramatisation, c’est juste la réalité.
Je propose aussi d’attendre d’avoir des options de traitement, pour pouvoir contrebalancer l’annonce par une promesse de soins : « Maman va être soignée. »
Cela permet aux enfants d’envisager des solutions, et c’est facile à comprendre.
L’annonce est-elle différente selon l’âge de l’enfant ?
On ne pense pas les mêmes choses à 3 ans, à 8 ans ou à 15 ans. Donc, si on a des enfants de différents âges, il ne faut pas forcément leur parler à tous en même temps.
La maman doit parler avec ses mots à elle, ne surtout pas plaquer un discours tout fait.
Il faut aussi garder à l’esprit que, même si certaines choses semblent ne pas avoir été entendues par l’enfant, celui-ci reviendra vers sa maman avec des questions s’il en a besoin. Elle pourra donc y répondre au fur et à mesure.
Enfin, consulter un psy, même une seule fois avec ses enfants, permet d’avoir un médiateur pour parler de la maladie. On peut aussi tout simplement demander à voir l’oncologue avec eux.

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Comment faire pour garder un esprit positif ?
Je suis complètement contre les discours positifs à tout prix, parce que c’est très culpabilisant pour ceux qui n’y arrivent pas. Et on n’y arrive pas toujours.
Malade ou pas, il y aura des jours de désespoir, et ces jours-là il faut les laisser venir. Ils passeront.
Ce qui compte, c’est : pourquoi on se lève le matin ? Pourquoi on accepte les traitements, parfois très lourds, avec leurs effets secondaires ? Pour aller mieux. Pour guérir. Pour traverser l’épreuve, qu’on
appellera peut-être, un jour, une expérience.
À LIRE : Retrouvez les témoignages de mamans touchées par le cancer dans notre série « Mamans solo et cancer »
Propos recueillis par Cécile Blaize et Laure Marsecaux
Retrouvez cet article dans le Rose magazine n°29