« Vacances, j’oublie tout… plus rien à faire du tout… » Vous connaissez le refrain, et vous pensez qu’il vaut mieux l’oublier en ce moment à cause votre cancer ? Eh bien, non ! Ce n’est pas parce que vous êtes malade que vous devez regarder partir les autres cet été !
« Si le rythme des traitements et l’état de la patiente le permettent, partir en vacances est presque toujours possible, et même recommandé dans 99 % des cas », assure le Pr Mahasti Saghatchian, oncologue à l’hôpital américain de Paris. « C’est bénéfique pour le patient, et pour sa famille. »
À quelques exceptions près. En cas de cancer avancé avec des localisations à risque de complications – comme des métastases osseuses pouvant entraîner une fracture –, de métas- tase cérébrale à irradier en urgence, ou encore de cancer nécessitant une chimiothérapie néoadjuvante rapidement, il faudra différer votre projet. La radiothérapie, une fois commencée, ne doit pas non plus être interrompue très longtemps.
Choisir sa destination
Autre réserve, la destination. Partir à l’autre bout du monde en cours de traitement impose de prendre des précautions spécifiques, et ce n’est pas sans risque. « Il faut se méfier de la complication, par exemple une aplasie (une baisse des globules blancs dans le sang entraînant un risque important d’infection) qui surviendrait dans un pays où l’accès aux soins n’est pas simple, souligne le Pr Saghatchian. Mieux vaut donc rester dans un périmètre raisonnable, en s’assurant qu’une structure médicale puisse prendre le relais si nécessaire. » Un avis que partage le Dr Thomas Grellety, chef du service d’oncologie du centre hospitalier de la Côte-Basque, à Bayonne : « Un séjour à l’étranger est compliqué à organiser, or nous sommes garants du bon déroulement des traitements. »
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Anticiper et s’organiser
Heureusement, vacances ne signifie pas forcément aller loin ! Vaste monde, la France offre un large choix de destinations dépaysantes… Laure, fan de voyage, suivie pour un cancer du sein agressif à Toulouse, a choisi le Pays basque : « Je ne pouvais pas interrompre mon protocole de seize cures de chimio, mais pas question d’annuler mes vacances à Biarritz avec mon mari et mes deux enfants. Je voulais absolument préserver une certaine “normalité” pour eux. »
« Nous faisons le maximum pour faciliter les choses aux patients et préserver leur qualité de vie. »
Il lui a suffi de passer quelques coups de fil à son oncologue pour planifier deux cures à l’hôpital de Bayonne. « J’ai été très bien accueillie. Même si nous avons dû adapter le programme des vacances à mon état de fatigue, quel bonheur de profiter de l’océan, de l’arrière-pays ! Changer d’air, d’environnement, ç’a été une véritable bouffée d’oxygène. Cela m’a vraiment permis de tenir les traitements sur la longueur et de me sentir vivante. »
Le secret d’un séjour réussi, c’est de parler de son projet suffisamment tôt à son oncologue. Idéalement un à deux mois avant, surtout si l’on vise la période estivale, durant laquelle son planning sera très chargé. N’ayez pas peur de le déranger en pensant à tort que le sujet est « futile ». « Nous avons tous besoin de vacances pour pouvoir nous ressourcer, reconnaît le Dr Thomas Grellety. Nous faisons donc le maximum pour faciliter les choses aux patients et préserver leur qualité de vie. »
Décaler ou délocaliser ses traitements
Deux cas de figure peuvent se présenter. Soit il sera possible de décaler d’une à deux semaines votre traitement sans aucun risque. Soit votre situation ne permettra pas d’interrompre le rythme des soins. Dans ce cas il faudra trouver une structure de soins disposée à vous accueillir à proximité de votre lieu de villégiature. Pour cela, procédez de la même façon que Laure : téléphonez vous-même aux services d’oncologie des cliniques et hôpitaux environnants. Une fois l’accord obtenu, votre oncologue prendra le relais et transmettra votre dossier médical ainsi que votre plan de traitement.
C’est ce qu’a fait Mathilde, en rémission aujourd’hui : «Avant d’apprendre que j’avais un cancer, j’avais réservé des vacances en famille dans le sud de la Corse. » Lors de son premier rendez-vous avec l’oncologue, la jeune femme avait remarqué une carte de l’Île de Beauté accrochée dans son bureau : « J’ai pris mon courage à deux mains pour demander si je pourrais partir là-bas en avion. Il m’a encouragée à ne rien changer à mes projets. Sa secrétaire a pris contact avec une consœur à Bastia. Une fois à Porto-Vecchio, je suis allée faire ma traditionnelle prise de sang pour valider la cure prévue 48 heures après. Les résultats ont été faxés au médecin oncologue, qui m’a confirmé par téléphone que j’étais bien attendue pour ma chimio le 28 juillet à l’hôpital de Bastia.»
Précautions à prendre
Néanmoins, pour partir l’esprit tranquille et léger, quelques précautions valent mieux qu’une. À commencer par glisser votre carte Vitale et votre attestation de mutuelle dans une pochette identifiable. Également, notez en évidence les numéros de téléphone de votre médecin référent et de votre service d’oncologie.
Avant de réserver votre séjour, certaines « obligations » sont incontournables. Par exemple, si vous êtes en arrêt-maladie, pour éviter de voir vos indemnités journalières suspendues, ne prenez pas la poudre d’escampette sans passer par la case Sécurité sociale. Demandez au centre auquel vous êtes rattachée son accord préalable pour un séjour « hors département », et ce au moins quinze jours avant la date de votre départ. Si vous partez en voyage dans un pays européen, il est important que vous demandiez au moins quatre semaines en amont votre carte européenne d’assurance maladie sur le site ameli.fr.
Ne pas oublier ses médicaments
C’est ce qu’a fait Nathalie, en 2017. Grâce au concours de l’équipe du service d’hématologie de l’hôpital Robert-Debré de Reims, et malgré un double lymphome hodgkinien splénique et osseux, elle a vécu un séjour inoubliable avec ses proches dans un des étonnants lodges du Pairi Daiza Resort, situé au cœur d’un parc animalier en Belgique : « J’avais tout préparé: mes médicaments, mon dossier, mon foulard et mes bonnets. J’étais rassurée, car un médecin de garde et une infirmière du site avaient été prévenus, au cas où il y ait une urgence. Et nous avions les coordonnées de l’hôpital le plus proche. »
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Autre point important, les médicaments. Ce n’est pas le moment de les oublier ni d’oublier votre ordonnance, qui permet de les renouveler sur place ! Vous pouvez aussi envisager d’en emporter une quantité supplémentaire, au cas où votre voyage serait prolongé de quelques jours. Si vous suivez une thérapie orale, parlez-en à votre pharmacien pour commander vos médicaments à l’avance. Pour faciliter les choses, l’oncologue peut préciser sur l’ordonnance : « délivrance dérogatoire pour une durée de… », indique le Pr Saghatchian. Si vos produits sont délivrés par la pharmacie hospitalière, alors il vous faut voir plus précisément avec votre oncologue.
Gare aux UV
Vigilance également par rapport aux risques infectieux liés au cancer. Les traitements anticancéreux, en particulier la chimiothérapie, fragilisent le système immunitaire et vous rendent plus sensible aux infections. Pour réduire les risques, pensez à vous laver les mains régulièrement – vive les solutions hydro- alcooliques ! –, si vous voyagez dans une grande ville tâchez d’éviter les lieux trop fréquentés. En cas de symptômes anormaux (fièvre, diarrhée, rougeurs de la peau, etc.), consultez sans attendre pour éviter une aggravation du problème.
Méfiez-vous également du coup de chaleur et des effets nocifs du soleil. Certains types de traitement contre le cancer peuvent rendre la peau plus sensible, « et l’on doit parfois faire face à des toxicités inattendues », indique le Pr Mahasti Saghatchian. L’oncologue se souvient d’une patiente ayant développé une grosse crise d’urticaire lors de vacances dans le sud de la France entre deux chimiothérapies. Là encore, il suffit de prévenir. En glissant dans votre valise chapeau ou casquette, lunettes de soleil, vêtements couvrants, et protection solaire SPF 50 (dont vous penserez à renouveler l’application toutes les deux heures environ).
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Si vous portez un implant mammaire, ne vous exposez pas au soleil avec des vêtements sombres. Et surtout pas en maillot de bain noir, marron ou bleu marine ! Ces couleurs absorbent les infrarouges du soleil et stockent la chaleur : cela produit un effet loupe, gare alors aux brûlures ! Mieux vaut enfiler un tee-shirt sur le maillot et, dans tous les cas, rester à l’ombre.
Savourez vos vacances
Vous êtes plutôt du genre active et vous trépignez déjà à l’idée de randonner ou de découvrir une toute nouvelle activité physique ? Ce sera bénéfique à tout point de vue ! Néanmoins, avant de partir, « le mieux est quand même d’en discuter au préalable avec votre oncologue », conseille le Pr Saghatchian, et d’indiquer au coach sportif ou à l’animateur votre pathologie au moment de vous inscrire.
Parachutisme, saut à l’élastique ou safari en Tanzanie attendront plutôt que vous soyez rétablie ! Quant au snorkeling et à la plongée sous-marine, mieux vaut s’y initier dans un cadre particulièrement sécurisé, comme celui proposé par l’association Aquadémie Paris Plongée.
En attendant, comme Mathilde, vous pouvez nager librement dans la mer ou en piscine, « avec un turban ou un chapeau de cow-boy, aller au resto de plage »… Son mantra : « Profiter de la vie à fond, comme si elle devait s’arrêter maintenant. » Comme elle, cueillez les plaisirs minuscules qui font le bonheur de l’instant : être réveillée dès l’aube par le chant des oiseaux, goûter aux mûres chauffées par le soleil qui s’offrent au détour d’un chemin, s’offrir un massage planant.
Et, une fois tous vos traitements terminés : « Partez le plus vite et le plus loin possible ! » encourage le Pr Mahasti Saghatchian. Allez au bout de vos rêves ! Message reçu cinq sur cinq par Amélie. Arrivée à la fin de son parcours à l’institut Curie de Paris, elle vient de réserver un beau voyage en Laponie.
TROIS CHOSES À FAIRE SI VOUS VOYAGEZ À L’ÉTRANGER
• Avant le départ, demandez à votre médecin un certificat (en français et en anglais) attestant de votre état de santé et de la nécessité d’emporter vos médicaments.
• Vérifiez que votre ordonnance est rédigée en DCI (dénomination commune internationale). Cela afin qu’elle soit compréhensible par les professionnels de santé dans le monde entier.
• Dans certains pays, des catégories de médicaments, notamment les antalgiques, sont soumises à une réglementation spécifique « limitant le nombre de doses de traitement, ou qui en interdit l’entrée sur leur territoire », précise le Pr Ivan Krakowski, président de l’Afsos (Association francophone des soins oncologiques de support). Renseignez-vous sur le site de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS). Ou prenez contact avec votre agence régionale de santé (ARS), cela pour une destination dans l’espace Schengen.
Retrouvez cet article dans Rose magazine n°26.