Les anticorps sont produits naturellement par des cellules de notre système immunitaire appelés lymphocytes B. Ces molécules complexes permettent de lutter contre des corps étrangers à notre organisme (virus, bactérie…) en se fixant sur ces derniers. Les anticorps ne vont pas se fixer n’importe où sur ce corps étranger. En fait, chaque anticorps se fixe sur un “antigène” : une petite partie d’une protéine qui compose le corps étranger. Chaque anticorps reconnaît donc une cible qui lui est spécifique.
Pour prendre un exemple qui parlera à tout le monde, après une vaccination contre le SARS- Cov-2 (virus responsable du Covid-19), notre corps produit des anticorps contre Spike, une protéine exprimée à la surface du coronavirus qui lui permet d’entrer dans nos cellules. Ici, Spike est donc l’antigène reconnu par les anticorps. En se fixant dessus, les anticorps anti-Spike empêchent le SARS- Cov-2 de nous infecter.
Cette faculté particulière des anticorps a été détournée dans le domaine de l’oncologie pour produire des traitements de nouvelle génération. L’idée : utiliser des anticorps qui reconnaissent des antigènes présents uniquement à la surface des cellules tumorales. C’est anticorps, produits en laboratoire à partir de cellules identiques, ou clones, sont dits monoclonaux1. Voici 3 de leurs applications dans le traitement du cancer.
Les anticorps des thérapies ciblées
Tout un tas de protéines régulent la multiplication et la mort des cellules. Si ces protéines sont altérées, par des mutations, la cellule va se mettre à proliférer de façon anarchique et survivre dans des conditions où elle devrait normalement mourir. Bref, elle va devenir tumorale.
Les thérapies ciblées vont bloquer ces protéines anormales grâce, notamment, à des anticorps. C’est le cas par exemple du Cetuximab, un anticorps dirigé contre EGF-R, un récepteur surexprimé à la surface des cellules tumorales et qui participe à leur prolifération.
Les thérapies ciblées peuvent également bloquer des protéines qui contribuent à nourrir la cellule tumorale. C’est le cas du bevacizumab qui empêche la formation de nouveaux vaisseaux sanguins dans la tumeur en bloquant le facteur de croissance VEGF-1.
À LIRE AUSSI : Tout savoir sur la thérapie ciblée
Les anticorps des immunothérapies
L’une des raisons pour lesquelles une tumeur se développe, c’est qu’elle échappe à notre système immunitaire. Comment ? Notre système immunitaire est pourtant doté de cellules particulièrement efficaces pour détruire les cellules malades : les lymphocytes T. Mais pour éviter qu’elles ne s’activent à tout bout de champ, et se mettent par exemple à s’attaquer à des cellules saines, les lymphocytes possèdent à leur surface des sortes de cadenas qui, quand ils sont actionnés, vont les “verrouiller”. L’un des ces cadenas, c’est le PD1.
Le problème c’est que les cellules tumorales en ont acquis la clé. Dans le cas du PD1, il s’agit du PDL1.
Les immunothérapies sont des anticorps qui vont se fixer soit sur le cadenas (les anti-PD1), soit sur la clé (les anti-PDL1), pour “déverrouiller” les lymphocytes T et leur permettre d’assurer leur rôle : éliminer la tumeur.
À LIRE AUSSI : Immunothérapie : le point sur les anticorps anti-PD1 et PDL1
Les anticorps des ADC
La chimiothérapie est l’un des principaux traitements du cancer. Son principe est simple : elle détruit les cellules qui se divisent. Elle est donc très efficace pour éliminer les tumeurs puisque celles-ci se multiplient rapidement. Malheureusement, elle s’attaque aussi à des cellules saines comme celles de la peau et des cheveux, qui se régénèrent, elles aussi, en permanence.
Pour pallier ces effets secondaires, la chimiothérapie peut être couplée à un anticorps qui reconnaît un antigène présent spécifiquement à la surface des cellules tumorales. C’est ce qu’on appelle une ADC (antibody drug conjugate) ou encore anticorps conjugués en Français.
On peut citer comme exemple le Trodelvy© ou sacituzumab govitecan qui a révolutionné la prise en charge des cancers du sein triple négatif à un stade métastatique.
Les anticorps pour la biopsie
Lorsqu’ils reçoivent une biopsie pour analyse, les anatomopathologistes utilisent également des anticorps pour mieux caractériser une tumeur. On parle d’immunohistochimie. Cette technique consiste à mettre le tissu prélevé en contact avec des anticorps couplés à des colorants ou des fluorochoromes. Observés sous microscope, ces anticorps “marqués” révèleront ou non la présence de protéines, comme des récepteurs, au niveau de la tumeur. Dans le cancer du sein, par exemple, on a recours à des anticorps dirigés contre HER2 ou les récepteurs hormonaux pour déterminer s’il s’agit d’un cancer hormonodépendant ou HER2+.
1. ou monoclonal antibody (mab) en Anglais. C’est pourquoi les médicaments dont le nom se termine par -mab (atezolizumab, rituximab…) sont des anticorps.