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Cannabis thérapeutique : aucun argument éthique pour interdire son utilisation

{{ config.mag.article.published }} 28 novembre 2018

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Saisi par une malade de cancer, le Comité éthique et cancer a rendu son avis sur l’interdiction du cannabis thérapeutique : aucun argument éthique ne justifie son interdiction. Il demande toutefois aux autorités de santé de diligenter des études scientifiques rigoureuses pour mieux encadrer son utilisation.

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Une femme de 27 ans a saisi le Comité éthique et cancer1 pour qu’il statue sur le caractère éthique de l’interdiction du cannabis thérapeutique en France. Atteinte d’un cancer, la jeune malade a recours à la plante pour soulager des douleurs et nausées consécutives de ses traitements que les antalgiques et anxiolytiques ne parviennent pas à calmer. Elle rencontre néanmoins des difficultés à en parler sans craindre les jugements et à se procurer du cannabis sans risque. Pour elle, l’interdiction du cannabis thérapeutique s’apparente à «  un refus de soin de la part des autorités » et s’interroge sur le caractère « inéthique » d’une telle décision « notamment au regard du principe de non-malfaisance ». Le Comité éthique et cancer a examiné la question « en restreignant son analyse à un cadre médical : intérêt de l’utilisation du cannabis pour soulager la douleur et améliorer la qualité de vie, et risques afférentes à ce type de consommation dans le contexte actuel ».

 Un effet néfaste écarté dès lors que le produit n’est pas fumé

Principal argument pour éventuellement conclure que l’utilisation thérapeutique du cannabis n’est pas éthique : « son effet néfaste ». Il n’est plus à démontrer que le cannabis fumé « peut entraîner des troubles cognitifs et/ou moteurs, voire des symptômes psychiatriques ». En revanche, pas d’effets indésirables notoires pour sa prise par pulvérisation orale, comme c’est le cas pour le Sativex. Ce produit a d’ailleurs obtenu son autorisation de mise sur le marché en janvier 2014 (mais n’est pas encore commercialisé en France, la négociation du prix n’ayant pas abouti). « De ce fait, l’argument des effets néfastes possibles dans le contexte d’une maladie grave et potentiellement mortelle, pour une utilisation visant à soulager des personnes adultes, et dès lors que le produit n’est pas fumé, ne paraît pas devoir être retenu pour s’opposer à un tel usage » conclut le Comité dans son avis.

Une dérive vers un usage récréatif improbable pour les malades

Deuxième argument : la consommation dans un contexte thérapeutique favoriserait l’usage récréatif. Selon le Pr Authier, psychiatre et addictologue au CHU de Clermont-Ferrand auditionné par le Comité : « les abus d’utilisation de ces produits par des personnes atteintes de maladies graves sont rares. Il va de soi que la priorité d’une personne dont l’état de santé est gravement altéré est d’abord d’être soulagée, quand bien même ce soulagement résulte en partie de l’effet dit récréatif du produit qu’elle consomme. »

Quant aux non-malades ? Le Comité ne peut écarter le risque qu’ « un accès accru au cannabis pose des problèmes de santé publique » mais considère que « cela ne retire en rien la légitimité de la demande et des besoins exprimés par certains malades. »

Aucun argument éthique en défaveur de sa consommation thérapeutique

Conclusion : « le Comité ne peut identifier de raison de s’opposer à l’usage du cannabis par des malades qui disent en tirer un bénéfice. » Le Comité va plus loin en recommandant que « pour ces malades, l’accès au cannabis ou à ses substances actives puisse se faire sous une forme leur permettant d’éviter de le fumer, afin de ne pas être exposés aux effets délétères de ce mode de consommation. »

Les autorités de santé priées de diligenter des études rigoureuses

Reste que le bénéfice/risque du cannabis dans un contexte thérapeutique n’est pas encore correctement évalué par des études scientifiques rigoureuses. Certaines questions restent encore en suspens : dans quelles indications l’utiliser ? quelles sont les contre-indications ? par quelle voie l’administrer ? quelles sont les précautions à respecter ?

Selon le Comité, « il en revient aux autorités de santé de les diligenter ». Rappelons que l’ ANSM2 a créé en septembre 2018 un Comité scientifique spécialisé temporaire chargé de l’ « évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France ». Ses premières conclusions sont attendues pour la fin de l’année 2018.

Emilie Groyer

  1. Le Comité éthique et cancer, créé en septembre 2008 par la ministre chargée de la Santé et le président de la Ligue nationale contre le cancer, est un comité consultatif indépendant qui émet des avis sur des questions dont il est saisi. Il est présidé par le Pr Axel Kahn, généticien de renom et président honoraire de l’université Paris Descartes.
  2. Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

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Emilie Groyer

Docteur en biologie, journaliste scientifique et rédactrice en chef du site web de Rose magazine

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