Au premier jour de confinement, le Haut Conseil de la Santé Publique a émis des recommandations relatives à la prévention du COVID-19. Parce que les patients atteints de cancer sont plus à risque de développer des formes graves d’infection, un annexe entier a été consacré à leur prise en charge.
Les malades de cancer plus « à risque » de développer une forme sévère de COVID-19
« Nous n’avons pas de données scientifiques suffisamment précises permettant de dire s’il existe une incidence plus importante chez les patients porteurs de cancer par rapport à la population générale » explique le Pr Fabrice Barlesi, directeur médical de Gustave Roussy dans cette vidéo. Il ajoute toutefois que les malades de cancer pourraient être plus facilement infectés par le virus si leur système immunitaire est affaibli par la maladie ou les traitements (comme c’est le cas avec certaines chimiothérapies ou thérapies ciblées). « Mais cela n’a pas été encore été démontré » précise-t-il.
Les malades de cancer infectés par le Covid-19 auraient des complications respiratoires plus importantes, surtout s’ils ont subi une chimiothérapie ou une chirurgie les mois précédents
« En revanche, les premières données, également issues de ces pays, suggèrent qu’en cas de formes graves, la mortalité liée au COVID-19 pourrait être supérieure chez les patients atteints de cancer. » Le Professeur fait référence ici à une étude chinoise publiée le 14 février dans la prestigieuse revue scientifique Lancet Oncology. Les résultats de l’équipe asiatique suggéraient que les patients avec un cancer et infectés par le virus développent des complications respiratoires plus importantes, et plus particulièrement quand ils ont subi une chimiothérapie ou une chirurgie dans les mois précédents l’infection.
Le Pr Barlesi conclut solennellement : « C’est la raison pour laquelle il nous impose de prendre des mesures spécifiques. »
Privilégier des traitements à domicile
Parmi ces mesures, le Haut Conseil préconise, sur la base du travail d’un groupe de 10 oncologues, d’adapter les traitements pour éviter au maximum que les malades atteints de cancer se déplacent inutilement à l’hôpital. Ainsi, les oncologues devront privilégier les traitements anticancéreux pouvant être pris à domicile. Les médicaments par voie orale sont donc préférés aux intra-veineux. Si le remplacement n’est pas possible, « il faudra favoriser l’administration en hospitalisation à domicile ».
Des pauses thérapeutiques envisagées dans les chimiothérapies, immunothérapies et thérapies ciblées
Si le cancer est à évolution lente ou si sa progression est contrôlée depuis plusieurs mois, le Haut Conseil préconise également des « pauses thérapeutiques (…) afin de limiter l’immunosuppression. » De la même manière, les chirurgies considérées comme non-urgentes pourront être reprogrammées. La priorisation des interventions sera fonction notamment de l’âge et du « caractère récent ou non du diagnostic. »
Une adaptation des protocoles : radiothérapie fractionnée et rythme des chimiothérapies modifiées
Toujours dans un souci de limiter les allers-venues à l’hôpital et, par conséquent, les interactions avec des personnes potentiellement porteuses du virus, les protocoles pourront être adaptés. La radiothérapie pourra être « fractionnée » pour réduire le nombre de séances. Les chimiothérapies pourront être modifiées dans le même objectif : « par exemple, passer d’un traitement par semaine à un toutes les trois semaines (paclitaxel, docétaxel…). »
La priorité : pas de perte de chances pour les patients
Bien entendu, le choix final du traitement reste entre les mains des équipes soignantes et des patients comme le confirme le Pr Ivan Krakowski, l’un des membres du groupe de travail : « Dans des situations exceptionnelles avec une mise en tension des services, on sera amené à privilégier un traitement plutôt qu’un autre. Ces adaptations se feront au cas par cas en s’assurant qu’il n’y a pas de perte de chance pour le patient. L’idée étant qu’entre deux risques, il faut choisir le moindre. »
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Emilie Groyer